Les plus jeunes d’entre nous ne l’ont pas connu, mais durant 41 ans l’Allemagne fut coupée en deux, par une frontière administrative autant que politique qui allait du nord au sud et créa en 1949 deux états bien distincts l’un de l’autre : la République Fédérale d’Allemagne (ou RFA) et la République Démocratique d’Allemagne (ou RDA) diamétralement opposés idéologiquement. La première était d’obédience sociale-démocrate et chrétienne-démocrate, euro-atlantiste, et capitaliste, tandis que la seconde était communiste, liée à l’URSS, et donc anti-capitaliste. L’une appartenait à l’OTAN et l’autre forcément au Pacte de Varsovie.
Berlin l’ancienne capitale fut coupée en quatre parties, gérées par les quatre grands vainqueurs de 1945 : les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, et l’Union Soviétique. On parlait alors de Berlin-ouest et de Berlin-est. A l’été 1961, les autorités est-allemandes reçurent l’ordre de Moscou, d’ériger un mur maçonné pour délimiter les deux Berlin. Ainsi naissait le « Mur de Berlin ».
Aussi quel ne fut pas l’évènement quand le 9 novembre 1989 le mur tomba. La révolte, pacifiste, était venue de la jeunesse de Berlin-est, poussée par les idées de liberté insufflées par la perestroïka en URSS. L’Histoire était en marche, la RDA vivait déjà ses dernières heures.
Un mouvement politique visa rapidement à la réunification des deux Allemagne, au sein d’un même pays. Mais un tel changement allait forcément induire des « absorptions » d’entités est-allemandes par celles de son voisin occidental. Et l’aviation militaire ne fit pas exception.
En effet, l’année 1956 vit la refondation de l’aviation militaire allemande : Luftwaffe à l’ouest et Luftstreitkräfte à l’est. La première était alors équipée de matériels américains, britanniques, et français, tandis que la seconde était armée intégralement avec du matériel soviétique. Les deux forces aériennes allemandes coexistèrent ainsi durant 34 ans, s’opposant souvent le long de la frontière. Certains accrochages entre Lockheed F-104 ouest-allemands et Mikoyan-Gurevitch MiG-21 est-allemands furent d’ailleurs mémorables. Certains pilotes de la Luftstreitkräfte n’hésitèrent d’ailleurs pas à faire le saut de puce entre les deux pays pour faire défection à l’aide de leurs avions, fournissant ainsi des machines testables pour rien par les services de renseignement occidentaux. Des avions qui ne furent bien entendu jamais rendus à la RDA.
Aussi lorsque la politique de réunification fut lancée les deux aviations se connaissaient déjà. Et ce pas forcément dans le bon sens du terme. Il était alors notoire que les pilotes de chasse est-allemands considéraient leurs homologues occidentaux comme des fascistes. Il fallait donc réduire au maximum les inimitiés entre les deux pays. L’idée germa alors dans la tête de responsables est-allemands de faire en sorte que la Luftwaffe absorbe une partie du matériel est-allemand.
Des zones de friction se créèrent immédiatement entre les généraux des deux côtés. Les dirigeants de la Luftwaffe refusaient catégoriquement d’accepter le moindre missile sol-air d’origine soviétique. Début 1990, l’Allemagne de l’est possédait une importante quantité de missiles sol-air type SA-2 Guideline, SA-3 Goa, SA-5 Gammon, et SA-10 Grumble. Chacun d’entre eux était des matériels de grande taille, finalement assez peu utile pour une RFA totalement dans les cadres de l’OTAN. La Russie demanda alors à récupérer ses SA-10, ce qui fut accepté à la condition qu’elle reprenne aussi une partie des SA-2 beaucoup plus vieux.
Mais surtout le vrai souci venait des avions et hélicoptères eux-même. Pour la RFA, membre influent de l’OTAN, il était hors de question de récupérer des avions de chasse made-in URSS dans un état jugé généralement assez dégradé.vCependant les refus systématiques de l’état-major ouest-allemand arrivèrent rapidement aux oreilles des pilotes est-allemands, et leur réaction ne se fit pas attendre : beaucoup refusèrent alors d’intégrer la Luftwaffe. Ils ne se voyaient pas voler sur des avions comme le McDonnell Douglas F-4 Phantom II ou le Panavia Tornado.
De ce fait, les généraux ouest-allemands durent mettre de l’eau dans leur vin. Ils finirent par accepter une partie de l’arsenal aérien de la Luftstreitkräfte. Celui-ci se définit comme tel :
- Antonov An-26, douze exemplaires récupérés.
- Ilyushin Il-62, trois exemplaires récupérés.
- Let L-410, douze exemplaires récupérés.
- Mikoyan-Gurevitch MiG-29, vingt-quatre exemplaires récupérés.
- Mil Mi-8, quatre-vingt-dix-huit exemplaires récupérés.
- Mil Mi-24, cinquante exemplaires récupérés.
- Tupolev Tu-134, trois exemplaires récupérés.
- Tupolev Tu-154, deux exemplaires récupérés.
A la lecture de cette liste on voit bien que le gros des machines étaient des hélicoptères. Tous ne furent pas repris par la Luftwaffe, certains allèrent dans les rangs de la Heersflieger. Il faut souligner que les Mil Mi-24 ne donnèrent pas vraiment de satisfaction aux pilotes ouest-allemands.
La réunification des deux forces aériennes fut effective le 2 octobre 1990. Et pourtant certains matériels ne restèrent pas longtemps dans les rangs de la « nouvelle » Allemagne. Antonov An-26, Mil Mi-24, Ilyushin Il-62, et Tupolev Tu-134 ne restèrent même pas cinq ans dans les rangs de la Luftwaffe.
Fin 2004, c’est à dire moins de 15 ans après la réunification, il ne restait plus aucun aéronef originaire d’URSS ou d’un de ses satellites. Les deux derniers modèles d’avions à quitter le service allemands furent les biturbopropulseurs de transport léger Let L-410 et les chasseurs MiG-29, respectivement en 2000 et 2004.
Il ne faut pas se voiler la face cette réunification a aussi permis aux services de renseignement occidentaux d’en savoir plus sur le matériel désormais ex-soviétique. Mais cette réunification a laissé des traces indélébiles : plus de la moitié des pilotes est-allemands refusèrent de rejoindre la Luftwaffe et de devoir s’allier à leurs collègues américains, britanniques, et français.
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