Il y a 80 ans les forces anglo-canadiennes lançaient le raid de Dieppe.

Bien moins connu que l’opération Overlord en juin 1944 le raid de Dieppe fut le premier débarquement de troupes alliées afin de libérer la France. Le 19 août 1942 les forces britanniques et canadiennes tentaient une opération amphibie d’envergure contre les forces allemandes présente autour de Dieppe. Cuisant échec cette opération Jubilee sera la plus meurtrière pour le Canada durant la Seconde Guerre mondiale. Elle verra aussi la perte d’une centaine d’avions et d’hydravions alliés.

Bien avant l’avènement de Deauville, Trouville, et Ouistreham, les plages situées entre Dieppe et Le Tréport furent synonymes de bains de mer et de visite du littoral. Nous étions alors entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, et le train permettait cette découverte. Puis vinrent les congés payés de 1936 durant lesquels les plages dieppoises et tréportaises allaient revenir sur le devant de la scène. Les familles modestes pouvaient ainsi elles aussi goûter aux bonheurs simples des galets normands et de l’eau fraiche de la Manche.
Qui aurait pu imaginer que six ans plus tard elles seraient souillées du sang de centaines de soldats britanniques et canadiens ?

En effet à 3 heures du matin le mercredi 19 août 1942 deux cent trente-sept navires de guerre, principalement britanniques mais aussi américains et français libres, s’alignent au large des côtes normandes. C’est la stupéfaction dans le camp allemand. Des plages de Berneval à celle de Varengeville les embarcations de débarquement crachent littéralement leurs fantassins. Le gros des troupes alliées prendra pied à Dieppe, et notamment à l’assaut des tristement célèbres falaises de Puys.

Dans le ciel ce furent près de 800 avions de la Royal Air Force qui appuyèrent cette opération Jubilee. Des chasseurs Hawker Hurricane, North American Mustang, et Supermarine Spitfire bien sûr mais aussi des bombardiers Bristol Beaufort, Douglas Boston, et Handley Page Hampden.
Des hydravions patrouilleurs Consolidated Catalina et Short Sunderland protégeaient les navires, coulant au passage le sous-marin allemand UJ-1404.

Malheureusement pour les Alliés six heures après son déclenchement Jubilee était un échec. L’ordre de réembarquement des troupes était donné. C’était déjà trop tard pour de nombreux fantassins britanniques mais surtout canadiens.
Environ 1200 combattants allaient mourir dont un peu plus de 900 Canadiens. Plus de 2000 soldats, sous-officiers, et officiers allaient être faits prisonnier par les Allemands, là encore très majoritairement des citoyens canadiens. Ceux qui allaient pouvoir rentrer en Angleterre seraient marqués à vie par la boucherie de Dieppe.

Rétrospectivement cette opération était totalement impréparée.
Le retour d’expérience allait permettre de façonner les deux grands débarquements alliés en Europe : la Normandie en juin 1944 et la Provence en août suivant. Le premier enseignement était que les plages de galets n’étaient pas adaptées du tout à de telles opérations. Le deuxième était que sans une sérieuse série de bombardements aériens en amont il serait impossible de débarquer. La troisième enfin marquait la nécessité de parachuter des troupes aéroportées ou de les faire atterrir grâce à des planeurs d’assaut en même temps que les forces amphibies.

Le bilan pour la RAF fut de cent cinq avions et un hydravion perdus : soixante-quatre Supermarine Spitfire, vingt Hawker Hurricane, dix North American Mustang, six Douglas Boston, cinq Handley Page Hampden, et un Short Sunderland. Parmi les aviateurs morts durant le raid de Dieppe on peut citer le pilote français libre Émile Fayolle.
D’un autre côté les victoires certifiées contre la Luftwaffe concernent vingt-cinq Dornier Do 217, vingt-trois Focke-Wulf Fw 190, huit Messerschmitt Bf 109, et deux Junkers Ju 52/3. Il semble que ces derniers réalisaient une mission de transport du quotidien quand ils sont «tombés» nez à nez avec des chasseurs britanniques. Pas de chance pour les équipages allemands.

Bombardiers moyens Douglas Boston Mk-III appartenant à la RAF.

Pour nos lecteurs canadiens sachez que la Normandie se souvient. Il n’y a pas une ville entre Varengeville et Le Tréport qui n’ait sa rue, son avenue, son esplanade ou que sais-je encore des Canadiens. Les carrés militaires canadiens dans les cimetières des villes et villages de la région sont constamment entretenus et fleuris. C’est une région chère à mon cœur que je connais très bien, le raid de Dieppe est un sujet qui me touche vraiment.
Ce court article est dédié à la mémoire de ces combattants venus se faire tuer ou blesser sur des plages à plus de 5000 kilomètres de chez eux pour libérer la France du joug hitlérien.

Photos © Empire War Museum.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

5 réponses

  1. Bonjour
    Excellent article
    petit coquille dans la date du débarquement à corriger : mercredi 19 août 1942 et non mercredi 19 août 2022.
    bravo encore pour votre travail

  2. Lord Mountbatten, architecte de ce désastre, fut surnommé le boucher de Dieppe par de nombreux canadiens. Merci pour ce rappel historique !

    1. On oublie aussi assez souvent que Lord Lovat, un des héros britanniques du Jour J fut blessé lors du raid de Dieppe.

  3. A la mémoire de tous ces soldats canadiens et québécois. Leur sacrifice n’a pas été vain. Comme le souligne fort justement Arnaud, le retex de cette expédition fera le succès des 2 débarquements suivants. Les alliés ont pris conscience qu’ils ne pouvaient pas prendre d’assaut une ville portuaire. Raison pour laquelle, deux ports artificiels ont été créés lors de l’operation Overlord.

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