Les Missile Fighters de l’US Navy.

Ce contenu est une partie du dossier thématique : Histoire de l’aéronavale

Lorsqu’en septembre 1962 l’US Navy réaligna ses désignations sur celles de l’US Air Force on vit apparaitre d’étranges McDonnell MF-3B Demon et North American MF-1C Fury. Que pouvait bien vouloir dire ce M placé avant la lettre F de Fighter ? La logique voudrait que cela soit pour Miscellaneous comme actuellement avec l’hélicoptère Sikorsky MH-60T Jayhawk ou encore avec l’avion de transport Lockheed MC-130E Combat Talon dans les années 1970. La réalité est bien différente puisqu’ici la treizième lettre de notre alphabet veut dire Missile et indique des avions dont le seul armement réside dans deux à quatre missiles air-air. Présentons donc ces mystérieux Missile Fighters.

La roquette, l’arme principale des chasseurs de l’US Navy jusqu’à l’avènement des missiles air-air.

L’apparition à partir de 1956 des missiles air-air AIM-7 Sparrow à moyenne portée et AIM-9 Sidewinder à courte portée allait réellement révolutionner la défense aérienne aux États-Unis. Alors que l’US Air Force voulut en faire sa seule chasse gardé l’US Navy réussit à faire accepter au Congrès et surtout au Pentagone qu’elle avait également besoin elle-aussi de telles munitions pour son aviation embarquée. À cette époque ces deux missiles étaient respectivement désignés AAM-7 Sidewinder et AAM-2/AAM-3 Sparrow dans les rangs de l’aéronavale américaine.
Avoir l’accord de Washington DC était une chose mais posséder des chasseurs embarqués dotés de tels missiles en était une autre.

Surtout à l’époque la doctrine navale d’emploi des chasseurs dotés de missiles air-air était telle que ces avions ne pouvait pas posséder d’autres armements. Canons-mitrailleurs et mitrailleuses étaient donc proscrits tout comme les roquettes air-air et air-sol pourtant très présents. L’US Navy entreprit alors de rechercher le ou les modèles d’avions susceptibles d’emporter un tel armement sous un délai très bref.
En fait chacun des avionneurs américains s’étaient déjà, souvent dans son propre coin, lancés dans de telles études. Certains avaient conclu que leurs chasseurs étaient capables d’emporter et de tirer des missiles air-air et d’autres non.

L’un des meilleurs binômes de chasseurs embarqués aux États-Unis était alors les Grumman F9F-5 Panther et F9F-6 Cougar. Les amiraux américains croyaient alors dur comme fer que ceux-ci pourraient être modifiés afin d’emporter chacun entre deux et quatre missiles. L’AAM-3 Sparrow avait à cette époque leurs faveurs, bien plus que l’AAM-7 Sidewinder plus léger. Pourtant au Navy Yard on déchanta bien vite quand les responsables de Grumman firent savoir que les essais réalisés quelques mois plus tôt avaient démontré l’inefficacité de ces deux chasseurs dans les missions avec missiles air air. En fait l’avionneur travaillait sur un armement à quatre AAM-7 pour son nouvel avion, le F11F-1 Tiger alors en phase finale de développement.
L’US Navy devait donc en urgence trouver des avions adaptés.

C’est pourquoi sans trop savoir si cela allait fonctionner elle demanda à Douglas et à Vought de construire le plus vite possible un lot chacun de tels avions à partir respectivement le F3D-1 Skyknight et le F7U-3 Cutlass. À chaque fois c’est le missile AAM-3 Sparrow qui devait représenter l’armement des chasseurs. Douglas produisit ainsi douze F3D-1M et Vought cinquante F7U-3M. Les premiers entrèrent en service en décembre 1957 et les seconds en février 1958. Dans la foulée Vought proposa de reconstruire quarante-huit avions supplémentaires, à sa charge, à partir de F7U-3 d’origine en attente de livraison. Le Pentagone accepta évidemment. Afin de ne pas demeurer en reste vis-à-vis de son concurrent Douglas proposa de modifier seize F3D-2 en F3D-2M.

La VMF(AW)-542 Tigers fut la seule unité du corps des Marines à voler sur F3D-2M Skyknight.

En fait l’avionneur avait en tête un double projet beaucoup plus ambitieux. Il prenait la forme de deux avions distincts, alors connus uniquement D-776 et comme D-790. Le programme était appelé Missileer et s’appuyait dans le premier cas sur une version profondément agrandie et dotée d’une motorisation plus puissante du F3D Skyknight tandis que le second dérivait du bombardier embarqué A3D-2 Skywarrior. Point d’AAM-3 Sparrow ou d’AAM-7 Sidewinder les deux Missileer avaient été conçu autour de l’AAM-10 Eagle, un missile air-air longue portée très ambitieux. Le D-776 devait en emporter six et le D-790 huit. Malgré une avionique élaborée par Bendix le programme ne suscita pas un gros intérêt du Pentagone qui n’y alloua que le strict minimum : 10 000 dollars US.

La raison était simple : deux avionneurs se trouvaient déjà en embuscade. Leurs avions allaient être beaucoup plus rapidement disponibles afin de suppléer aux Douglas F3D-1M/-2M Skyknight et aux Vought F7U-3M Cutlass. Quatre vingt McDonnell F3H-2M Demon et le même nombre de North American FJ-3M Fury étaient déjà en cours de livraison en cette fin d’année 1959. Si le premier conservait le missile Sparrow comme arme de base le second faisait entrer le Sidewinder dans la danse. Là les avioniques étaient également beaucoup plus évoluées. À tel point même que début 1960 les Vought F7U-3M Cutlass commencèrent à quitter le service actif. En juin plus un seul ne servait dans l’US Navy, après une carrière fulgurante d’à peine deux ans.
Tout comme Douglas avec son projet Missileer et Grumman avec son F11F-1 Tiger McDonnell affûtait ses armes autour de son ambitieux F4H-1 Phantom II. Et lui aussi avait été ab-initio pensé pour adopter des missiles AAM-3 Sparrow et AAM-7 Sidewinder. En fait les Missile Fighters se révélaient déjà n’être que des avions de transition.

Bien qu’ici désarmés les points d’emport sous voilure de ce F3H-2M Demon ne laissent aucun doute sur l’armement pour lequel ils sont prévus.

En opérations ils assuraient surtout les missions de protection des porte-avions américains, notamment en Atlantique nord et dans le Pacifique. Leurs quatre missiles AAM-3 Sparrow par chasseurs maintenaient les avions et hydravions de patrouilles des forces soviétiques à bonne distance. Moscou avait bien compris l’adage populaire : «Qui s’y frotte s’y pique». D’autant que son aviation navale était à mille lieux de disposer de chasseurs capables de riposter aux F3H-2M Demon et aux FJ-3M Fury. Washington DC avait gagné, sa chasse embarquée était la plus lourdement armée de son temps. La Marine Nationale et la Royal Navy n’avaient alors pas encore les moyens de jouer dans la même cour.

En septembre 1962 donc les derniers Douglas F3D-1M et F3D-2M devinrent des MF-10A et MF-10B. Deux mois plus tard ils quittaient à leur tour le service actif. De leurs côtés les «nouveaux» McDonnell MF-3B Demon et North American MF-1C Fury eurent un peu plus de temps. Finalement à l’été 1964 les missiles désormais désignés AIM-7 Sparrow et AIM-9 Sidewinder avaient fait leur apparition sur la quasi totalité des nouveaux chasseurs américains, et même sur les tous nouveaux avions d’attaque Douglas A-4F Skyhawk. Les Missile Fighters n’avaient plus d’utilité. Leur aventure se termina là.

Sur ce MF-1C Fury le missile air-air AIM-9 Sidewinder en bien visible sous voilure.

La lettre préfixe M pour Missile disparut en même temps que les Missile Fighters. La logique du tout missile air-air allait causer de grands torts à l’US Navy durant la guerre du Vietnam face à des chasseurs Mikoyan-Gurevich MiG-19 Farmer et surtout MiG-21 Fishbed de facture soviétique. Eux aussi emportaient de telles armes avec cependant en plus des canons-mitrailleurs très adaptés aux dogfights, les combats rapprochés. L’échec de cette logique du tout missile conduisit l’aéronavale américaine à repenser toute sa doctrine de chasse embarquée. L’US Naval Fighter Weapons School fut conçue en ce sens. Nous la connaissons surtout sous le nom de Top Gun !

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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