Comme bien des Snowbirds*, nous aimons migrer vers le Sud au plus fort du rude hiver québécois. Toutefois, plutôt que de se prélasser sur des plages floridiennes bondées, nous préférons explorer la nature sauvage. L’hiver passé, un mémorable Road Trip nous permis de découvrir les déserts américains longeant la frontière mexicaine. Saluant une dernière fois le Fantôme bleu de Corpus Christi, nous avons tourné le dos au Golfe du Mexique pour s’enfoncer vers l’inconnu. Suite à la traversée du désert de Chihuahua, où nous avons été immobilisé une journée par un impressionnant Dust Storm (dire que nous avions fui les blizzards québécois !), nous arrivons enfin au pays des saguaros géants dans le désert de Sonora. Dans un tel décor, on s’attend presque à croiser Lucky Luke et son fidèle Jolly Jumper ! Rien de tel, mais de vrais Roadrunners et Coyotes qui évoquent le souvenir de dessins animés de mon enfance.

Pour tout aérophile qui se respecte, on ne peut séjourner en Arizona sans visiter le Pima Air & Space Museum situé en banlieue de Tucson. Votre dévoué reporter québécois s’est donc sacrifié pour constater de visu si la réputation de ce musée est bien méritée. Sur la route y menant, on aperçoit bientôt d’énormes avions au loin. Non, ce n’est pas un mirage, mais bien d’énormes bombardiers sagement alignés dans le désert. Me voici enfin au portail d’entrée du musée où je suis accueilli par une sculpture représentant trois chasseurs Northrop YF-23 volant de conserve vers la chaîne des montagnes Santa Catalina.

Avant de sauter dans le vif du sujet, permettez-moi de faire un bref rappel historique des origines de ce musée aujourd’hui doté de l’une des plus grandes collections d’aéronefs au monde. Dans les années 1960, les commandants de la base aérienne Davis-Monthan, qui abritait le Military Aircraft Storage and Disposition Center (MASDC), déploraient que les avions historiques de la Seconde Guerre mondiale et des années 1950 disparaissaient rapidement aux mains des ferrailleurs. Voulant préserver ce patrimoine aéronautique, les responsables de la base ont commencé à mettre de côté des exemplaires des nombreux types d’aéronefs provisoirement entreposés dans le plus grand cimetière d’avions au monde.

En 1966, le commandant du MASDC, s’est associé à d’autres collaborateurs militaires et civils pour fonder la Tucson Air Museum Foundation du comté de Pima. Son objectif était de créer un musée accessible au grand public, basé sur les avions déjà entreposés sur la base. La recherche d’un site s’est rapidement arrêtée sur un terrain désertique situé à une vingtaine de kilomètres de la base aérienne. En 1976, le Pima Air & Space Museum (PASM) ouvre officiellement ses portes, dans le cadre des célébrations du bicentenaire des États-Unis. Sa collection comptait alors une cinquantaine d’aéronefs. Au fil des ans, le musée a accumulé plus de 400 appareils. Dû aux origines de ce musée, on pourrait croire qu’il préserve uniquement des avions militaires américains. Or, il en est rien. Dès que l’on commence à arpenter le terrain de 32 hectares, on attrape vite le tournis à la vue de tous les aéronefs exposés à l’extérieur. C’est sans compter ceux préservés dans six hangars d’exposition. Pour ceux qui craignent une insolation, ou de croiser des serpents, un service de navette est offert pour la tournée de ce vaste complexe. Personnellement j’ai préféré marcher, car le soleil d’hiver était plutôt agréable. Aucun serpent en vue, si ce n’est celui ornant un magnifique Curtiss P-40E Warhawk !


Je tient à vous rassurer, je ne compte pas vous présenter les centaines d’aéronefs de ce musée. Disons simplement qu’il y en a pour tous les goûts: du plus rapide Lockheed SR-71 Blackbird aux plus lents des avions de tourisme, des baleines volantes comme le Aero Spacelines 377G Super Guppy au plus petit Starr Bumble Bee, des plus élégants aux plus laids. Je suis même tombé sur un mystérieux tri-moteur non-identifié. J’ai bien demandé à du personnel sur place de m’éclairer, mais ils en étaient incapables ! Humilité oblige, je fais donc appel à la communauté de nos lecteurs pour résoudre cette énigme.

Afin de ne pas sombrer dans la rédaction d’un article encyclopédique, je me limite à partager quelques coups de coeur et découvertes. Afin de s’y retrouver plus facilement, je les regroupe par catégorie d’aéronefs en commençant par les imposants bombardiers. En plus du gigantesque Convair B-36J Peacemaker, je me suis régalé avec les légendaires Consolidated B-24J Liberator et Boeing B-29 Superfortress. Un Boeing B-17G Flying Fortress a droit à son hangar particulier dédié au fameux 390th Bomb Group ayant combattu sur le front européen. Dans le coin d’une autre hangar, un discret et rare Bristol/Fairchild Bolingbroke canadien me fait un clin d’oeil.





Deux avions de patrouille maritime que je n’avais jamais vu en personne auparavant m’ont enchanté. Un Consolidated PB4Y-2 Privateer, avec sa superbe livrée deux tons, trône dans un des hangars. Un exotique Avro Shackleton britannique repose quant à lui dans le sable du désert, bien loin des embruns salins.


Parlant d’exotisme, du moins en Amérique, je suis ravi de tomber sur trois chasseurs Dassault, soit un Mystère IV, un Mirage III et un Étendard IV. Vive la France ! Bien à l’abri dans un hangar, un magnifique Supermarine Spitfire Mk XIV fait inévitablement tourner les têtes avec ses courbes aguichantes ! Même avec ses ailes repliées, un racé Grumman F7F Tigercat semble prêt à bondir hors de son hangar. Célèbre avion d’attaque au sol, un redoutable Ilyushin Il-2 Sturmovik rappelle une époque où la Russie était un pays allié, plutôt qu’un adversaire.



Moins excitants, mais tout aussi intéressants pour les aficionados, toute une panoplie d’avions de transport s’offre au visiteur. Beaucoup moins connu que le légendaire Douglas C-47 Skytrain, le Curtiss C-46 Commando en impose par sa plus grande taille. Des avions de transport présidentiel sont alignés à l’extérieur, dont un classique Douglas VC-118A qui a aurait vu voler le président Kennedy à son bord, à une époque où l’Amérique était encore admirée. Moins célèbre, mais destiné à une mission toute aussi noble, un tri-moteur De Havilland Australia DH-3 Drover rutile sous le soleil. Aux couleurs du Flying Doctor Service, il a sauvé bien des vies dans le Bush australien.



Côté hélicoptères, on a aussi l’embarras du choix. Un Sikorsky VH-34C Choctaw arborant un White Top ne laisse pas de doutes quant à sa prestigieuse mission durant sa vie active. Hélicoptère de légende, un Bell UH-1C Iroquois (Huey) semble encore prêt à en découdre. De retour à l’extérieur, un bizarre Sikorsky CH-37 porte le nom d’un autre désert américain, soit le Mojave.



Quelques avions d’observation insolites m’ont étonné. Aussi disgracieux que le Mojave, un autre vétéran de la Guerre du Viêt Nam coule des jours paisibles sous le soleil, soit un Grumman OV-1C Mohawk. Également vétéran de cette guerre, le Lockheed YO-3A Quietstar ressemble davantage à un planeur qu’à un avion. Pas étonnant, puisque c’est un planeur Schweizer SGS 2-32 modifié, auquel on a greffé des senseurs et un moteur super silencieux pour ainsi devenir un espion nocturne volant à basse altitude.


Bien que saugrenus en plein désert, comment ne pas tomber sous le charme des superbes hydravions du musée. Rappelant l’épopée des Clippers, un Sikorsky S-43 Baby Clipper semble se prélasser sur la plage, même si le plus proche océan est à des centaines de kilomètres. Un sympathique Grumman J4F-2 Widgeon, à l’abri du soleil ardent, ensoleille un hangar avec sa livrée jaune éclatante. Le plus grand avion amphibie de la Deuxième Guerre mondiale semble, quant à lui, à l’étroit dans le hangar. Il s’agit d’un Martin PBM-5A Mariner à la silhouette si particulière. Un colosse manque toutefois à l’appel, soit le Martin JRM Mars provenant du Canada. En février dernier, le Philippine Mars a bien amerri sur un lac réservoir situé à 300 kilomètres du musée, mais la date de son arrivée au musée semble Top Secret pour l’instant. À ne pas en douter, il deviendra l’une des principales vedettes du Pima Air & Space Museum.



En plus de son impressionnante collection d’aéronefs, ce musée abrite une foule d’objets allant de canons anti-aériens, jusqu’à des modèles réduits. Par hasard, je suis tombé sur une maquette du USS Wolverine évoquant l’aventure peu connue des porte-avions d’eau douce du lac Michigan.

En conclusion, il y a tant à voir à ce musée, qu’une seule journée n’est pas suffisante. J’ai dû faire ma visite à la vitesse d’un Roadrunner, car ma chérie m’attendait dans le Vieux Tucson pour aller siroter un apéro sous les bougainvilliers en fleurs. Chemin faisant, je suis tombé par hasard sur une importante manifestation anti-Trump/Musk/Vance durant laquelle certains brandissaient des drapeaux ukrainiens et canadiens. Ça fait chaud au coeur de savoir, qu’à plus de 4300 kilomètres de la maison, un nombre croissant d’Américains nous soutiennent et luttent contre la tyrannie. Et la révolte ne fait que commencer ! La vita e bella tout de même !

* NDLR On surnomme Snowbirds les joyeux retraités canadiens qui séjournent une bonne partie de l’hiver dans le Sud des États-Unis.
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4 réponses
Euh juste pour la forme Marcel ton mystérieux trimoteur c’est un Northrop YC-125 Raider.
https://www.avionslegendaires.net/avion-militaire/northrop-yc-125-raider/
Pour le reste ton reportage est comme d’hab’ avec tes pérégrinations : il est wahou !!! Au passage j’adore l’énorme train qui passe dans la photo de couverture.
Merci pour l’information ! Un avion que je découvre ! Les trains à ne plus finir sont un spectacle fréquent dans le Mid-West et le Sud-Ouest américains. Nécessite de la patience lorsque coincés à un passage à niveau !
Merci !
Bonjour Marcel et Arnaud.
Pour info l’avion énigmatique est un Northrop YC 125 A RAIDER.
Cordialement