Le Faucon du désert s’est envolé vers l’Ouest

Hors du Canada, la nouvelle du décès du légendaire pilote de chasse James Francis «Stocky» Edwards a trouvé peu d’écho. Dans l’argot des militaires anglophones, Stocky «Gone West» le samedi 14 mai 2022, ayant presque atteint ses 101 ans de vie.

Né en mai 1921 à Nokomis en Saskatchewan dans l’Ouest canadien, le jeune Edwards s’enrôle dans l’Aviation royale canadienne (ARC) en 1940. Ayant complété sa formation de base au sein de Programme d’entraînement aérien du Commonwealth, il rejoint en juillet 1941 une unité de transformation opérationnelle de la RAF en Angleterre dotée d’appareils Hawker Hurricane.

En janvier 1942, il est déployé en Libye au sein du Squadron 94 de la RAF équipé d’Hurricanes, puis au 260ème doté de chasseurs/bombardiers Curtiss P-40 Kittyhawk. Exploit pour le moins exceptionnel, il abat un Messerschmitt Bf 109 dès sa première mission de combat en mars 1942. Ce ne sera pas le dernier appareil ennemi abattu, car durant son affectation dans le Desert Air Force il enregistre 15 victoires confirmées. Baptisé le Faucon du désert par les médias, le jeune héros de guerre est plutôt surnommé Stocky par ses compagnons d’arme pour sa pugnacité au combat. Il est pourtant un véritable gentilhomme remarqué par ses supérieurs non seulement pour ses habilités de pilote de chasse, mais aussi pour son ascendant charismatique auprès de ses pairs.

Après 195 missions au-dessus des déserts nord-africains, Stocky est transféré vers le front italien où il est promu chef d’escadron et pilote dorénavant des appareils Supermarine Spitfire. En février 1944, il abat quatre avions ennemis en 26 sorties au-dessus de la tête de pont d’Anzio, au sud de Rome. Sa dernière sortie en Italie fut presque son ultime mission. Son Spitfire fut victime d’une fuite massive de glycol au-dessus des montagnes. Trop près du sol pour tenter un saut en parachute, Edward s’aligna vers une petite clairière près d’un sommet. Alors qu’il s’apprêtait à se poser, le moteur explosa et l’avion prit feu. Les pilotes qui l’accompagnaient survolèrent l’épave fumante et conclurent au décès de leur chef d’escadron. Miraculeusement éjecté de l’avion, Stocky avait toutefois survécu. Comble de chance, il fut secouru par des soldats Gurkha témoins de l’accident. Toujours en vie, mais inconscient, il se réveilla le lendemain dans un hôpital de campagne. Une semaine plus tard, il retourna à son escadron en auto-stop. Abasourdis par l’apparition de ce fantôme enturbanné de bandages, ses collègues s’apprêtaient plutôt à accueillir un nouveau chef d’escadron !

Ayant reçu l’ordre de retourner en Angleterre pour soutenir le débarquement de Normandie, il prend le commandement du Squadron 274 de la RAF doté d’avions Spitfire. En février 1945, à l’âge de 23 ans, il est promu Commandant de la 127ème Escadre de l’ARC, à la tête de quatre escadrons canadiens de Spitfire. Le 3 mai 1945, Edward effectue sa 373ème et dernière mission de combat, abattant un bombardier Junkers Ju 88 avec l’aide d’autres pilotes. Son tableau de chasse s’élève alors à 19 victoires individuelles (dont 18 chasseurs: 14 Bf 109, 3 Focke-Wulf Fw-190 et un Macchi MC.202), une dizaine de victoires partagées, une douzaine d’avions détruits au sol ainsi que plus de 200 chars d’assaut et véhicules militaires mis hors combat. On lui attribue aussi une dizaines de victoires probables additionnelles.

De retour au Canada après guerre, il poursuit sa carrière au sein de l’ARC où il fut parmi les premiers à piloter des avions à réaction. Volant initialement des appareils D.H.100 Vampire, en 1951 il forme et commande le premier escadron de chasseurs Canadair CL-13 Sabre de l’ARC. En 1952, Stocky est nommé Commandant de la 2ème escadre canadienne basée à Grostenquin en France. Trois ans ans plus tard, il est appelé sur un autre front de la Guerre froide. Rapatrié au Canada pour fréquenter le Collège d’état-major, il est ensuite affecté au QG de la défense aérienne de l’USAF pendant quatre ans. Durant ce séjour, il participe à la mise sur pied du la structure de commandement canado-américaine qui deviendra le NORAD. De retour au Canada et désirant conserver ses ailes de pilote, il se forme au pilotage du premier intercepteur tout temps de l’ARC, soit le CF-100 Canuck. Suite à une série d’affectations un peu partout au Canada, Stocky prend sa retraite en 1972 après 32 ans se service militaire.

Avec sa famille, il s’installe à Comox, sur l’Île de Vancouver. Pendant sa retraite, il a écrit plusieurs livres basés sur son expérience de la guerre et devient un peintre accompli, dont les tableaux illustrent l’histoire de l’aviation canadienne. Il met également sur pied une fiducie visant à promouvoir des carrières aéronautiques chez les jeunes, particulièrement ceux inscrits aux programmes dispensés par les Cadets de l’ARC.

Le Stocky P-40 Kittyhawk des Ailes d’époque du Canada

Bien que n’étant pas l’As canadien ayant remporté le plus de victoires durant la Deuxième Guerre mondiale, cette distinction revenant au Faucon de Malte, sa célébrité n’en était pas moindre. Récipiendaire de nombreuse décorations, dont celle de Chevalier de la Légion d’honneur, il est intronisé en 2013 au Panthéon de l’aviation du Canada. L’hommage qui lui a sans doute fait le plus plaisir est le P-40 Kittyhawk magnifiquement restauré par les Ailes d’époque du Canada aux couleurs de l’appareil sur lequel il a enregistré le plus grand nombre de ses victoires durant la guerre. Toujours humble, Stocky attribuait à son ange gardien de ne pas avoir été abattu pendant la guerre. Des funérailles militaires se sont déroulées aujourd’hui pour honorer ce héros et gentilhomme. Pour ma part, je lève mon verre au Bar de l’escadrille pour lui souhaiter bon vol. Puisse-t-il rencontrer son ange gardien qui l’a si bien protégé toutes ces années !


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

5 Responses

  1. J’avoue que n’étant pas canadien je n’avais jamais entendu parler de lui. Par contre pourquoi parlez-vous Marcel d’un Stocky P-40 et non d’un Curtiss P-40 ?

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