VAL-4 « Black Ponies », les Bronco du delta du Mékong

Ce contenu est une partie du dossier thématique : Unités aériennes spéciales

Le 20 janvier 1961 le président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy annonça l’envoi d’un contingent de 15000 militaires au Vietnam. Il ne s’agissait alors officiellement que de «conseillers militaires» venus renforcer des moyens déjà présents depuis 1955. En fait il s’agissait des prémices de ce qui allait devenir un des pires bourbiers du XXe siècle : la guerre du Vietnam. Un conflit qui allait durement toucher l’Amérique, puisque plus de 58000 de ses hommes et femmes allaient y perdre la vie.

L’une des zones les plus stratégiques représentait 55000km², soit environ un dixième du territoire métropolitain français. Il s’agit du delta du fleuve Mékong. Si aujourd’hui cette région est très fortement urbanisée il n’en était rien à la fin des années 1960. Et c’est là que combattit une des structures les plus surprenantes de l’aéronavale américaine : la Task Force 116. Au sein de celle-ci figurait une unité d’appui aérien rapproché et de reconnaissance tactique devenue mythique : l’escadrille VAL-4 «Black Ponies».

Pourtant dans son cas tout commença avec l’escadrille VS-41 «Shamrocks», l’unité de transformation opérationnelle à la lutte anti-sous-marine embarquée de l’US Navy. Basée à NAS North Island dans le sud de la Californie elle alignait alors des Grumman TS-2A Tracker d’entraînement avancé. En juillet 1968 elle perçut un lot de six North American / Rockwell OV-10A Bronco, des avions normalement dédiés à la reconnaissance tactique et au contrôle aérien avancé. On était donc loin de la traque des submersibles soviétiques en zone Pacifique ! En fait ses instructeurs devaient former des pilotes et copilotes au maniement de ces aéronefs dans le cadre d’opérations en zone fluviale.

OV-10A Bronco de la VAL-4 « Black Ponies » en action.

En effet quelques semaines plus tôt au Pentagone un groupe d’experts avait théorisé l’envoi d’une escadrille d’OV-1 Mohawk ou d’OV-10 Bronco dans la zone du delta du Mékong afin de contrer l’avancée grandissante de la résistance vietcong. Depuis janvier 1968 et l’offensive du Têt l’opinion publique américaine était de plus en plus réticente à voir sa jeunesse aller se faire tuer au Vietnam. Les amiraux et généraux eux refusaient de perdre ce conflit face à l’idéologie marxiste. D’où l’idée d’envoyer de nouveaux moyens. Deux obstacles existaient pour le Pentagone dans son idée vis à vis du delta du Mékong. En premier lieu celui-ci dépendait de l’US Navy puisque étant en zone côtière, et en second lieu aucune unité d’appui tactique n’existait alors dans la région. Qu’à cela ne tienne il allait en créée une et la placer sous l’autorité de la dite US Navy. Sur le papier la VAL-4 «Black Ponies» était née.

Le choix de l’aéronef fut dictée par l’US Navy : ce serait l’OV-10A Bronco en service au sein de l’US Marines Corps depuis février 1968. Les premiers exemplaires allaient se retrouver au sein de la VS-41 «Shamrocks». Les instructeurs avaient six mois pour préparer des pilotes à leur nouvelle mission. En coulisse le Pentagone décida d’intégrer la nouvelle VAL-4 «Black Ponies» officiellement créée le 3 janvier 1969 au sein de la Task Force 116. Cette formation regroupait aussi bien des unités aérienne que fluviales, ou encore terrestres, et avait la charge du seul delta du Mékong. Les combats y étaient âpres, et les pertes américaines importantes.

Au sein de la Task Force 116 la VAL-4 «Black Ponies» allait rejoindre deux unités aériennes très différentes l’une de l’autre : la HAL-3 «Seawolves» avec ses hélicoptères d’appui tactique et d’escorte Bell UH-1B Iroquois et la VAH-21 «Roadrunners» évoluant sur bombardiers de reconnaissance Lockheed AP-2H Black Crow. Les pilotes de la VAL-4 «Black Ponies» étaient prévenus, ils allaient au Vietnam pour y faire la guerre.

La VAL-4 «Black Ponies» vit sa dotation répartie entre deux bases sises toutes les deux aux abords immédiats du delta : Binh Thuy et Vung Tau. Il s’agissait dans les deux cas de vieux terrains d’aviation remis au goût du jour par les militaires américains et datant de l’occupation coloniale française. La VAL-4 «Black Ponies» alignant dix-huit OV-10A Bronco, chaque base en reçut neuf. Les premières missions opérationnelles débutèrent en mars 1969. L’une d’elle était d’apporter un soutien sous la forme d’une protection aérienne au profit des trois porte-hélicoptères amphibies fluviaux de classe AGP : les USS Garret County, USS Harnett County, et USS Hunterdon County. Dans les faits ces navires étaient d’anciens bâtiments de débarquement datant de la Seconde Guerre mondiale et transformés depuis pour servir de bases mobiles aux UH-1B Iroquois de la HAL-3 «Seawolves». Au sein de la Task Force 116 l’interopérabilité était donc de mise.

Ce cliché permet de mieux appréhender l’armement des avions en missions.

Mais surtout la mission numéro 1 des OV-1A Bronco dans le delta du Mékong était de protéger les troupes au sol et équipages des frêles PBR, les Patrol Boats River. Ces patrouilleurs légers sont d’ailleurs rapidement devenus des icônes de la guerre du Vietnam mais aussi des cibles de choix pour la résistance communiste vietcong. Généralement une patrouille aérienne était composée de deux de ces avions d’appui.

Pour les mener à bien les bimoteurs à turbopropulseurs étaient lourdement armés : quatre mitrailleuses M60C de calibre 7.62 millimètres dans les moignons de voilures ainsi qu’une charge externe de 1630 kilogrammes. Celle-ci s’articulait généralement de nacelles SUU-11A/1 dotée d’une mitrailleuse multitube Gatling de calibre 7.62 millimètres également et de paniers à roquettes LAU-3A Zuni à trois roquettes de 127 millimètres chacune et LAU-10A à dix roquettes de 69 millimètres. À la différence des Bronco de l’US Marines Corps ceux de la VAL-4 «Black Ponies» n’emportaient quasiment jamais de roquettes au phosphore. Ces dernières étant avant tout réservées au marquage de cibles dans le cadre du contrôle aérien avancée, mission que ne remplissait pas l’unité.

Les légendaires PBR de l’US Navy au Vietnam.

Opérant généralement bien avant l’aube et au-delà du crépuscule les OV-10A Bronco représentèrent rapidement des cibles de choix pour la DCA ennemie. Six avions furent perdus en opérations, un septième par accident.

  • OV-10A codé 155490 abattu de nuit le 19 juillet 1969. Pilote et copilote tués.
  • OV-10A codé 155503 abattu de jour le 20 décembre 1969. Pilote et copilote tués.
  • OV-10A codé 155393 abattu de jour le 20 mars 1970. Pilote et copilote récupérés sains et saufs.
  • OV-10A codé 155495 abattu de jour le 7 juin 1970. Pilote tué, copilote récupéré sain et sauf.
  • OV-10A codé 155479 abattu à la tombée de la nuit le 29 septembre 1970. Pilote et copilote récupérés sains et saufs.
  • OV-10A codé 155394 abattu de jour le 29 octobre 1971. Pilote et copilote récupérés sains et saufs.
  • OV-10A codé 155461 écrasé au retour d’une mission suite à avarie du train d’atterrissage le 9 février 1972. Pilote blessé et copilote tué.
Patrouille serrée de la VAL-4 « Black Ponies ».

Pour chaque avion abattu dans le delta du Mékong l’US Navy déclenchait systématiquement une mission de recherches et de sauvetage au combat avec généralement des moyens très lourds. Il n’était pas rare d’y croiser des bombardiers embarqués Douglas A-3B Skywarrior ou des avions d’attaque Grumman A-6B Intruder. Des avions de guerre électronique Douglas EA-1 Skyraider faisaient également souvent le déplacement jusqu’à la zone présumée de crash. Les hélicoptères UH-1B Iroquois de la HAL-3 «Seawolves» prenaient à chaque fois part aux opérations, la solidarité étant au cœur de l’existence même de la Task Force 116.

Un mois après la perte du dernier avion la VAL-4 «Black Ponies» fut dissoute. Elle n’avait existé que durant 38 mois. Pourtant elle avait durablement marqué l’histoire aéronavale américaine, et plus largement l’histoire militaire.

OV-10A Bronco de la VAL-4 « Black Ponies » dans leur nid de Vung Tau. Remarquez au sol les fameuses Marston Mats.

Pour la petite histoire certains des OV-10A Bronco de la VAL-4 «Black Ponies» ayant survécus à la guerre du Vietnam ont ensuite connu une carrière civile. L’un d’eux servit notamment de 1986 à 1999 au sein de l’US Bureau of Land Management, une administration fédérale américaine en charge de la gestion des terrains publics. Aujourd’hui l’ancien OV-10A codé 155496 vole au sein du Cal Fire, l’agence californienne de prévention et de lutte contre les incendies. Il assure le contrôle aérien avancé sous l’immatriculation civile N421DF. Et aux vues de l’importance de sa mission la retraite n’est pas pour tout de suite le concernant.

Schéma de camouflage des OV-10A Bronco au sein de la VAL-4 « Black Ponies »…
… et le même au sein de la VS-41 « Shamrocks »

En donc 38 mois d’existence, la VAL-4 «Black Ponies» a accumulé 1178 missions de jour comme de nuit, et autant de prises de risques. Et durant presque toute son existence elle a entretenu un détachement d’instructeurs au sein de la VS-41 «Shamrocks». En effet à partir de décembre 1971 plus aucun pilote ou copilote d’OV-10A Bronco n’était formé dans le sud de la Californie, montrant ainsi les premiers signes de la fin de l’aventure.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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