La faible activité de la chasse suisse.

C’est un pays totalement enclavé au milieu de l’Union Européenne avec trois puissances régionales à ses frontières. Aussi les risques que la Suisse soit envahie sont quasi inexistantes, d’autant que ce pays respecte depuis toujours une neutralité stricte et généralement bienveillante envers ses voisins. C’est sans doute ce qui explique que sa chasse soit une des moins actives du Vieux Continent avec une moyenne de dix scrambles alpha par an depuis une dizaine d’années. Ce pays passera d’ici la fin de la décennie au Lockheed-Martin F-35A Lightning II.

Dire que la Suisse cultive l’art de l’extrême discrétion est encore très en dessous de la réalité. À l’instar de son célèbre secret bancaire elle fait mine de la communication la plus minimaliste sur ses questions de défense. Son DDPS (le fameux Département fédéral de la Défense, de la Protection de la population et des Sports) communique peu et rarement. Pourtant il y a des moyens d’en savoir un peu sur l’activité des trente McDonnell-Douglas F/A-18C/D Hornet : ils volent sous transpondeurs et sont de ce fait suivis en quasi permanence par les sites de tracking radar. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils volent bien moins que les chasseurs allemands, français, et italiens. Même les pilotes autrichiens semblent avoir un activité plus riche que leur collègues suisses.

Et cette faiblesse dans le nombre d’heures de vol a été exposée au grand jour cette année. En effet les Suisses ont découvert que le forum économique mondial de Davos était protégé par les Eurofighter EF-2000 Typhoon autrichiens. On a appelé cela l’opération Dädalus 2025. Pourquoi les chasseurs de la Lufstreïkrafte et non ceux des Forces Aériennes Suisses ? Tout bonnement parce que malgré la fin des fameuses «heures de bureaux suisses» survenue au 1er janvier 2021 la chasse helvète n’est toujours pas efficiente, en tous cas pas au niveau auquel on l’attendrait. Mais ce n’est nullement de la faute des pilotes qui sont considérés comme aussi efficaces que leurs collègues de l’Aeronautica Militare, de l’Armée de l’Air et de l’Espace, ou encore de la Luftwaffe.

En fait le problème des pilotes de F/A-18C/D Hornet suisses est structurel, et… géographique. Avant qu’un avion hostile n’arrive jusqu’à eux il aura déjà été intercepté par des pilotes d’EF-2000 Typhoon allemands et italiens ou bien de Rafale français. Il n’arrivera donc jamais jusqu’à eux. Les pilotes suisses sont en fait condamnés à n’intercepter que des aéronefs devenant potentiellement dangereux dans leur propre espace aérien souverain sans l’avoir été dans celui des voisins. Vous voyez leur souci ?

Entre 2015 et 2025 la moyenne des interventions de la chasse suisse a été de dix scrambles alpha par an, généralement sur des pannes radios d’avions de tourisme et d’avions de ligne, et d’environ 150 à 200 missions réelles, principalement d’entraînement et de patrouille. Par comparaison en Allemagne, en France, ou en Italie il ne se passe pas un seul jour sans qu’une patrouille de défense aérienne ne prenne les airs. Jours fériés et vacances scolaires compris. En fait les Forces Aériennes Suisses ne font pas assez voler leurs F/A-18C/D Hornet pour que leurs pilotes aient l’entraînement nécessaire. Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec un forum de Davos entièrement pris en charge par l’Autriche voisine. Et cela ne date pas de 2025 !

Le Lockheed-Martin F-35A Lightning II ne fera sans doute rien changer, tout du moins positivement. Bien au contraire puisque son coût horaire étant d’environ 55% supérieur à celui du McDonnell-Douglas F/A-18C/D Hornet il va fortement grever les budgets du DDPS. En Suisse aujourd’hui certaines voix se font entendre pour que le forum de Davos de l’année prochaine soit intégralement à la charge des Forces Aériennes Suisses. Peut-être est-ce pour cela qu’il a été décidé il y a quelques semaines de porter le nombre maximum d’heures de vol des Hornet de 5000 à 6000 heures.

Affaire à suivre.

Photo © DDPS


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

6 réponses

  1. J’avais lu un truc comme ça il y a quelques années, avant justement la fin des « heures de bureaux ». C’est ridicule de voler si peu.

  2. A tel point qu’il y a quelques années un député suisse avait dénoncé la pertinence d’achats de nouveaux avions de chasse en Suisse. Ses arguments étaient qu’un avion hostile serait intercepté par les pays voisins avant qu’il n’atteigne son pays et que si un jour la Russie arrive à envahir l’Europe ça veut dire qu’elle aura mis au tapis l’OTAN et que ce n’est pas les 30 chasseurs suisses qui changeront la situation.

    1. L’argumentaire de ce député tient dans le cas d’un pays en guerre. Mais il oubli qu’un aéronef peut traverser la frontière de manière toute à fait légale et devenir ensuite une menace ou devenir une menace après décollage via une piste à ‘intérieur du pays ( via prise d’otages dans l’avion, « réquisition » d’un aéronef, sucide du pilote, (c’est pas passé loin pour celui de la Germanwings) ou problème technique).

  3. Tiens, voilà que l’on s’en prend une fois de plus à la Suisse. Cela devient presque une habitude. Entièrement d’accord sur le ridicule des heures de bureau, certainement un technocrate qui pensait avoir trouvé une idée originale pour faire des économies !
    Il est vrai que nous sommes au centre de l’Europe (sans en faire partie, à débattre) et qu’un avion qui arrive sur le territoire helvétique est passé d’abord sur l’un de nos voisins. Bien sûr une trentaine d’avions, pas très récents de plus, ne pèsent pas lourd.
    C’est précisément avec des idées similaires qu’une force militaire européenne n’existe pas. A quoi bon acheter ici et là des avions, des chars ou tout autre coûteux jouet pour les utiliser égoïstement dans son coin. Ils ne feront bien entendu pas le poids pris séparément.
    Mettons-les ensemble et les perspectives changeront. Et peut-être que 30 chasseurs de plus, fussent-ils non européens, apporteront leur pierre à l’édifice et pourront permettre de passer l’épaule dans une situation périlleuse.
    Commençons par cesser de chercher ce qui ne va pas chez ses voisins et essayons de trouver ce que l’on peut faire ensemble pour construire une force aérienne européenne qui puisse tenir tête aux dictateurs venus de l’est qui se rêvent en maîtres de vieux continent.

  4. Il y a des erreurs dans votre point de vu sur l’aviation militaire Suisse, Davos est protégée par les deux forces aériennes Suisse et Autrichienne l’Autriche surveille la frontière est et les forces Suisse les autres et cela H24.
    Le peu de mouvements des F-18 est du aux problèmes structurelles des jets.
    Quant à savoir si la Suisse à besoin d’une aviation militaire les accords sur sa neutralité stipulent qu’elle a l’obligation de se défendre seul.

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