Programme national de surveillance aérienne : 30 ans à scruter les eaux canadiennes

En 2021, le Programme national de surveillance aérienne (PNSA) va célébrer ses 30 ans d’existence. Relevant de Transport Canada, le ministère fédéral également chargé de l’encadrement de l’aviation civile et du transport maritime, le PNSA est connu pour son rôle de surveillance des glaces maritimes. Le mandat du PNSA est toutefois beaucoup plus large que la sécurité maritime. Il englobe également la détection de la pollution en mer par les hydrocarbures ainsi que la protection d’espèces marines menacées. Mentionnons à titre d’exemple le rôle du PNSA pour la protection des baleines noires de l’Atlantique Nord dont la population est estimée à seulement 400 individus. Sans doute dû aux changements climatiques, cette espèce de baleine menacée d’extinction semble avoir adopté le golfe du Saint-Laurent comme nouvelle aire d’alimentation durant la belle saison. Grâce à la surveillance du PNSA, les navires doivent ralentir ou éviter les zones où sont observés ces baleines particulièrement vulnérables aux collisions. Aussi, les aéronefs rouges emblématiques du PNSA peuvent à la demande soutenir des opérations de lutte à la pêche illégale, de sécurité civile en cas de catastrophe naturelle, d’interventions policières spéciales ainsi que de recherche et sauvetage grâce à leurs senseurs sophistiqués.

Bombardier / De Havilland Canada Dash 8

La flotte du PNSA comprend quatre aéronefs stratégiquement déployés. Ainsi, des aéronefs de patrouille maritime Dash 8-100 sont déployés à Moncton sur la côte Atlantique et Vancouver sur la côte Pacifique. Un appareil Dash 7 dessert le Nord durant la saison de navigation dans l’Arctique (de juillet à novembre) grâce à son déploiement à l’aéroport d’Iqaluit. Ces avions sont dotés de radars de surveillance maritime et des systèmes de caméras infrarouges à la fine pointe de la technologie. Aussi, le PNSA fait appel à des opérateurs privés d’avions de surveillance. Bien que le nombre d’aéronefs utilisés par le PNSA semble limité eu égard à l’immensité du territoire maritime canadien, il faut savoir que Transport Canada collabore avec d’autres entités fédérales dotés de moyens aériens, dont la Défense nationale. Les vols des appareils du PNSA sont par ailleurs optimisés grâce à la constellation des satellites Radarsat de l’Agence spatiale canadienne. Ces satellites dotés de radars à synthèse d’ouverture permettent aux analyste de PNSA de surveiller étroitement l’ensemble du territoire canadien, de jour comme de nuit, avec un niveau de précision élevé indépendamment de la couverture nuageuse.

De Havilland Canada DHC-7

Le PNSA va bientôt diversifier ses moyens de télédétection grâce à l’ajout d’un drone de surveillance dans sa flotte d’aéronefs. Le 21 décembre dernier, le ministre fédéral des Transports annonçait l’achat d’un drone Hermes 900 StarLiner. Le contrat de 36,2 millions de dollars attribué à l’entreprise israélienne Elbit Systems Ltd comprend également divers services connexes. Entièrement certifié pour opérer dans l’espace aérien civil, l’Hermes 900 StarLiner est un drone à moyenne altitude longue endurance (MALE) qui comprend un système unique anticollision, conforme aux exigences de l’Accord de normalisation de l’OTAN. Doté d’un moteur ROTAX à faible bruit, l’Hermes 900 a un rayon d’action minimal de 2600 km avec une réserve de carburant de deux heures. Parmi ses caractéristiques, mentionnons des systèmes de commande, de contrôle et de navigation de secours, une caméra infrarouge à imagerie électro-optique, un radar à synthèse d’ouverture et un système de caméra servant à la cartographie. De plus l’Hermes 900 est doté des liaisons de données redondantes, un système d’avertissement d’évitement de terrain, des capacités de décollage et d’atterrissage automatiques avec une visibilité presque que nulle ainsi que de capacités de dégivrage. Notons que l’Agence européenne pour la sécurité maritime utilise déjà des drones Hermes 900 pour des patrouilles maritimes. Devant être livré d’ici décembre 2022, reste à voir si le premier drone Hermes canadien va revêtir la livrée écarlate des aéronefs du PNSA ou conserver son habituelle couleur grise basse visibilité.

Elbit Hermes 900 StarLiner

Cette acquisition s’accompagne d’une autre annonce, soit la construction d’ici 2023 d’un complexe du PNSA à l’aéroport d’Iqaluit qui comprendra un hangar et un poste de commandement. L’acquisition du drone Hermes et ces nouvelles installation s’inscrivent dans une vaste politique d’affirmation de la souveraineté du Canada. Avec le réchauffement climatique dans l’Arctique causant le retrait du couvert de glace, l’hasardeux Passage du Nord-Ouest risque de devenir une voie maritime prisée car constituant un raccourci entre les océans Pacifique et Atlantique. Certains pays, dont la Chine et les États-Unis, remettent en question la souveraineté sur ce que le Canada considère comme ses eaux territoriales arctiques dont les fonds marins recèlent des richesses naturelles jusque là difficilement exploitables. L’Hermes 900 du PNSA travaillera de manière conjointe pour le renseignement avec le ministère de la Défense nationale qui a également initié un processus d’acquisition de drones armés dont le dénouement devrait être connu au début de 2022. Nous y reviendront en temps et lieu.

Aussi, en 2020 la Marine royale canadienne (MRC) a pris possession du premier de six nouveaux navires de patrouille extracôtier et de l’Arctique à coque renforcée permettant de naviguer dans des glaces d’une épaisseur de plus d’un mètre. Dits de la Classe DeWolf, ces nouveaux navires sont dotés d’un pont d’envol et d’un hangar permettant d’accueillir des hélicoptères de combat maritime CH-118 Cyclone. Une base navale arctique avec port en eau profonde est également en construction à Nanisivik situé à l’extrémité nord de l’île de Baffin. Enfin, la flotte de brise-glaces de Garde côtière canadienne, également dotés de moyens héliportés, est en plein renouvellement.

NCSM Harry DeWolf en exercice avec un CH-149 Cormorant

Jamais l’Arctique canadien n’aura été surveillé d’aussi près afin d’assurer la sécurité maritime et la protection de cet écosystème fragile. Si l’utilisation du drone Hermes du PNSA s’avère concluante, d’autres pourraient suivre. Le retrait des avions rouges du PNSA n’est pas envisagé pour autant, du moins dans un avenir prévisible. Chapeau aux équipages de ces aéronefs qui volent dans des environnements souvent hostiles et bon anniversaire au personnel du PNSA !


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

3 Responses

  1. Intéressant. Je connaissais pas du tout.; Je pensais qu »on surveillait les glaces par satellite.

    1. La surveillance des glaces s’effectue surtout avec les satellites. Les avions sont un moyen complémentaire d’observation pour préciser et valider certaines informations.

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