La cocarde canadienne, d’hier à aujourd’hui

S’il y a un symbole canadien universellement reconnu, c’est bien la feuille d’érable. Même pour le plus néophyte des aérophiles, un aéronef de l’Aviation royale canadienne (ARC) est reconnaissable au premier coup d’œil grâce à ses cocardes unifoliées. Pourtant, il n’en fut pas toujours ainsi. Pendant le premier quart de siècle d’existence de l’ARC, bien malin qui aurait pu dire de quelle nationalité était ses avions ! Alors que l’ARC soufflera ses 100 bougies en avril prochain, voici le deuxième article d’une série de dix qui porte sur l’évolution de cette force aérienne.

Étonnamment, les origines de la cocarde canadienne remontent à la révolution française. Symbole de la République française dès ses débuts, la cocarde tricolore fut naturellement apposée sur ses aéronefs lors de la Première Guerre mondiale afin d’éviter les tirs fratricides. Le Royaume-Uni imita la France en inversant simplement les couleurs de la cocarde. Lors de la naissance de l’Aviation royale canadienne en 1924, la cocarde tricolore britannique fut choisie pour identifier ses aéronefs. À l’époque, la toute jeune Confédération canadienne maintient encore de forts liens avec la mère patrie. Aussi, la plupart des officiers supérieurs de cette force aérienne naissante sont des Britanniques ayant récemment immigré au Canada. Enfin, la population du Canada majoritairement anglophone demeure très attachée à la Couronne britannique qui lui octroie le privilège d’utiliser qualificatif «royale» pour son aviation. L’ARC a conséquemment utilisé des cocardes et des flashs d’ailerons britanniques sur tous ses aéronefs jusqu’à peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. La première cocarde adoptée par l’ARC fut celle de Type A employée par la Grande-Bretagne. Elle fut largement utilisée sur les premiers aéronefs de l’ARC jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, notamment sur ses avions du Programme d’entraînement aérien du Commonwealth comme l’illustre le biplan de formation de base Fleet Finch fabriqué au Canada.

Cocarde de Type A

Fleet Finch

Durant la Deuxième Guerre mondiale, la Royal Air Force (RAF) va développer diverses variantes de sa cocarde avec des cercles blancs et jaunes plus ou moins larges. Mentionnons notamment, la cocarde de Type C-1 ainsi que celle de Type B basse visibilité utilisée sur les ailes et parfois sur le fuselage. Comme l’illustre les CCF Hurricane fabriqués à Thunder Bay, ces cocardes furent également adoptées par l’ARC tant au Canada qu’outre-mer.

Cocarde de Type C-1

Canadian Car & Foundry (CCF) Hurricane

Sur le front asiatique, la RAF adopta des cocardes éliminant la couleur rouge afin d’éviter toute confusion avec les avions japonais. La cocarde de Type SEAC (pour South East Air Command) fut également adoptée par l’ARC présente sur ce théâtre d’opérations. Surnommé Canucks Unlimited, le fameux Escadron 436 de transport qui effectuait la navette entre l’Inde, la Birmanie et la Chine avec ses Douglas C-47 Dakota illustre ce fait.

Cocarde de Type SEAC

Douglas C-47 Dakota aux couleurs de l’Escadron 436 de l’ARC

À son apogée pendant le second conflit mondial, l’ARC comptait au total 78 escadrons, dont 35 servant outre-mer. Des 43 100 Canadiens tués au combat pendant la guerre, 13 500 ont servi dans les rangs de l’ARC. Au retour de la paix, il était enfin temps pour l’ARC de se doter d’une identité clairement canadienne pour honorer ce sacrifice, tout en se tournant vers l’avenir. L’ARC devint la première des forces aériennes du Commonwealth à adopter sa propre cocarde. Le rond rouge au centre de la cocarde de Type B de la RAF fut remplacé par une feuille d’érable dentelée. Difficile de distinguer à distance de celle utilisée par la RAF, cette cocarde ne fut utilisée que brièvement à compter de 1946, notamment sur les North American P-51D Mustang.

Cocarde de Type B de la RAF et première cocarde à feuille d’érable

North American P51-D Mustang

S’inspirant toujours de la feuille de l’Érable argenté (Acer saccharinum), l’ARC adopta plus tard en 1946 la cocarde Silver Maple qui va orner ses aéronefs jusqu’en 1965, dont les Canadair Sabre. Durant cette période, le flash d’aileron de type britannique sera remplacé en 1958 par le drapeau canadien alors en usage, soit le Red Ensign comme on peut le voir sur les McDonnell CF-101 Voodoo.

Cocarde Silver Maple

Canadair Sabre

McDonnell CF-101 Voodoo

En 1965, le Canada adoptait un nouveau drapeau, soit l’Unifolié arborant une feuille inspirée de l’Érable à sucre (Acer saccharum). Cette feuille d’érable stylisée a remplacé l’élément central de la cocarde canadienne, comme on peut le voir sur les appareils Bombardier CC-144 Challenger. Enflammant le paysage avec ses feuilles virant au rouge à l’automne, offrant une sève permettant de produire au printemps le délicieux sirop d’érable, ainsi que source d’un bois noble utilisé en marqueterie et en ébénisterie, l’Érable à sucre est intiment lié à l’identité canadienne. Éminemment British, le Red Ensign fut également remplacé par l’Unifolié à compter de 1965 comme flash d’aileron. Afin de souligner le centenaire de la Fédération canadienne, le cercle bleu de la cocarde fut remplacé durant l’année 1967 par un cercle rouge. La cocarde du centenaire ne fut toutefois arborée que sur quelques appareils, comme les Canadair CC-106 Yukon et CC-109 Cosmopolitan.

Cocarde canadienne actuelle

Bombardier CC-144 Challenger

Cocarde du centenaire de la Fédération canadienne (1967)

Canadair CC-106 Yukon

Au fil des ans, des variantes basse visibilité de la cocarde canadienne furent introduites. Notons la cocarde de Type OTAN ayant notamment orné les Canadair CF-104 Starfighter déployés en Allemagne de l’Ouest. Plus récemment, la discrète cocarde grise est associée à tous les appareils ayant une livrée basse visibilité, incluant le géant Boeing CC-177 Globemaster.

Cocardes basse visibilité

Canadair CF-104 Starfighter

Boeing CC-177 Globemaster

Voilà, les cocardes canadiennes n’ont plus de secrets pour vous. Cela vous permettra de mieux apprécier les prochains articles portant sur la rétrospective des aéronefs utilisés par l’ARC au fil des ans.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Marcel
Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

Une réponse

  1. Merci pour l’article sur la cocarde canadienne, Marcel. Je ne savais pas qu’elle remontait à si loin. Je crois que beaucoup de lecteurs du Canada ,comme moi, vont apprendre beaucoup de faits sur l’ARC.

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