Le Lockheed LC-130 : un Hercules skieur

Pour nous autres Français apeurés au moindre petit centimètre de neige, l’idée de faire se poser un avion sur la poudreuse relève de l’aberration la plus totale. Il faut bien le dire, cela fait bien se marrer nos amis canadiens. Mais ce n’est rien à côté des militaires américains qui ont carrément dans leur arsenal un avion-cargo spécialement modifié pour opérer depuis la neige et… la glace. Focus sur le surprenant et méconnu Lockheed LC-130, une des versions les plus spéciales de l’universel Hercules.

C’est dès 1956 que le constructeur Lockheed et l’US Air Force s’essayèrent à la modification d’un C-130A afin de recevoir des skis. Les essais furent assez probants, ainsi une première commande vint pour douze C-130D dotés d’un train d’atterrissage renforcé avec des pneus basse pression, similaires à ceux qu’on retrouvait alors sur certains avions de brousse. Les C-130D pouvaient se poser sur la neige, certainement pas sur la glace.

Dans le même temps l’US Navy travaillait sur un avion similaire mais doté de skis rétractables et amovibles qui se fixaient sur le train d’atterrissage. Elle passa commande pour quatre avions ainsi que leurs skis. Entrés en service en 1959, avant l’instauration d’un système de désignation conjoint, ils furent désignés Lockheed UV-1L Hercules. En 1962 lors du réalignement, ils devinrent LC-130F.

Sur ce cliché les skis du Lockheed LC-130F apparaissent parfaitement. L'avion porte la livrée traditionnelle de la VXE-6 à la fin des années 1960.
Sur ce cliché les skis du Lockheed LC-130F apparaissent parfaitement. L’avion porte la livrée traditionnelle de la VXE-6 à la fin des années 1960.

Les skis montés sur les LC-130F étaient de véritables objets de haute technologie. Construits en acier inoxydable, ils étaient recouvert sur leur face interne de polytétrafluoroéthylène (ou PTFE) qui permettait aux avions de mieux « glisser » sur la neige et la glace, et ralentissait en même temps l’installation du givre.
A vrai dire, les techniciens et les scientifiques nomment cela du polytétrafluoroéthylène ou du PTFE, mais le commun des mortels appelle ça du Téflon (vous savez le truc qui évite au steak d’attacher au fond de la poêle).

Revenons au sujet. Chaque ski pesait un peu plus de 1150 kg et réduisait donc de manière assez significative le rayon d’action de l’avion. Cependant, il restait primordial pour pouvoir opérer sur le continent blanc.

Outre leurs skis, les LC-130F étaient les principaux Hercules utilisateurs de fusées d’appoint JATO. Un dispositif particulièrement efficace pour s’arracher d’un sol gelé (… qui l’était forcément un peu moins après l’usage de ces dispositifs).

À la différence des C-130D qui opéraient principalement depuis des tarmacs en dur mais gelés et pouvaient se poser une neige fine, les LC-130F étaient de véritables avions destinés à ce climat. Du coup, ils se virent rapidement affectés au soutien des opérations scientifiques polaires américaines. Ils étaient même dans les années 1960 et 1970 les seuls avions militaires autorisés à se poser en Antarctique. Ils appartenaient à une unité fort discrète la VX-6, devenue la VXE-6 en 1969. Les Soviétiques eux utilisaient des avions de l’Aeroflot.

Un LC-130F de la VXE-6 à l'atterrissage.
Un LC-130F de la VXE-6 à l’atterrissage.

Dans le courant des années 1970, les C-130D furent transformés en C-130E. Une dizaine d’années plus tard les LC-130F laissaient la place au LC-130H nettement plus puissants et mieux motorisés.

Les missions au profit des expéditions polaires en Arctique et en Antarctique se poursuivaient. À tel point même que l’US Navy utilisa à partir de 1986, de manière quasi permanente un détachement technique à Ushuaia International Airport, l’aéroport international le plus méridional du monde, en territoire argentin. De là, les Lockheed LC-130H s’élançait vers le pôle sud.

Il est à noter que c’est avec l’adoption du LC-130H que les Hercules à skis ont commencé à devenir vraiment efficace en terme de rayon d’action et de charge marchande. Quand les LC-130F peinaient à transporter plus de 9 tonnes (ou une quarantaine de passagers dans un confort plus que spartiate) sur 2500 kilomètres, les LC-130H emportaient eux près de 15 tonnes (ou une soixantaine de passagers) sur 3500 kilomètres. Les skis dont ont été dotés les LC-130H ont été « allégés » à un peu plus de 950 kilos.

Les Lockheed LC-130H ont servi au sein du VXE-6 jusqu’ à sa dissolution en 1999. À cette époque, la mission de soutien polaire a été transféré à l’US Air Force. Depuis c’est donc le 139th Airlift Squadron qui met en œuvre ces avions. Outre le nom, pas grand chose à changer sur ces avions.

Depuis quelques années maintenant, l’US Air Force milite, avec le soutien de nombreuses organisations scientifiques, pour un net rajeunissement de la flotte des LC-130H. L’idéal serait bien entendu un remplacement complet au profit d’un LC-130J toujours aussi hypothétique.

Dans le même temps, le Pentagone envisage une externalisation vers des sociétés privées. Une piste qui n’a absolument pas le soutien des scientifiques qui reconnaissent le savoir-faire des pilotes du 139th AS, dont certains sont des anciens de la VXE-6. Autant dire qu’ils savent poser un LC-130 à peu près n’importe où.

Gros plan sur les skis du Lockheed LC-130H.
Gros plan sur les skis du Lockheed LC-130H.

On dit souvent que militaires et scientifiques ne font pas bon ménage. Les équipages de LC-130H nous démontrent chaque jour l’inexactitude de cette affirmation. En effet, les scientifiques représentent le gros de la charge de travail des équipages du 139th AS.

Reste à savoir jusqu’où le Pentagone saura voir l’intérêt supérieur de la science et donc du pays sur les intérêts bassement financiers. En attendant, il faut bien remarquer que le Lockheed LC-130 est bel et bien un avion hors du commun.

Photos © US Department of Defense, San Diego Air & Space Museum, et Lockheed-Martin.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

7 réponses

    1. Ce magnifique avion ne met pas plus de temps à s’arrêter qu’à décoller..
      Dès que l’ensemble des skis ont touché la neige TOUS les volets sont sortis et le pas des hélices inversés et les « turbopropulseurs » à pleine puissance.. C’est impressionnant de le voir de l’ extérieur mais itou de l’intérieur..
      Au décollage lorsque le pilote déclenche les JATO idem .

  1. Encore une fois très beau reportage, merci Arnaud. Et franchement, il faut être un sacré pilote pour ces missions, alors chapeau bas.

  2. Je viens de tomber sur cet article passionnant mais je me demandais pourquoi tu n’en avait pas fait une fiche, je crois que vous avez déjà tous les autres types de Hercule ?

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