L’échec oublié du Grumman XTB2F

Beaucoup de programmes aéronautiques furent stoppés en 1945 en raison de la fin de la guerre. La diminution drastique des crédits alloués aux matériels militaires était alors telle que la majorité des avions, mais aussi plusieurs hélicoptères, alors en cours de développement fut tout bonnement abandonnée. Pourtant alors que plusieurs étaient de très bons aéronefs quelques programmes nettement moins réussis furent annulés, à l’image de celui du bombardier torpilleur bimoteur embarqué Grumman XTB2F, un avion trop ambitieux pour les technologies de l’époque. Retour sur un de ces avions qui ne vola jamais, et pour lequel on ne peut que s’en féliciter.

C’est au début de l’année 1944 que l’état-major de l’US Navy fit savoir qu’il recherchait un nouveau bombardier-torpilleur destiné à opérer sur ses futurs porte-avions de classe Midway. Les deux premiers bâtiments de ce type étaient alors en cours d’assemblage : le futur USS Midway (CV-41) alors en construction aux chantiers Newport News Shipbuilding en Virginie et le futur USS Coral Sea (CV-42) construit de son côté aux chantiers du Brooklyn Navy Yard à New-York. Ce dernier était appelé à entrer en service sous le nom d’USS Franklin D. Roosevelt, après la mort de ce Président des États-Unis.

En fait pour les amiraux américains il fallait trouver un successeur au très réussi Grumman TBF Avenger, dont la critique la plus souvent faite concernait le rayon d’action jugé un peu court à pleine charge de combat. Le nouvel avion devait donc être un bimoteur. Fort naturellement c’est aux ingénieurs de Grumman que fut demandé de concevoir l’avion en question.

Et fort est de constater qu’ils ne réussirent vraiment pas la tâche qui leur était imposée. En premier lieu il fallait trouver une équipe disponible, ce qui n’était pas évident entre les programmes de modernisations des avions en service à ce moment là et les programmes de développement d’avions à réaction alors très à la mode aux États-Unis. Mais finalement quelques ingénieurs furent réunis et on leur confia la mission de développer ce futur Grumman G-55, alias XTB2F dans la nomenclature alors en vigueur au sein de l’US Navy.

L’une des premières idées de l’équipe, qui disposait d’une liberté et d’une latitude totales, fut d’installer un gros canon de 75mm dans le nez de l’avion. Pourtant le retour d’expérience du North American B-25G Mitchell aurait dû leur démontrer toutes les limites de cette puissante arme sur un avion de combat bimoteur. Ou pas.

Mais surtout c’est sur le mécanisme de repliage des ailes (le XTB2F devait servir sur porte-avions ne l’oublions pas) que les ingénieurs semblent avoir fait preuve de la plus grande imagination. Pas forcément d’ailleurs à très bon escient. Au niveau des moteurs l’aile se repliait sur l’arrière par un mécanisme des plus complexes. Des études sur maquettes à l’échelle 1/2 démontrèrent que sur les avions de série il faudrait environ 15 minutes pour replier les deux ailes sur le pont d’envol, en mobilisant les deux membres d’équipage et plusieurs personnels du pont d’envols. Mais ce facteur ne sembla pas freiner les ardeurs des ingénieurs de Grumman. Il faut dire qu’en octobre 1944 l’US Department of War avait alloué un crédit supplémentaire d’un million de dollars (une somme assez confortable à l’époque) pour le développement du futur bombardier-torpilleur.

Sur ce cliché l'aile repliée du XTB2F apparaît clairement.
Sur ce cliché l’aile repliée du XTB2F apparaît clairement.
Quand 1945 arriva, il n’y avait cependant toujours pas de prototype. Aussi dans l’urgence la direction de l’avionneur ordonna qu’on assemble une maquette à l’échelle 1 de l’avion, dotée des deux moteurs en étoile Pratt & Whitney R2800-22 Double Wasp prévus, de l’armement envisagé, et surtout des mécanismes de repliage des ailes et d’escamotage du train d’atterrissage. Seulement voilà il ne s’agissait pas d’un prototype mais bien d’une maquette : ce XTB2F n’avait aucun système électrique ou hydraulique, aucun réservoir de carburant, et encore moins de cockpit équipé. En gros c’était une superbe coquille de noix vide.

Et ça les amiraux américains s’en rendirent rapidement compte. D’autant qu’après l’armistice signé par l’Allemagne nazie en mai 1945 l’effort de guerre se concentra rapidement sur le Pacifique : il fallait faire plier l’empire japonais. Et jamais le Grumman XTB2F ne serait prêt à temps pour être engager au combat.

Quand les deux bombes atomiques explosèrent sur Hiroshima et Nagasaki le programme du bombardier-torpilleur bimoteur n’avait pas vraiment avancé, en raison notamment de retard dans l’intégration des deux moteurs en étoile. Alors quand quelques jours plus tard le Japon signa son acte de reddition, mettant de facto fin à la Seconde Guerre mondiale, le ciel s’assombrissait encore plus pour l’avion.

Au final le programme du Grumman XTB2F fut stoppé en octobre 1945, soit pile un an après avoir reçu une enveloppe de rallonge, pour raison de retour à la paix. Mais il ne s’agit pas là du seul facteur en cause. L’arrivée programmée du futur Grumman AF Guardian fut aussi une des raisons de cet abandon.

Bien entendu le Grumman XTB2F n’est pas le seul avion militaire abandonné avant son premier vol, il n’empêche pas qu’il reste un des nombreux gouffres financiers pour le contribuable américain durant la première moitié des années 1940. 

Il est intéressant de voir qu’une partie de son équipe de conception participa par la suite à celle du S2F Tracker autre bimoteur embarqué, beaucoup plus réussi celui-là.

Photos © US Navy.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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