Il y a 65 ans le Dassault Mirage IV 01 réalisait son premier vol.

Il existe dans l’histoire de l’aviation des aéronefs comme ça qui sont des légendes à eux tous seuls. Le mercredi 17 juin 1959 le pilote d’essais Roland Glavany fit décoller depuis Melun-Villaroche en région parisienne le prototype du biréacteur Dassault Mirage IV. Premier et unique bombardier supersonique français l’avion connaitra une carrière opérationnelle allant de 1964 à 2005. Il la terminera comme avion de reconnaissance stratégique.

Quarante petites minutes. C’est le temps qu’il aura fallu à Glavany pour faire voler ce magnifique biréacteur à aile delta. Un vol inaugural sans le moindre souci qui aura surtout permis au pilote d’essais français de valider les process liés à l’avion lui-même. Pourtant en cette mi-juin 1957 la France vient d’entrer dans le club alors très restreint des pays alignant des bombardiers supersonique. L’année précédente la Grande Bretagne avait fait voler l’Avro Vulcan d’une conception nettement moins novatrice. Car si cela ne se voit pas encore encore à l’issu de ce premier vol le Mirage IV entre dans la catégorie des avions Mach 2, comme son grand frère le chasseur Mirage III ayant volé en novembre 1956.

Trois jours après ces historiques quarante minutes de vol au-dessus de la campagne francilienne l’avionneur clodoaldien va frapper un grand coup. Nous sommes le samedi 20 juin 1959 et accompagné d’un aréopage d’industriels et de diplomates du monde entier le Président de la République Charles de Gaulle visite la 23e édition du Salon du Bourget. Au-dessus du père de la (alors jeune) 5e République passe Roland Glavany aux commandes de ce même Dassault Mirage IV 01. Le monde entier découvre la puissance industrielle de la France, nos alliés comme nos ennemies. De Gaulle de son côté exulte : il n’a pas encore la bombe atomique qu’il a déjà son vecteur de frappe.
La presse spécialisée est alors dithyrambique pour celui qu’elle n’a vu que quelques minutes seulement au-dessus d’elle. Les journalistes aéronautiques ont bien compris que s’il utile des réacteurs SNECMA Atar 9K ce n’est pas juste pour dépasser le mur du son comme le Vulcan britannique mais bel et bien pour le pulvériser ! L’avionneur et le motoriste ont réussi leur pari.

Un peu plus d’un an plus tard le lundi 19 septembre 1960 le Dassault Mirage IV entre dans l’Histoire entre les mains du pilote d’essais René Bigand. En fin d’après-midi le pilote d’essais réalise un nouveau record du monde en circuit fermé sur 1000 kilomètres à la vitesse moyenne de 1822 kilomètres heures. Cinq jours plus tard il réitère son exploit sur une distance moitié mois importante. En effet le vendredi 23 septembre 1960 sur 500 kilomètres il vole cette fois à une moyenne de 1972 kilomètres heures. Les deux records étaient alors détenus par un seul et même avionneur américain avec le même appareil : McDonnell et son chasseur F-101 Voodoo. Le bombardier français a fait mieux. En mai 1962 la France confirme sa commande initiale de 50 exemplaires du Mirage IV, Dassault recevant même une commande additionnelle pour 12 machines supplémentaires en novembre 1965. À ce moment là l’Armée de l’Air a déjà perçu ses premiers bombardiers supersoniques.

Ce que l’on a un peu tendance à avoir oublié depuis c’est qu’en ce milieu des années 1960 la France aligne deux modèles de bombardiers biréacteurs de facture indigène. Le Dassault Mirage IVA vampirise alors toutes les attentions mais ses missions ne sont pas celles du quotidien. Lui n’en a en fait qu’une : transporter et délivrer le feu nucléaire sous la forme de la bombe AN-11. Elle sera d’ailleurs rapidement remplacée par l’AN-22 bien plus adaptée. Pour les missions conventionnelles, entendez par là pour frapper avec des armes non nucléaires, l’Armée de l’Air compte sur ses bons gros Sud-Ouest SO.4050 Vautour IIB. Ces avions sont moins sexy que le Mirage IV, et donc moins mis en avant à l’époque dans les médias.

Car pendant toute sa carrière le Dassault Mirage IV (d’abord A puis P) oscillera toujours entre son statut de grosse brute capable de tuer des millions de personnes en quelques secondes et son aspect de petite starlette que l’on doit à une architecture et une esthétique toutes deux très pures. On a beaucoup écrit sur la filiation entre le Mirage III et le Mirage IV oubliant parfois qu’il en existe une… inversée. Le Mirage IV a donné naissance à une version du Mirage III : les dix exemplaires de Mirage IIIB2 d’entraînement avancé et de transformation opérationnelle. Ces avions n’étaient dédiés qu’aux seuls pilotes et copilotes appelés à voler sur le fameux bombardier nucléaire. Un autre modèle d’avion fut d’ailleurs spécialement conçu pour la formation des équipages de Mirage IVA sous la forme des trois Dassault Mystère XX SNA (pour Système de Navigation et d’Armement) formant aux vols de pénétration.

Jusqu’à l’avènement du Dassault Aviation Mirage 2000N le Dassault Mirage IV aura donc assuré l’alerte nucléaire française. Il a terminé sa brillante carrière sur une mission de paix : la promesse américaine que le dictateur irakien Saddam Hussein cachait des armes de destruction massive. Mandaté par l’ONU le bombardier altoséquanais se mua en avion de reconnaissance stratégique et d’espionnage aéroporté. Il devait les débusquer pour le compte du conseil de sécurité. Il ne trouva rien ! Il n’y avait en fait rien à trouver, les Américains avaient menti. En 2005 après quarante-et-un ans et de bons et loyaux service le Mirage IV tira sa révérence. Et dire que tout était partie de quarante minutes de vol au-dessus de la Seine-et-Marne.

Photos © Dassault Aviation.

 


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

20 Responses

  1. Superbe avion!
    Certaines technologies développées ont servi plus tard à d’autres avions comme le transfert de carburant pour gérer le centrage en supersonique appliqué plus tard à Concorde, et certaines commandes sont électriques (non encore assistées par ordinateur certes) à cause de la distance qui sépare la cabine et les gouvernes

  2. Bonjour Arnaud, Staff et passionnés.
    J’ouvre un sondage.
    Le Dassault Mirage IV ou le North American A-5 Vigilante sont-ils plus beaux ?
    Traduit avec Google

    1. Le A5 Vigilante était aussi très esthétique mais bien moins fiable que le M. IV comme bombardier nucléaire.
      Sa soute spéciale permettait théoriquement de larguer l’ ogive nucléaire à vitesse supersonique mais fonctionnait mal avec une fâcheuse tendance à perdre son chargement au décollage sur porte-avions.
      Le A5 a très vite été transformé en avion de reconnaissance. Une vingtaine d’appareils se sont fait descendre au-dessus du Nord Vietnam.

  3. Bonjour Arnaud et les passionnés,
    Quel superbe avion était-ce. Il y a parfois quelques machines qui, hors de tout aspect technologique, sont simplement de pures merveilles à admirer.

  4. À Noël dernier j’ai offert un livre sur les Mirage III et Mirage IV à mon fils il l’a dévoré. Lui préfère le chasseur et moi le bombardier.

  5. @Vittorio
    Je suis français : sans hésitation, Mirage IV ! Derrière le chauvinisme apparent, l’intime conviction qu’avec de l’intelligence et de l’inventivité, on sait largement compenser des moyens très réduits pour ne pas dire rustiques : exactement pour ça qu’on est en France viscéralement très attachés à Caravelle, à Concorde … et à ce que Rafale démontre plus récemment.
    Mais il me semble que dans l’histoire de l’aviation, les italiens ont souvent fait preuve de la même inventivité ?

  6. Pour accompagner le Mirage IV d’un ravitailleur, lui permettant de lui donner une plus grande allonge, l’armée de l’air pensa au départ équiper des Mirages IV de nacelles de ravitaillement en vol, puis ensuite on sélectionna le SNCASO Vautour, donc plusieurs essais furent concluants. On a pensé en même temps au Sud-Aviation Caravelle mais ce projet est resté à la planche à dessin. Mais contre toute attente, des représentants de Boeing vont faire une offre à l’armée de l’air en 1961 pour l’achat de plusieurs C-135A de transport. Après de grosses négociations entre l’armée de l’air, Boeing et le gouvernement américain, car ce dernier était moyennement favorable à cette vente, ce contrat se concrétisera et la France achetera 12 C-135F qui sont en fait des C-135A francisés. La France à donc acheté d’origine des avions de transport et non des avions de ravitaillement.

  7. Bonjour, j’ai passé, années 70, des jours et surtout des nuits sur ce magnifique appareil, il reste mon préféré de toutes les trapanelles sur lesquelles j’ai bossé, que de souvenirs merveilleux, j’ai assisté à son dernier vol, la larme à l’oeil. J’ai appris qu’il y en avait un a Montélimar, on peut passer dessous, je vais aller le voir. souvenir souvenir!!

  8. Les Hauts de Seine, lieux des mots compliqués !. Attention, toutefois: Un clodoaldien n’est pas un sans domicile fixe se trouvant à l’entrée d’un magasin hard discount :))))

  9. C’est vrai qu’il est beau, ce Mirage IV. En fait tous les Mirages sont magnifiques, mais j’ai une préférence pour la gueule du 2000, puis du VI est juste après du III. Dassault avait raison quand il disait plus un avion est beau, plus il vole bien. Ce n’est pas pour rien que tous ses avions volaient très bien!

  10. Quel bel avion ! Il y en a un au Musée de l’aviation Clément Ader à Corbas, près de Lyon. Après plusieurs milliers d’heures de restauration, il a été classé aux titre des Monuments Historiques. Que dire sinon qu’il est… monumental ! (@ Francis : on peut passer dessous aussi.)

  11. À Cazaux, les murs des LC tremblaient au décollage du mirage IV (PC allumée ).
    Et le voir décoller avec les JATO, quel souvenir.

  12. j’ai un vague souvenir que ce bel avion avait un radar rien que pour voler le plus près du sol et passer sous les radars adverses, ce qui était en principe le mode opératoire pour délivrer la bombe A à qui de droit. Top Gun peut aller se rhabiller.

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