Que représente réellement l’aviation du maréchal Haftar ?

C’est la guerre civile vers laquelle la plus part des yeux du monde se tournent actuellement. Ce lundi 8 avril 2019 l’aéroport international de Mitiga, dans la banlieue est de Tripoli, a été la cible d’un raid aérien mené par les forces du maréchal Khalifa Haftar. La question qui se pose actuellement est de savoir de quels moyens aériens ce haut gradé séditieux dispose vraiment ? Une chose semble sûr : le bombardement en question aurait détruit plusieurs aéronefs civils et militaires et causé la mort d’au moins six personnes.

C’est au petit matin, que l’attaque a été menée. Elle concerne au moins deux avions appartenant à l’Aviation Nationale Libyenne c’est la branche de la force aérienne libyenne tombée entre les mains de Khalifa Haftar. Les versions des différents témoins divergent ensuite entre elles concernant le type d’avion engagé.
Il est bon de passer en revue les moyens officiellement reconnus comme appartenant ou dont les pilotes ont fait allégeance à ce maréchal : six Aero L-39Z, deux Dassault Mirage F1ED, six Mikoyan-Gurevitch MiG-21 Bis, deux Mikoyan-Gurevitch MiG-23ML, et un Sukhoi Su-22MK. C’est à dire près d’environ 75% des moyens de combat aérien actuellement en état de vol dans ce pays ! En outre son aviation posséderait des hélicoptères. Il s’agit d’un Mil Mi-2, deux Mil Mi-24D, et deux Mil Mi-171. Ces derniers sont quasi flambants neufs puisqu’ils ont été livrés par la Russie au gouvernement libyen fin 2017.

Selon toutes vraisemblances c’est le Su-22MK appuyé d’un Mirage F1ED qui ont mené ce raid aérien contre l’aéroport de Mitiga. Ici point de bombe à guidage laser ou de munition de précision, il s’agit d’une frappe à l’ancienne : bombes lisses, salves de roquettes, et mitraillage au canon. Mais les résultats sont là : trois jets d’appui aérien Soko G-2 Galeb, deux avions d’entraînement SIAI-Marchetti SF-260, et deux hélicoptères (dont sûr un Boeing-Vertol CH-47C Chinook) détruits ou fortement endommagés.
Deux avions de ligne semblent aussi avoir été la cible des tirs : un Airbus A319 d’Afriqiyah Airways et un Boeing 737-400 de Buraq Air. La première est la compagnie aérienne étatique libyenne tandis que la seconde est un transporteur spécialisé dans les vols charters, notamment à destination des lieux saints musulmans.

Pour les passionnés d’aviation militaire l’aéroport de Mitiga est loin d’être un inconnu. De 1947 à 1969 l’US Air Force l’utilisa comme plateforme opérationnelle en Afrique du Nord sous l’appellation de Wheelus AFB. Il s’agissait en réalité d’une ancienne base de la Seconde Guerre mondiale utilisée d’abord par la Regia Aeronautica et la Luftwaffe, puis par la Royal Air Force, et enfin par l’US Army Air Force.
Durant la guerre froide les Américains y firent voler régulièrement des avions aussi différents que le Martin RB-57A, le McDonnell F-4C Phantom II, ou encore le North American F-100D.

Mais au fait qui est ce maréchal Haftar et de quoi est composée son armée ?
Khalifa Haftar a fait une bonne partie de sa carrière sous les ordres de Khadafi, dont il était très proche. Cet homme d’aujourd’hui 75 ans a notamment été formé dans les très hautes écoles du régime soviétique près de Moscou durant la guerre froide, c’est donc tout autant un stratège qu’un politicien.
En 1987 il est fait prisonnier avec plus de 2000 de ses soldats par les forces françaises et tchadiennes après son raid raté contre N’Djamena. Il retourne alors sa veste et entre en sédition face à son ancien ami et néanmoins dictateur. Il est forcément libéré.
Commence une période d’errance où on va le retrouver sur des plateaux de télé en Europe et aux États-Unis jusqu’à ce qu’en 2011 il rentre en Libye avec la ferme intention de renverser Khadafi. À cette époque Haftar fait beaucoup d’allers et venus entre son pays et la côte est américaine où il possède une confortable villa. Les «mauvaises langues» disent que c’est la CIA qui la lui aurait offert dans les années 1990 contre des renseignements pointus sur les forces libyennes.
En 2014 il revient en Libye pour tenter de reprendre le pouvoir, ménageant la chèvre et le chou entre les États-Unis et la Russie. Il entre en guerre ouverte avec les éléments d’Al-Qaïda présents dans la région mais accepte dans les rangs de son armée des éléments salafistes qui formeront plus tard l’embryon de Daech dans cette partie de l’Afrique. Haftar est aujourd’hui à la tête d’une armée hétéroclite formée d’anciens militaires, de touaregs, de combattants salafistes, et même de quelques mercenaires.
Les services américains et russes ont affirmé avoir rompu tous liens avec lui depuis l’an dernier et sa mise en accusation pour actes de tortures et barbarie par plusieurs tribunaux européens, dont celui de Paris.

Aujourd’hui Khalifa Haftar tente de renverser le pouvoir d’union nationale, le seul reconnu par l’ONU et les grandes puissances comme la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, et la Russie. En quelques jours ses combattants ont tué plus de 40 soldats libyens et forcé environ 3000 civils à quitter leur domicile.
À New York le Conseil de Sécurité tire le signal d’alarme, et l’hypothèse d’une résolution obligeant Haftar à cesser les combats par la force est de plus en plus probable. Washington a rappelé que l’US Navy entretenait un porte-avions et des destroyers dans la région. Les forces séditieuses libyennes sont donc à portée de missiles Tomahawk ou de F/A-18E/F Super Hornet ! Pour autant la diplomatie demeure toujours d’actualité.

Photo © Keypublishing.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

5 Responses

  1. Le maréchal Haftar a dû prendre en compte que la diplomatie serait trop lente pour contrer son offensive.

    1. Ça ressemble à un bourbier en devenir et à une belle sources d’ennuis en perspectives. Ça serait du coup dommage qu’on y envoie pas nos avions et hélicoptères, et puis quelques forces spéciales. 😉

      1. A l’époque l’ancien président Sarkozy avait des compte à régler avec Khadafi…Et puis des forces spéciales francaises il y en a déjà eu récemment en Lybie. Un ami militaire dans les renseignements a fait parti de la force Barkhane au Niger et ça leur est déjà arrivés de faire un petit détour par le sud lybien…

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