Sikorsky VH-92 Patriot

Outre-Atlantique les appareils en charge du transport présidentiel sont des aéronefs à part. Que ce soit l’US Air Force avec ses avions quadriréacteurs Boeing VC-25A ou l’US Marines Corps avec ses hélicoptères Sikorsky VH-3D ils participent à la représentation médiatique du Président des États-Unis. Pourtant aussi iconiques que soient ces derniers ils ont vieilli et c’est pourquoi leur remplacement a été décidé. Ce rôle revient désormais à des machines nettement plus avancées : les Sikorsky VH-92 Patriot.

Le 18 décembre 2003 l’US Department of Defense lançait le Presidential Helicopter Replacement Program visant à sélectionner un successeur commun aux Sikorsky VH-3D et VH-60N alors en service. Il s’agissait donc de trouver le nouvel hélicoptère présidentiel pour le compte de l’US Marines Corps. Très rapidement ce programme allait être connu comme VXX. L’une des idées était d’ouvrir la compétition aux hélicoptéristes européens Agusta-Westland et Eurocopter, avec le concours pour chacun d’une entreprise américaine.

La taille de l’hélicoptère voulu par le Pentagone ferma la porte à de nombreux constructeurs. Bell, MD Helicopters, ou encore bien sûr Robinson ne purent y participer. Le premier compétiteur fut Sikorsky avec son S-92 Superhawk tandis que le géant Lockheed-Martin s’associa avec Agusta-Westland autour de l’US-101, une version américanisée de l’AW.101 Merlin. Un temps il fut question qu’Eurocopter et Northrop Grumman présentent ensemble l’EC225 Super Puma mais finalement cela ne se fit pas. Deux ans après le lancement du programme VXX la compétition fut officiellement close. Les S-92 Superhawk et US-101 allaient devoir s’affronter.

La compétition tourna rapidement à l’avantage de l’hélicoptère euro-américain US-101. Il fut commandé sous la désignation de Lockheed-Martin VH-71 Kestrel. Le S-92 Superhawk retourna pour ainsi dire au marché civil. En 2007 le Government Accountability Office, équivalent américain de notre cour des comptes en France, émit un avis très défavorable au programme VH-71 Kestrel, pointant du doigt de nombreuses incohérences vis-à-vis du programme VXX. Lockheed-Martin choisit de rassurer l’administration fédérale. Mais cela n’eut pas beaucoup d’effet puisque les experts comptables du GAO avaient planifié des excédents budgétaires sur le programme pouvant atteindre treize milliards de dollars. Et on ne parlait ici que d’une flotte de vingt-huit hélicoptères au total. En février 2009 le secrétaire à la défense Robert Gates ordonna à l’US Department of Navy de mettre fin au programme d’acquisition des VH-71 Kestrel. Cela fut effectif deux mois plus tard. Neuf hélicoptères de présérie avaient été produit pour un coût total de presque quatre milliards et demi de dollars US. Le cauchemar du feuilleton Kestrel était terminé mais la situation au sein du transport présidentiel perdurait. Les Sikorsky VH-3D étaient toujours vieillissants et les VH-60N Whitehawk ne pouvaient pas assurer tous les vols pour le président Barack Obama.

Le Pentagone prit à l’été 2013 une décision radicale. Après avoir envisagé toutes les hypothèses y compris la relance du Presidential Helicopter Replacement Program les généraux et décideurs institutionnels américains firent le choix du Sikorsky S-92 Superhawk. Aucune compétition n’ayant été remise en place les responsables de l’hélicoptériste l’apprirent quand ils se virent notifié la commande de deux hélicoptères de présérie. Échaudés par la mésaventure VH-71 Kestrel l’US Department of Defense exigea de l’hélicoptériste une absolue maîtrise des coûts. Dans le même temps le cahier des charges restait très ambitieux.

À cette époque Sikorsky n’était pas au mieux de sa forme. Ses UH-60 Blackhawk et SH-60 Seahawk n’enregistraient plus beaucoup de commandes et sur le marché civil le S-92 Superhawk périclitait. L’US Department of Defense affecta à l’appareil une désignation non séquentielle, donc non issue celles connues alors. Il aurait dû logiquement dû être désigné VH-73 après les VH-71 Kestrel et UH-72 Lakota. Il fut finalement nommé VH-92, reprenant le numéro du constructeur.
Son développement fut cependant boosté à l’été 2015 quand Sikorsky fut racheté par… Lockheed-Martin. On crut alors un temps que c’est ce dernier qui allait markéter le VH-92 mais il n’en fut rien.

Au début du printemps 2019 le groupe Lockheed-Martin annonça pouvoir réduire de manière substantielle les coûts de développement de l’hélicoptère. Il enfonça le clou quelques mois plus tard en annonçant que six premiers Sikorsky VH-92A seraient opérationnels deux ans plus tard. Encore un an après et ces prévisions optimistes s’effondrèrent. La crise pandémique du Covid-19 était passée par là. Finalement en mars 2021 les six premiers exemplaires furent livrés, un peu en catimini.

L’escadrille HMX-1 de l’US Marines Corps assurait leurs essais en vol tout en mettant en œuvre les VH-3D et VH-60N. En août 2024 l’appareil entra officiellement en service, assurant pour l’occasion un déplacement du Président des États-Unis d’Amérique Joe Biden. À cette occasion on découvrit qu’il avait été baptisé Patriot. Était ce le début de la fin pour les VH-3D et VH-60N ?

Extérieurement les vingt-et-uns Sikorsky VH-92A Patriot se présentent sous la forme d’hélicoptères biturbines reprenant la quasi intégralité des équipements des S-92 Superhawk commerciaux. Pourtant ils sont aménagés selon deux standard : Marine One et Marine Two pour le premier, c’est à dire le transport du président et du vice-président américain, et des hélicoptères VIP pour le reste du gouvernement américain ou des hauts responsables du Congrès. Dans le cas de l’aménagement type Marine One on sait que ces appareils peuvent accueillir dix passagers et quatorze en aménagement VIP. Les VH-92A destinés au président et au vice-président possèdent une protection antimissiles sol-air, mais également une protection contre les menaces d’intrusion informatique type piratage. Leur niveau de communication est là aussi très élevé. Outre les habituels liaisons encryptées les VH-92A possèdent une chaîne VVLF, c’est à dire à très très basse fréquence. Le président américain peut ainsi communiquer avec les sous-marins en plongée ou encore avec les bombardiers stratégiques.

Toute cette débauche de technologie aurait normalement dû envoyer les VH-3D au musée. Et pourtant fin 2025 dix étaient encore en dotation ainsi que six VH-60N. La raison est à chercher à la Maison-Blanche. Le Président des États-Unis d’Amérique Donald Trump boude le VH-92A Patriot. Il lui préfèrent largement le VH-3D. Et selon plusieurs médias américains la raison serait ergonomique. Il ne se sentirait pas bien à bord de cet hélicoptère au plafond… trop bas. Donald Trump mesure 1 mètre 91 et visiblement ce genre de grande taille n’a pas été pris en compte quand la cabine a été dessinée.
Il est à signaler que les deux Patriot de présérie ont été pris en compte par l’US Marines Corps fin 2024 sous la désignation de CH-92A et assurent des missions d’entraînement avancé et de transformation opérationnelle. Ils ne possèdent aucun aménagement particulier à l’arrière.

Les déboires de la taille du président Trump peuvent-ils se reproduire dans l’avenir ? Sans doute. En fait le Sikorsky VH-92 Patriot est la démonstration que sur ce genre d’hélicoptères tout est question de détail. Même un aussi anecdotique que les mensurations présidentielles. Rappelons que ce Patriot n’a pas été exporté et ne le sera sans doute pas, même si un S-92 Superhawk vole au sein de la Republic Of Korea Air Force comme transport présidentiel. Il n’a rien à voir avec la monture de l’escadrille HMX-1.