L’entre-deux-guerres vit émerger en Europe une véritable industrialisation de l’aéronautique, initiée durant la Première Guerre mondiale. Celle-ci s’accompagna d’une institutionnalisation des commandes étatiques autour de l’aviation militaire. Habituellement pragmatique le peuple britannique fit alors preuve d’une rigueur totale en développant un concept qui allait faire la force de la Fleet Air Arm et de la Royal Air Force jusque dans les années 1950 : les Specifications de l’Air Ministry.
Véritables cahiers des charges autant qu’organisation de compétitions entre avionneurs et hélicoptéristes les Specifications permirent à l’Air Ministry de conserver une totale main mise sur les contrats négociés par les militaires. Le pouvoir civil conservait donc l’avantage, avec en arrière-plan la classe parlementaire britannique.
Des Specifications il en a existé des centaines, à raison d’une moyenne de vingt-neuf entre 1920 et 1949 inclus. Assez étrangement la période la moins faste fut entre 1940 et 1945 alors même que les besoins en aéronefs militaires étaient très forts au Royaume-Uni. Cela s’explique en partie par la loi de Prêt-Bail votée par les Américains et qui permit aux forces britanniques d’obtenir des aéronefs sans passer par l’Air Ministry. Ce sont les constructeurs américains eux même qui les fournissaient directement.
Avant cela des Specifications ont été remarquables parmi lesquelles la fameuse Specification 4/31. Quatrième de l’année 1931 elle prévoyait le remplacement futur, à l’horizon 1934-1935 des biplans de reconnaissance armée Fairey Gordon Mk-I et Westland Wapiti Mk-I/Mk-II alors en dotation ou en cours de livraison dans les rangs de la Royal Air Force. Particularité notable le prototype du Gordon venait tout juste de réaliser son premier vol quand la Specification 4/31 fut émise.
Elle spécifiait notamment que le futur avion devait être apte aux missions premières de reconnaissance armée et de bombardement léger, et aux missions secondaires de soutien aux forces terrestres et de torpillage. Pour la première fois dans l’histoire aéronautique britannique il n’était pas spécifié qu’un tel avion soit forcément un biplan. La Specification 4/31 laissait une totale liberté aux avionneurs britanniques. Britanniques et non étrangers puisque sous la pression de parlementaires conservateurs elle fut fermée aux industriels étrangers, et en particuliers américains et français ! Seuls des constructeurs installés en Grande Bretagne auraient donc loisirs d’y répondre ou de refuser de donner suite.
Huit avionneurs y répondirent pour un total de neuf avions dont le prototype fut accepté par l’Air Ministry. Vickers avait en effet la particularité de proposer deux avions, afin de se donner le plus de chances possibles. Les avant-projets d’Avro et de De Havilland furent retoqués dès la planche à dessins.
Les avionneurs en compétition autour de la Specification 4/31 étaient donc Blackburn, Bristol, Fairey, Handley Page, Hawker, Parnall, Vickers donc, et Westland. Six étaient des biplans et trois des monoplans. Ce fut les avions suivants :
- Blackburn B-7, premier vol le 28 novembre 1934.
- Bristol Type 120, premier vol le 29 janvier 1932.
- Fairey G.4/31, premier vol le 29 mars 1934.
- Handley Page HP.47, premier vol le 27 novembre 1934.
- Hawker PV.4, premier vol le 6 décembre 1934.
- Parnall G.4/31, premier vol le 3 janvier 1935.
- Vickers Type 246, premier vol le 19 juin 1935.
- Vickers Type 253, premier vol le 16 août 1934.
- Westland PV.7, premier vol le 30 octobre 1933.
Certains peuvent aujourd’hui nous paraître totalement ahurissant tels l’énorme biplan Vickers Type 253 ou encore le monoplan à aile haute Westland PV.7. D’autres ont l’air familiers et c’est bien normal. Le Blackburn B-7 tire directement ses origines du B-6 Shark tandis que le Hawker PV.4 dérive du fameux Hart. Une filiation qui dans aucun des cas ne servit vraiment les avions tant l’un d’entre eux semblait survoler la compétition : le monoplan Vickers Type 246. Cet avion était bien plus moderne et avancé que tous ses adversaires. Pourtant début août 1935 la Specification 4/31 fut abandonnée sans qu’aucun avion ne soit trouvé pour remplacer les Gordon et Wapiti alors encore en service.
En fait la Royal Air Force avait demandé à l’Air Ministry de clore la Specification 4/31 afin de la faire renaître une semaine plus tard sous la forme de la Specification 22/35. Et cette fois il n’était question que d’un bombardier de reconnaissance commandé en série à partir du Vickers Type 246. L’avion allait entrer dans l’histoire de l’aviation sous le nom de Vickers Wellesley. Comme quoi l’avionneur avait eu raison de proposer deux avions très différents lors de la Specification 4/31.
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