Dans un monde instable où l’information peut faire toute la différence entre la victoire et la défaite en cas de conflit, la collecte de renseignements par les militaires et les agences gouvernementales est plus vitale que jamais. La transformation inquiétante du paysage géopolitique, combinée aux avancées technologiques de ces dernières années, incitent un nombre croissant de pays à se tourner vers des solutions aéroportées plus légères et abordables pour effectuer des missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR), de guerre électronique (GE) et de détection avancée aéroportée (AEW).
Consciente du fort potentiel de croissance dans le secteur militaire, Bombardier mettait sur pied en 2022 sa Division Défense. L’entreprise canadienne propose à ses clients des avions sur mesure avec des capacités de certification complètes pour tout le spectre des missions civiles, militaires et hybrides. Bombardier bénéficie de dizaines d’années de collaboration avec des intégrateurs de systèmes de missions réputés. Bien avant la création de cette nouvelle division, Bombardier était déjà présent sur le marché militaire avec ses avions Dash 8, Challenger et Global. On a qu’à songer aux RO-6A Saturn Arch et Leidos Artemis II américains, ainsi qu’aux Raytheon Sentinel britanniques à titre d’exemples. Notons que les discrets avions espions ARTEMIS II, au service de l’US Army depuis 2020, sont particulièrement actifs en Europe de l’Est depuis l’agression injustifiée de la Russie contre l’Ukraine.

Bien que les appareils Dash 8 soient encore prisés pour nombre d’applications militaires, comme en fait foi les Sierra Nevada P9-A Pale Ale mis en service par l’US Air Force en 2023, Bombardier Défense mise dorénavant sur ses familles d’avions d’affaires Challenger et Global. Plus économiques que des avions de ligne, tant à l’achat qu’à l’exploitation, ils affichent des performances équivalentes, voir supérieures en termes d’autonomie, d’altitude et de vitesse. De plus, ils bénéficient d’une maintenance simplifiée grâce au vaste réseau de centres de service de Bombardier implanté un peu partout dans le monde. Bombardier a aussi mis en place un programme dédié à l’achat et de de remise à neuf d’appareils Challenger et Global de seconde main. Comparativement aux avions de ligne, ces Bizjets comptent généralement peu d’heures de vol quand leurs riches propriétaires veulent les remplacer par des appareils dernier cri.
Exemple éloquent de la requalification d’appareils auparavant utilisés au civil, le Global 6000 fut sélectionné par l’US Air Force (USAF) pour son programme Battlefield Airborne Communications Node (BACN). Désignés Northrop Grumman E-11A, l’USAF réceptionnait son huitième appareil en octobre 2024 et le contrat prévoit la livraison d’avions additionnels jusqu’en 2026. Le Global 6000 est également la plateforme du novateur programme PEGASUS (Persistent German Airborne Surveillance System).

Également fort populaire dans le secteur militaire, un premier Global 6500 fut livré en novembre 2024 à l’US Army comme plateforme dans le cadre du programme High Accuracy Detection and Exploitation System (HADES). Le premier Global HADES devrait être opérationnel d’ici la fin de 2026. Le Global 6500 a également été sélectionné comme plateforme pour le programme Army Theater-Level High-Altitude Expeditionary Next Airborne Intelligence, Surveillance and Reconnaissance (ATHENA-S) piloté par l’intégrateur Sierra Nevada. Il en est de même pour le programme Level High-Altitude Expeditionary Next Airborne Radar (ATHENA-R) également destiné à l’US Army et piloté par l’intégrateur L3 Harris.

Parmi les succès plus récents de Bombardier Défense, mentionnons la signature d’’un contrat, le 26 mai dernier, avec la Suède pour l’achat de deux avions Global 6500 qui seront utilisés pour le transport des dirigeants gouvernementaux et militaires. Le choix du Global 6500 permettra une synergie opérationnelle avec les avions de surveillance Saab GlobalEye, basés sur la même plateforme aéronautique.

Mentionnons aussi l’entrée en service, au début de 2025, du premier avion d’État multi-missions Global 7500. Livré à la Suisse, l’appareil est configuré pour le transport de personnel gouvernemental et militaire, ainsi que pour les missions d’évacuation d’urgence. Nul doute que des applications militaires suivront d’ici quelques années pour le Global 8000, dont le premier exemplaire de série a effectué son vol inaugural le 20 mai dernier et dont l’entrée en service est prévue au cours des prochains mois.

Les avions de la famille Challenger ne sont pas en reste. Au mois de mars dernier, Bombardier Défense a annoncé une commande de deux avions Challenger 650 destinés à des missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance en Australie. Il y a près d’un an, c’était la Finlande qui sélectionnait le Challenger 650 pour la surveillance de ses frontières menacées par la Russie.

Avec la volonté affichée des alliés de l’OTAN, et de la plupart des pays démocratiques, d’augmenter significativement leurs dépenses militaires pour faire face aux attitudes belliqueuses de la Russie, de la Chine et de la Corée du Nord, Bombardier Défense prévoit porter son chiffre de ventes à au-delà du milliard de dollars par année d’ici 2030. Bien que la Division Défense représente actuellement moins de 10% du chiffre d’affaires annuel de Bombardier, c’est un secteur en croissance où les marges bénéficiaires sont fort intéressantes.
Bien que déçu de la décision du Canada en 2023 d’acquérir des appareils P-8A Poseidon, Bombardier poursuit néanmoins des échanges avec divers pays sur son futur Global MPA, une alternative moins coûteuse que l’appareil américain également plombé par la mauvaise réputation de l’administration américaine. Face à l’attitude méprisante de l’administration Trump envers les alliés traditionnels des États-Unis, Bombardier Défense pourrait aussi avoir sa revanche si le Saab GlobalEye est privilégié par le Canada qui semblait auparavant se diriger vers l’acquisition d’avions Boeing E-7 Wedgetail. Et le Canada n’est pas le seul pays à envisager cette alternative.

Le 9 juin dernier, le nouveau Premier ministre du Canada annonçait son intention de hausser significativement les dépenses militaires pour atteindre dès 2026 la cible de 2% du PIB visé par les pays de l’OTAN qui se doteront prochainement d’une nouvelle cible encore plus ambitieuse pour les années à venir. Mark Carney a aussi annoncé qu’il inclura dorénavant les dépenses de la Garde côtière canadienne (GCC) dans le calcul des dépenses militaires, comme le font déjà d’autres pays. Est-ce un prélude à la militarisation de la GCC ? Du même souffle, M. Carney annonçait son intention d’investir dans une nouvelle stratégie industrielle de défense, qui mettra l’accent sur l’industrie militaire canadienne.
Aussi, le Canada est en pourparlers avec l’Union européenne (UE) pour se joindre au plan « Réarmer l’Europe ». Adopté par les 27 membres de l’UE en mars dernier, ce plan visant à rompre sa dépendance sécuritaire envers les États-Unis et favoriser l’acquisition de matériel militaire européen. Rappelons par ailleurs que le Canada et l’UE ont signé en 2016 un accord de libre échange économique, qui s’avère fort à propos dans le contexte actuel de la guerre tarifaire lancée par l’administration Trump. Logiquement, Bombardier désire se tourner encore davantage vers l’Europe. Lors de l’actuelle édition du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace, Bombardier a d’ailleurs signé une lettre d’intention avec le géant français Safran visant à explorer de nouvelles opportunités de collaboration afin de promouvoir le développement de technologies innovantes dans le domaine de la défense. Bien que non officialisés pour l’instant, les prochains contrats canadiens en matière de défense devraient inclure l’acquisition de sous-marins, de véhicules blindés, de drones ainsi que d’avions. De nouveaux partenariats canado-européens en matière d’armement sont donc à prévoir. Le gouvernement canadien va par ailleurs de lancer une nouvelle agence qui aura pour mission d’accélérer le processus d’approvisionnement militaire. Bref de la musique aux oreilles des industriels canadiens et européens, dont Bombardier Défense.
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2 réponses
En Europe la Slovaquie a aussi mis en service récemment un Bombardier Global 5000 comme avion de transport prioritaire. Lequel peut être, moyennant une transformation, adapté pour l’évacuation sanitaire à long rayon d’action.
Je ne visais qu’à donner des exemples, et non dresser une liste exhaustive. Merci pour l’info complémentaire !