L’Armée de l’Air et de l’Espace a fait ses adieux au mythique Boeing C-135FR.

Il y a des avions comme ça que l’on croit souvent éternel tant ils ont servi la France, à l’image de ce que fut le Transall C.160 franco-allemand. Le Boeing C-135FR était de ceux là. Après 59 ans de bons et loyaux services le vénérable quadriréacteur de ravitaillement en vol a tiré sa révérence lors d’une cérémonie qui s’est tenue ce vendredi 15 décembre 2023 sur la Base Aérienne 125 d’Istres le Tubé dans les Bouches-du-Rhône. Des avions qui malgré leur âge avancé intéressent de très près le contractor américain Metrea, ex Meta Aerospace.

Pour vous donner un ordre d’idée et remettre les choses en perspective : la Ve République n’avait que six ans quand le Boeing C-135F est entré en service. Charles de Gaulle dirigeait le pays, la guerre d’Algérie n’avait pris fin que deux ans plus tôt, la télévision était encore en noir et blanc, et l’informatique grand public relevait de la science-fiction. Ce ravitailleur en vol était avec le bombardier stratégique Dassault Mirage IV un des symboles de la cette France des 30 glorieuses. D’ailleurs entre le delta nucléaire français et le tanker américain c’est une longue histoire d’amour, le second ayant été acquis pour permettre au premier d’effectuer sa mission première : frapper Moscou ou Leningrad. Oui à l’époque on ne parlait pas de Saint-Petersbourg comme aujourd’hui.

Durant sa longue carrière ce tanker ravitailla tout un tas d’avions. Ici le C-135F opère aux profits d’un SEPECAT Jaguar A d’attaque au sol.

Les dates du Boeing C-135FR sont donc 5 février 1964, arrivée du premier avion encore alors C-135F, et 15 décembre 2023 mise officielle à la retraite du dernier exemplaire depuis la Base Aérienne 125 d’Istres le Tubé. Cinquante-neuf ans de bons et loyaux services pour celui qui a aussi su transporter du fret sur palettes ou des blessés lourdement médicalisés grâce au module Morphée.

Car oui avant de s’appeler C-135FR il s’appelait C-135F. Cette dernière lettre indiquant qu’il était destiné à la France. Ce n’est qu’avec son changement de moteurs à partir de 1985 et jusqu’en 1989 qu’il adopte le R pour «Rénové». Il passa ainsi du Pratt & Whitney J57-P-59 purement américain au CFM International CFM-56 franco-américain. Il utilise surtout alors un des réacteurs les plus économiques au monde. On ne parle évidemment pas d’écologie à l’époque mais purement d’économie et de rentabilité.

Aujourd’hui passablement dépassé mais surtout usés jusqu’à la corde le Boeing C-135FR a laissé la place à l’Airbus A330 MRTT Phénix bien plus gros et polyvalent que lui. Avant de prendre sa retraite il a participé une dernière fois à l’exercice Poker de simulation atomique, accompagnant ainsi les Dassault Aviation Rafale B porteurs du missile ASMP-A. Un clin d’œil de l’Armée de l’Air et de l’Espace à celui qui aura tant fait pour la dissuasion nucléaire française. Sur les douze avions retirés du service entre octobre 2020 et décembre 2023 tous ne sont pourtant pas forcément appelés à ne plus voler.

En effet le contractor américain Metrea négocierait actuellement le rachat de huit de ces ravitailleurs en vol afin de les rapatrier aux États-Unis afin qu’ils fournissent un soutien à ses opérations. Cette société privée utilise déjà quatre Boeing KC-135R Stratotanker rachetés en 2020 auprès de la Republic of Singapore Air Force.

Si les Boeing C-135FR ne volent désormais plus au sein de l’Escadron de Ravitaillement en Vol 4/31 Sologne il faut souligner que cette formation de l’Armée de l’Air et de l’Espace n’a pas pour autant été mise en sommeil. Elle exploite toujours les trois Boeing KC-135RG Stratotanker acquis de seconde main en 1997 auprès de l’US Air Force. Ils doivent de leur côté voler encore au moins deux ans en attendant que les Airbus A330-200 porteurs des immatriculations F-UJCS,F-UJCT, et F-UJCU soient transformés au standard Phénix. Ces derniers servent actuellement au sein de l’Escadron de Ravitaillement en Vol et de Transport Stratégique 2/31 Esterel.

Boeing C-135FR, un avion tellement commun pour nombre d’aérophiles français qu’il va forcément nous manquer.

Espérons que la France aura l’idée de préserver comme il se doit un de ces géants des airs qui ont tant fait pour l’Armée de l’Air puis pour l’Armée de l’Air et de l’Espace. Un Boeing C-135FR serait du plus bel effet au Musée de l’Air et de l’Espace, à proximité de l’Airbus A380 ou du Douglas DC-8 Sarigue. On peut toujours rêver.

Photos © Armée de l’Air et de l’Espace.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

7 Responses

  1. Une page se tourne et une larme tombe….. Combien d’heures de convoyage passées en tant que mécano « pax » pour des OPEX aux 4 coins de l’Afrique, ou bien Red Flag aux USA… Cet avion était magnifique à tous points de vue…
    Le remplaçant a toute son histoire à écrire.

    1. Je me doutais Phil que vous n’alliez pas mettre longtemps à commenter cet article, en le rédigeant j’ai pensé à quelques une des anecdotes dont vous nous avez déjà régalé en commentaires sur d’autres articles.

      1. Merciiiiii Arnaud… Mais après une vie au sein de l’Armée de l’Air (et pas encore de l’espace… quoique parfois après certains évènements festifs, on était dans la 4eme dimension…!) et que l’on est dingue de machines volantes, l’historique perso est conséquent…!

  2. Oui un avion qui a marqué son passage sur terre, ou plutôt dans les airs
    J’ai appris sur un site anglo-saxon que tous les tankers US depuis le KC-135, ont la possibilité de siphonner en cas d’urgence un avion qu’il ravitaille habituellement
    Dernièrement, il y a eu un 1er test réel où un KC-10 a siphonné un C-5M

    1. J’ai aussi suivi cela James et j’avoue être très circonspect sur la question. J’attends de voir qu’un 2e voire un 3e test réel soit réalisé.

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