Un mois catastrophique pour le Boeing 737… en Russie.

Entre l’enquête sur l’incident d’Alaska Airlines et le 777 qui a perdu sa roue à l’aéroport de Los Angeles on ne peut pas dire que l’avionneur américain Boeing connaisse une fin d’hiver paisible. Pourtant ce n’est rien à côté des quatre semaines que son plus célèbre monocouloir vient de traverser en Russie. Six incidents majeurs ont été enregistrés par les enquêteurs du MAK sur des Boeing 737 de deux générations, entre le 16 février et le 15 mars 2024. L’ombre de la guerre en Ukraine et des sanctions alliées plane sur chacun d’entre eux.

On l’oublie parfois mais jusqu’à février 2022 et le déclenchement de cette fameuse «opération militaire spéciale» en Ukraine la Russie était un véritable El Dorado pour Boeing et son fameux biréacteur. On trouvait alors des Boeing 737 dans la quasi totalité des compagnies aériennes, sans compter la quinzaine de BBJ acquis par les oligarques proches du Kremlin. Tout s’est ensuite brutalement arrêté. En effet dès lors que les avions, les hélicoptères, et les tanks russes sont entrés en Ukraine le Président des États-Unis Joe Biden a (logiquement) décidé de fermer le robinet des exportations vers Moscou et de sanctionner durement le régime Poutine.  Les compagnies aériennes clientes de Boeing se sont alors retrouvées face à un problème cornélien : comment faire sans pièces détachées ? Se tourner vers Airbus ? Pas la peine Berlin et Paris s’étaient alignées sur Washington DC. Alors ces transporteurs ont fait ce que faisait l’Aeroflot durant la guerre froide quand elle subissait des périodes de disette économique : ils ont continuer à voler. Et ce même s’ils mettaient en péril la vie de leurs équipages et passagers.

Entre ce vendredi 16 février et ce vendredi 15 mars, soit environ un mois, nous avons la démonstration flagrante de ce qui peut se passer quand un pays sous sanctions économiques et industrielles internationales décide de se moquer de la sécurité aérienne. Les agents du MAK, l’équivalent pour la fédération de Russie du BEA français ou du NTSB américains, ont recensé rien moins que six incidents majeurs ayant à chaque fois nécessité l’immobilisation du Boeing 737 en question. Dans tous les cas l’avion était immatriculé en Russie. Ceux-ci sont les suivants :

  • Le 16 février le Boeing 737-800 immatriculé RA-73097 appartenant à Aeroflot et réalisant un vol international entre Moscou et Istanbul a été obligé de retourner rapidement à son point de départ. La cabine passagers avait été emplie d’une fumée grisâtre et âcre. S’étant poser sans difficulté l’avion a ensuite été évacué. Six passagers ont été temporairement hospitalisés suite à des problèmes respiratoires. L’origine de l’incident était situé sur un des moteurs. Des traces d’huile ont été constatées sur les aubes du compresseur haute pression.
  • Le lendemain, 17 février, le Boeing 737-800 immatriculé RA-73264 appartenant à Alrosa Airlines et réalisant un vol intérieur entre Mirny et Novossibirsk a été obligé d’écourter son roulage. L’équipage a en effet perdu le contrôle de l’avion sur le taxiway et a percuté un véhicule de service en stationnement. Une partie de l’aile a été arrachée tandis que l’utilitaire a été en grande partie détruit. L’avion a regagné son emplacement en vue de son inspection.
  • Le 21 février le Boeing 737-800 immatriculé RA-73252 appartenant à NordStar Airlines et réalisant un vol intérieur entre Moscou et Sotchi a subi en plein vol une dépressurisation de sa cabine. L’avion a immédiatement fait demi-tour et a réussi à se poser sans encombre à Moscou. Il a été placé sous scellés par le MAK en attente d’inspection.
  • Le 29 février le Boeing 737-500 immatriculé RA-73036 appartenant à UTair et réalisant un vol intérieur entre Oufa et Kogalym a été obligé de faire retour à son point de départ onze minutes seulement après son décollage. Les voyants du poste du pilotage indiquaient que le train d’atterrissage gauche n’était pas rétracté correctement. Les équipes de secours d’Oufa en état d’alerte n’ont pas eu besoin d’intervenir l’équipage ayant réussi à poser son biréacteur sans encombre. L’avion a été immédiatement inspecté et est toujours en attente d’autorisation de reprises de vols.
  • Le 8 mars le Boeing 737-800 immatriculé RA-73229 appartenant à Pobeda Airlines et réalisant un vol intérieur entre Saint-Pétersbourg et Novossibirsk a été obligé d’avorter son décollage suite à un incident similaire à celui de l’avion d’Alrosa Airlines. Une perte de contrôle au roulage et l’avion de ligne a endommagé son winglet sur du mobilier le long du taxiway. L’avion a regagné son emplacement en attente d’inspection.
  • Le 15 mars le Boeing 737-500 immatriculé RA-73037 appartenant à UTair et réalisant un vol intérieur entre Moscou et Sourgout a été obligé de se retourner à son point de départ quelques minutes seulement après le décollage. Comme dans le cas de l’incident du 29 février les voyants du poste du pilotage indiquaient que le train d’atterrissage gauche n’était pas correctement rétracté. Là encore l’avion s’est posé sans encombre sur l’aéroport de la capitale russe.

Comme vous pouvez vous en rendre compte ces incidents concernent des Boeing 737-500 et des 737-800. Ceux de l première génération ont tous deux été produits en 1994 tandis que ceux de la seconde oscillent entre 2004 pour le plus ancien et 2016 pour le plus récent. Un schéma récurrent se dessine cependant sur les avions d’UTair avec les ennuis de train gauche.

Il est à signaler que pour contourner les sanctions des Alliés certaines compagnies aériennes russes, comme Aeroflot, n’hésitent pas à avoir recours à des sous-traitants installés en Chine et en Turquie afin d’obtenir des pièces détachées. Il s’agit principalement d’éléments de motorisations et ceux ci sont vendus rubis sur l’ongle. Après tout en temps de guerre il n’y a pas de petites économies. Pour autant ce marché parallèle ne semble pas exister pour toutes les parties des avions de ligne.

En Russie le Boeing 737 joue t-il le match face au Yakovlev SSJ, ex Superjet 100 toujours aussi problématique ? Quand il n’est pas dangereux.

Affaire donc à suivre.

Photo © Tass

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 réponses

  1. Prendre l’avion en Russie c’est prendre des risques. Et pourtant ils vont encore élire Poutine avec 150% des voix sans que ça ne gène personne. Comme disait mon papy les  » ruskofs restent des moujiks « .

    1. Une superbe et fine analyse, Rebecca. A l’image des autres. Même avec un dangereux dictateur à leur tête, le peuple russe est autant respectable que n’importe quel autre. Vous êtes-vous posée la question du choix chez eux? En quoi le terme  » paysan russe  » est-il dévalorisant ? cela s’applique aussi pour les français? Je suis allé en Russie, il y a un moment ( en touriste, pas pour rencontrer des gars du FSB ). Vous allez rire, c’était avec Aeroflot…. Et bien vous savez quoi, je suis bien rentré. ( c’est vrai que ce n’était pas avec le Super Jet 100 ).

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