S’il est indubitable que c’est bien durant la Première Guerre mondiale que naquit la mission de chasse beaucoup d’erreurs sont encore régulièrement commises sur celle-ci à cette époque. Et l’une des plus fréquentes est de penser que le gros des missions remplies par les avions britanniques le furent uniquement au-dessus de la Belgique et de la France. En effet le Royal Flying Corps, ancêtre de l’actuelle Royal Air Force, mit en œuvre une structure organisationnelle appelée Home Defence Squadron. Il s’agissait d’unités réparties entre l’est et le sud de l’Angleterre et chargées de défendre la Grande Bretagne contre les tentatives d’agressions allemandes. Un de ses principaux chasseurs fut le biplan monoplace Royal Aircraft Factory BE.12.
C’est au cours du mois de juillet 1915 que Royal Aircraft Factory eut l’idée de développer une version de chasse dérivée de son bombardier léger de reconnaissance BE.2c. Pour autant les moteurs à huit cylindres en V Renault et R.A.F. montés sur ces avions étaient bien trop peu puissants pour permettre une telle option. Même la modification du poste de pilotage biplace en monoplace n’était pas suffisante. Soixante-dix ou quatre-vingt-dix chevaux c’était bien trop peu pour permettre de disposer d’un avion susceptible de prendre en chasse les appareils allemands et austro-hongrois. C’est alors que la branche motoriste de la société britannique mit au point un moteur à douze cylindres en V refroidi par air : le R.A.F. Mk-4.
D’une puissance de 140 chevaux et entraînant une hélice quadripale en bois il donna naissance au chasseur R.A.F. BE.12. Son armement se composait alors d’une mitrailleuse Lewis de calibre 7.7 millimètres installées au-dessus du plan supérieur de voilure.
Le prototype vola le 20 août 1915 après seulement six semaines de développement.
L’état-major du Royal Flying Corps se disait alors séduit par l’appareil mais exigea de Royal Aircraft Factory une démonstration en conditions réelles. On lui fit alors traverser la Manche à bord d’un contre-torpilleur de la Royal Navy. Arrivé en France il fut testé de nouveau face à un monoplan Morane-Saulnier Type L. Et le combat simulé tourna rapidement à l’avantage du prototype de BE.12, malgré une manœuvrabilité moindre que celle de l’avion français.
Le biplan britannique demeura sur le front où s’il n’abattit aucun avion allemand ne fut pas non plus descendu par la DCA ennemie.
À Noël 1915 le RFC passa commande pour 300 exemplaires de ce nouveau chasseur. Les progrès en matière d’armement permirent aux R.A.F. BE.12 de recevoir deux mitrailleuses synchronisées Lewis de calibre 7.7 millimètres. Les livraisons débutèrent en mars 1916.
Le gros de la production fut assurée par le constructeur automobile Daimler Motor Company sise à Coventry. En mai 1916 elle reçut même une commande pour 150 exemplaires supplémentaires. Sur les 450 avions commandés initialement, 400 furent assemblés par Daimler Motor Company et cinquante par l’armurier Coventry Ordnance Works, ou COW, installé dans la même cité industrielle.
Si les premiers Royal Aircraft Factory BE.12 construits furent mis en œuvre des unités britanniques basées en France dès le mois de septembre 1916 cela changea radicalement. La majorité fut affectée au sein des Home Defence Squadrons. Ceux-ci avaient pour fonction de surveiller la Mer du Nord et la Manche à la recherche des dirigeables allemands Zeppelins qui semaient la terreur parmi les populations civiles. À l’occasion de cette réaffectation les BE.12 du RFC se virent dotés chacun de quatre à six fusées Le Prieur, des roquettes ancêtres des actuels missiles air-air. Ces armes étaient redoutables contre les enveloppes des dirigeables remplies d’hydrogène. Elles explosaient à l’impact, embrasant toute la structure.
Pour autant la chasse aux Zeppelins n’avait rien d’une partie de plaisir pour les pilotes de la Triple Entente, ces géants des airs étant de véritables nids à mitrailleuses mobiles.
À l’été 1916 Daimler Motor Company proposa de modifier un bombardier léger BE.2e en chasseur en le dotant d’un moteur à douze cylindres en V R.A.F Mk-4A de 150 chevaux. La proposition fut acceptée par le Royal Flying Corps et par Royal Aircraft Factory. Ainsi naquit le chasseur BE.12a. Les ingénieurs de Daimler eurent l’idée de tropicaliser leur avion en le dotant d’un filtre à sable. Ils envisageaient son emploi dans les zones arides de Palestine, alors sous dominion britannique. Et cela marcha puisque cent exemplaires furent commandés. Trente furent assemblés par l’armurier COW et les autres par le constructeur automobile. La moitié des BE.12a fut déployée au Proche-Orient au sein du N°67 Squadron, une unité britannique qui accueillait des pilotes australiens et sud-africains. Ils furent engagés dans d’âpres combats aériens face à l’aviation ottomane.
Les BE.12a avaient souvent le dessus, ayant été conçus pour la guerre aérienne dans cette région du monde.
À l’été 1917 Royal Aircraft Factory eut l’idée de modifier la motorisation de 150 BE.12 de première série. Leur R.A.F. Mk-4 de 140 chevaux d’origine fut déposé au profit d’un Hispano V8 de 200 chevaux. Ce moteur à huit cylindres en V de facture française était refroidi par eau. Extérieurement les nouveaux avions, désignés BE.12b, étaient faciles à identifier : ils avaient perdu leurs deux grandes pipes verticales d’échappement tandis que leur hélice était devenue bipale. R.A.F. en assembla vingt, Daimler Motor Company trente, et les cent restant leur furent par le Southern Aircraft Repair Depot de Sheffield. Il s’agissait d’une structure militaire relevant du Royal Naval Air Service, le grand concurrent britannique du Royal Flying Corps. Pour autant ses personnels surent travailler en bon ordre de marche.
Les premiers R.A.F. BE.12b de série entrèrent en service au sein du RFC en novembre 1917. À cette époque la menace contre l’intégrité britannique avait changé de forme. Les Zeppelins avaient laissé la place aux bombardiers bimoteurs et quadrimoteurs Friedrichshaffen et Gotha. De ce fait l’emport des fusées françaises Le Prieur n’était plus une priorité. Les BE.12b des Home Defence Squadrons furent donc réaffectés à ces missions tandis que d’autres devaient traverser la Manche pour aller directement affronter l’aviation allemande. Ces derniers furent dotés de lance-bombes sous les ailes pour une charge de combat de 120 kilogrammes.
Les moteurs Hispano V8 de 200 chevaux étant très précieux pour l’état-major britannique on décida début 1918 de retirer du service cinquante BE.12b devenus inutiles du fait de la disparition des Zeppelins au-dessus de la Manche et de la Mer du Nord. Leurs moteurs furent déposés en vue d’une utilisation future.
Quand la Première Guerre mondiale cessa le 11 novembre 1918 quelques dizaines de Royal Aircraft Factory BE.12, des trois versions différentes, volaient encore au sein de la jeune Royal Air Force. À Noël 1918 ils avaient tous été retirés du service, étant remplacés par des chasseurs bien plus modernes comme le R.A.F. SE.5 ou le Sopwith F.1 Camel, à l’exception des BE.12a basés en Palestine qui ne quittèrent le service actif qu’en octobre 1919 !
Entre mars 1916 et novembre 1918 les BE.12 et BE.12b britanniques furent crédités de la destruction complète de dix Zeppelins et partielle d’au moins quatre fois plus. À ce titre ils avaient pleinement rempli leur rôle : empêcher l’ennemi de survoler Londres et les grandes villes britanniques.
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