La guerre contre l’Ukraine pousse Aeroflot dans les bras des avionneurs russes.

La compagnie aérienne étatique russe serait t-elle redevenue soviétique ? Alors que la Russie subit de plus en plus fortement, et au quotidien, les répercussions économiques européennes et nord-américaines à l’invasion de l’Ukraine Aeroflot se voit désormais menacer dans son existence même. Très dépendante depuis 1992 d’Airbus et de Boeing elle celle-ci doit désormais faire appel à trois avionneurs locaux pour lui vendre des avions de ligne. Comble de l’ironie elle est même désormais obligée de revenir vers le Sukhoi Superjet 100 qu’elle boudait pourtant depuis la catastrophe de l’aéroport de Chérémétiévo voici un peu plus de trois ans.

En effet sur pression du régime de Vladimir Poutine la direction d’Aeroflot a été obligé de négocier trois contrats d’acquisition de matériels volants auprès de constructeurs russes. Des avions qu’initialement elle devait pour l’un d’entre eux acquérir mais pas en aussi grande quantité. Il faut dire qu’elle n’a désormais plus le droit d’acheter des avions de ligne auprès des deux géants du marché : Airbus et Boeing. Par effet de ricochet les avionneurs brésiliens et canadiens leur ont, eux aussi, fermés leur carnet de commandes.

Afin donc d’éviter une disparition prématurée qui aurait mis ses 30 300 employés au chômage la compagnie aérienne a été obligée de se recentrer sur les fondamentaux russes : les productions indigènes. Sauf que si en matière d’avions de combat ou d’hélicoptères d’assaut la Russie sait tenir la dragée haute à l’Europe et aux États-Unis c’est tout à fait autre chose en matière d’aviation commerciale. En fait comme durant l’ère soviétique ses avions de ligne n’ont jamais réussi à être compétitifs vis-à-vis des productions dites occidentales. On comprend donc que c’est véritablement la mort dans l’âme que les dirigeants d’Aeroflot se sont pliés aux instructions du Kremlin.
Et le grand vainqueur dans l’histoire est le conglomérat United Aircraft Corporation puisqu’il possède les trois avionneurs qui chacun fourniront un modèle d’avion de ligne.

Quantitativement parlant l’avion qui est le mieux commandé est sans surprise l’Irkut MC-21. Cent exemplaires au standard MC-21-200 à fuselage court capable d’accueillir entre 132 et 165 passagers sur 6400 kilomètres de rayon d’action sont commandés. Ces avions n’étaient initialement pas prévus puisque Aeroflot avait refusé cette version du nouveau biréacteur russe. Elle n’avait envisagé qu’entre cinquante et soixante exemplaires du MC-21-300, la version standard capable de transporter entre 163 et 211 passagers sur une distance maximale de 6000 kilomètres. Finalement elle en achètera cent dix.
En soi l’Irkut MC-21 n’est pas une mauvaise nouvelle puisque c’est véritablement le premier avion de ligne russe conçu pour tenter de damer le pion à Airbus et Boeing. Bien que ne faisant pas appel à des éléments américains et européens il a été conçu selon des process très proches de ceux que l’on trouve chez les deux géants.

En deuxième position des quantités d’avions commandés figure le Sukhoi Superjet 100 avec soixante-treize machines en attente. C’est lui qui est représenté ci-dessus. Là par contre on est en droit de se dire que clairement cette acquisition porte l’empreinte de Vladimir Poutine tant Aeroflot avait tout fait depuis plusieurs mois pour écarter ce petit biréacteur de ses grandes lignes aériennes. Entre les 41 morts de l’accident de Chérémétiévo et le grave incident en janvier 2020 du vol SU1368 le Superjet n’avait vraiment plus le vent en poupe auprès des équipages de la compagnie. Pis de nombreux employés refusaient de voler à son bord, que ce soit dans le poste de pilotage ou en cabine. Il était devenu le chat noir d’Aeroflot.
Reste à savoir comme la direction va réussir à convaincre les staffs de revenir sur leur appréhension et de voler dessus.

Le troisième avion est comme le Superjet 100 un appareil que les personnels d’Aeroflot connaissent déjà puisqu’il dérive d’un avion qu’ils ont utilisé entre 1990 et 2005 : le Tupolev Tu-214. Cette évolution du fameux Tu-204, dernier avion de ligne soviétique, avait jusque là été boudé par la compagnie aérienne russe qui le considérait comme largement inférieur à ses concurrents de chez Airbus et Boeing. Capable d’accueillir entre 180 et 210 passagers son rayon d’action n’excède pas 4400 kilomètres. C’est sans doute pour cela qu’Aeroflot n’en achète que quarante exemplaires.

Trois modèles d’avions, trois biréacteurs courts et moyens courriers. Des avions donc parfaits pour remplacer à moyen terme les actuels Airbus A320-200, A320 Neo, A321-200, A321 Neo, et Boeing 737-800. Sauf que va très vite se poser la question des Airbus A330-300 et Boeing 777-300ER longs courriers. Car là aucun des trois avions russes ne peut matcher dans la même catégorie, ils sont trop petits et ont les pattes trop courtes.
Et encore on ne parle pas des Airbus A350-900 dont certains sont déjà sous embargo.
Alors une option existe en Russie, mais de manière théorique : l’Ilyushin Il-96-400M. Ce quadriréacteur dérivé du célèbre Il-96 lui même issu de l’Il-86 Camber de la fin de la guerre froide doit normalement réalisé son premier vol d’ici à Noël 2022. Une future commande d’Aeroflot pour trente à trente-cinq avions est désormais envisagée.
Sauf que les pilotes de ligne russes ne savent plus piloter de quadriréacteur depuis le retrait voici huit ans des… Ilyushin Il-96-300.

Certes c’est une excellente nouvelle pour United Aircraft Corporation sauf que les oligarques à sa tête ont rappelé que les capacités industrielles de l’entreprise ne permettraient pas de fournir plus de cent dix avions d’ici à fin 2025.
Les trois cent vingt-trois avions en question ne pourraient être livrés dans leur totalité qu’entre 2028 et 2030, à condition que la commande soit officiellement passé d’ici à quelques semaines. En effet il ne s’agit jusque là que d’une lettre d’intention soutenue par l’administration de Moscou. Donc par le contribuable russe.
Aeroflot saura t-elle survivre jusque là avec des avions occidentaux dont elle est coupée de toute source d’approvisionnement en pièces détachées ? L’avenir nous le dira.

Photo © United Aircraft Corporation


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

7 Responses

  1. Et ou trouvent-ils les composants électroniques ? Parce que lorsque l’on voit un pilote militaire voler avec un gps commercial je me pose des questions sur la possibilité des russes de fournir des équipements de navigations à leurs avions commerciaux. Et quid des réacteurs ?

    1. Hello BOB;
      Comme a l’air soviétique, ils sont bien capable de faire de la retro ingenierie, Puis un truc que les Americains n’ont pas encore fait, c’est de coupés le systeme gps au Russe, Cependant, la porte de la technologie chinoise reste largement ouverte aux russes; Ce n’est pas de la top qualité mais je ne me risquerai pas a prendre les chinois pour des crétins capable que de copies; Meme s’ils redoutent les préssions américaines sur les transferts de technologies;

  2. Dommage pour l’industrie française qui était très impliqué dans le programme SSJ-100. Thalès pour l’avionique et Safran pour le train d’atterrissage, le contrôle du kérosène et les moteurs. 60% de l’avion était occidental dont 33% français. Sûrement que la Chine prendra la place que la France avait sur le marché russe.

  3. les russes n’ont pas le choix.
    Airbus et Boeing ne fournissent plus de soutient, dont les pièces détachées.
    Donc impossible de faire voler indéfiniment les airbus et boeing.

  4. Bonjour à tous
    Rien n’empêche les chinois de rétrocéder des composants de Boeing ou Airbus sinon des avions neufs aux Russes
    Non ??

  5. Bonjour Arnaud,

    Votre article de presse est excellent.

    Je pense que les russes vont également russifier totalement tous ces types d’avions et notamment le gros porteur long courrier Ilyushin 96-400M par des moteurs russes de nouvelles générations.

    Il est fort possible que tous ces avions soient aussi équipés dans le futur de nouveaux moteurs chinois, destinés plus précisément aux compagnies aériennes chinoises.

    Seul l’avenir nous le dira.

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