Depuis le début du 21ème siècle, les aéronefs sans pilote ont envahi le domaine militaire, et même partiellement celui du travail aérien civil. À tel point d’ailleurs que des missions qui jusque là étaient destinées à des avions pilotés le sont désormais aux drones, à l’image de la reconnaissance tactique, de l’observation du champs de bataille et même des opérations de lutte contre le terrorisme. Cette propagation rapide des drones masque mal une réalité historique : pendant plusieurs décennies leur rôle n’était pas de se substituer aux avions pilotés au-dessus du champs de bataille mais de les imiter afin de devenir des cibles d’entraînement. C’est ainsi que dans les années 1950 apparut aux États-Unis un des drones les plus prolifiques de tous les temps : le surprenant Ryan BQM-34 Firebee et sa version de reconnaissance aérienne AQM-34 Lightning Bug.
En fait c’est en 1948 que l’aventure de cet avion sans pilote commença. La toute jeune US Air Force cherchait un avion capable de remplacer ses monomoteurs Bell QF-63 Pinball, des Kingcobra datant de la Seconde Guerre mondiale modifiés en cibles radioguidés pour l’entraînement des pilotes de chasse et des artilleurs de DCA. Malgré leur efficacité ces avions n’étaient plus du tout au goût des stratèges américains qui exigeaient une propulsion à réaction. Après avoir envisagé de transformer des Lockheed F-80 Shooting Star la solution trouvé fut plus simple, il fallait acquérir un drone.
Ces engins n’étaient pas inconnus à l’époque, déjà au Royaume-Uni la Royal Air Force avait utilisé dix ans plus tôt un hydravion sans pilote, l’Airspeed AS.30 Queen Wasp. Quelques dizaines d’exemplaires furent produits et détruits par les bons soins des aviateurs de Sa Majesté.
L’idée d’un avion cible sans pilote à réaction semblait donc viable. Deux constructeurs se mirent sur les rangs : Republic et Ryan. Le premier proposait une version cible de son missile de croisière JB-2 Loon, en fait un missile allemand V-1 reconstruit avec l’aide de la branche aéronautique du géant automobile Ford. Le second avionneur proposait lui une création totalement nouvelle désignée Q-2.
Un prototype de chaque fut commandé pour essais statiques. Et rapidement ceux-ci tournèrent à l’avantage du Q-2. Nous étions en 1949 et le drone de Ryan fut commandé en série par l’US Air Force mais aussi par l’US Navy sous la désignation de KDA-1. Son nom de baptême officiel était Firebee. Son premier vol intervint en avril 1951.
La seule grosse différence entre le Q-2 et le KDA-1 résidait dans la motorisation. Le premier était propulsé par un turboréacteur Continental J69T et le second par un Fairchild J44R. En fait à l’usage le choix de l’US Navy s’avéra plus judicieux, le J44R ayant moins tendance aux pannes, ce qui même pour un drone peut avoir des conséquences fâcheuses.
Le Ryan Firebee avait la possibilité de décoller de deux manières : soit fixé sur une catapulte hydraulique doté d’un plan incliné à 45° soit sous l’aile d’un avion. Cette seconde option obligea l’US Air Force et l’US Navy a se doter d’une flotte particulièrement hétéroclite d’avions porteurs. Pour la premières il s’agissait de Douglas DB-26 Invader et pour la seconde des mêmes avions désignés JD Invader mais aussi de Lockheed P2V-3D Neptune et de Martin JM Marauder. Hormis le Neptune ces avions étaient tous des bombardiers datant de la Seconde Guerre mondiale.
Durant toutes les années 1950 et le début de la décennie suivante les Ryan Q-2 et KDA-1 volèrent au profit de la formation des pilotes de combat mais aussi des exercices navales américains. En 1962 lors du réalignement des désignations tous prirent celle de BQM-34 Firebee. Cette même année les deux armes américains se dotèrent d’un même avion porteur, le Lockheed DC-130A. Il s’agissait de Hercules de première génération profondément modifiés afin de transporter sous voilure quatre drones et de les guider depuis des postes de travail installés dans la carlingue de l’avion. Désormais avec deux ou trois de ces quadriturbopropulseurs les Américains étaient en mesure de simuler des attaques aériennes de grande envergure.
En 1963 l’idée germa dans la tête de plusieurs hauts responsables militaires américains d’adapter le Firebee à des missions de reconnaissance et d’observation du champs de bataille. Un BQM-34G fut donc totalement démonté et reconstruit. Légèrement rallongé il pouvait emporter une caméra et deux appareils photo. Ainsi modifié il devint le premier Ryan AQM-34N Lightning Bug. Ces engins de reconnaissance sans pilote furent massivement utilisés durant la guerre du Vietnam où l’on estime que plus de mille volèrent au-dessus du champs de bataille. Près d’un tiers d’entre-eux fut perdu en opération. Il est d’ailleurs à noter qu’au moins deux d’entre eux furent récupérés durant le conflit par les forces chinoises qui les reconstruisirent partiellement afin d’en développer une copie, le WZ-5 Chan Hong.
On aurait pu croire que l’apparition de matériels plus modernes allait condamner le « vieux » drone conçu par Ryan mais il n’en fut rien. Après la fin de la guerre froide la majorité des AQM-34 fut retransformée en BQM-34S et T. Pourtant quelques exemplaires demeurèrent au sein de l’US Air Force pour des missions de brouillage radar. Ces AQM-34Q furent utilisés en 1991 contre les armées irakiennes, puis en 2003 contre le même ennemi pour leurrer les radars de défense aérienne. Il faut dire qu’avec son énorme signature radar le Lightning Bug, tout comme le Firebee, est tout sauf furtif. Et sur ce coup là cela servit les intérêts américains. Après guerre on apprit que les radaristes irakiens croyaient à des attaques massives de bombardiers Boeing B-52H, alors qu’il ne s’agissait que de drones de leurrage. Outre le fait de créer une confusion sur les écrans radars les AQM-34Q pouvaient larguer des leurres thermiques.
Début 2015 la firme Northrop-Grumman continuait la production en série du BQM-34S Firebee, soixante-quatre ans après son premier vol. Il s’agit toujours du drone cible standard en service dans les rangs de l’US Air Force et de l’US Navy. Quelques exemplaires ont été exportés durant ces six décennies vers l’Espagne, le Japon, ou encore la Suède. On estime sa production à plus de 7500 exemplaires, toutes versions confondues.
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