L’aviation russe veut augmenter sa flotte d’AWACS.

Il n’est évidemment nullement question pour Moscou de commander d’avions occidentaux, Boeing et Northrop-Grumman n’ont aucune chance de placer leurs avions sur ce marché. L’état-major de la force aérienne russe vient de lancer un vaste plan visant à augmenter largement sa capacité actuelle C3 au travers d’une nouvelle flotte d’avions AWACS. Il faut dire qu’actuellement il lui est impossible de couvrir quotidiennement l’immensité du territoire russe et donc d’assurer la sécurité du pays. Les avionneurs Beriev et Tupolev sont les deux concernés par cette décision.

Car comme au temps de la guerre froide et du régime communiste il n’est pas exactement question à Moscou de lancer un appel d’offres. Ce n’est pas encore entré dans la culture économique et industrielle des militaires toujours très attachés à une forme extrême de centralisation. C’est pourquoi les deux constructeurs ont été chargés de ce chantier, non pas en commun mais chacun dans son coin. En fait la force aérienne russe envisage d’acheter au final deux types différents d’avions de ce genre.

Pour mémoire le seul et unique AWACS actuellement en dotation en Russie est le quadriréacteur Beriev A-50, un excellent appareil dérivé de l’avion-cargo Ilyushin Il-76, mais qui commence à montrer des signes d’usures. Et ce malgré le récent chantier de refonte qui a concerné les douze avions en service. Mais celui-ci a un gros défaut que le passage au standard A-50U n’a pas su gommer : c’est un avion type C2 alors que la Russie a besoin désormais au minimum d’un C3.

Mais au fait C2 et C3, ça veut dire quoi au juste ?
Sous ces initiales on trouve des définitions (évidemment) anglophones. C2 signifie Command & Control tandis que C3 désigne la mission Command, Control & Communications. En ce sens dans les forces on ne trouve normalement plus que des avions C3 à l’image des Boeing Sentry AEW Mk-1 de la Royal Air Force. Il existe communément aujourd’hui même des avions plus perfectionnés C4 et C5.
On peut donc du coup considérer que l’aviation russe est actuellement un peu à la traîne technologiquement parlant.

Or elle a un besoin impérieux en AWACS afin de pouvoir couvrir l’immensité de son territoire et notamment le dernier territoire acquis : la péninsule ex-ukrainienne de Crimée. Depuis son annexion paramilitaire la mer Noire qu’elle borde a connu un regain d’activité de la part de l’OTAN autant que de l’Ukraine. Les survols d’avions et de drones américains de surveillance comme le Boeing P-8A Poseidon ou encore le Northrop-Grumman RQ-4A Global Hawk n’ont jamais été aussi fréquents. Et même si ces machines ne vont jamais jusqu’à pénétrer l’espace aérien souverain de la fédération de Russie ils volent suffisamment près pour déranger Moscou.

Sans compter que la Russie aimerait disposer de réels moyens de surveillance de ses voisins sans avoir à sortir de ses frontières. Avec de nouveaux AWACS plus puissant il serait possible en outre d’avoir à l’œil l’enclave de Kaliningrad sans être obligé à chaque fois de mettre en alerte la chasse atlantiste autour des trois états baltes ou de la Pologne.

Les jours des douze Beriev A-50U sont-ils donc comptés ? Oui et non. Oui car clairement leur remplacement est désormais à l’ordre du jour et non car leurs successeurs sont loin d’être capables d’entrer en service. L’un d’eux d’ailleurs n’existe même pas actuellement.
Si l’on peut raisonnablement penser que le nouveau Beriev A-100, basé sur l’Il-76MD-90A de dernière génération, a toutes les chances d’entrer en service entre 2020 et 2022 il en est tout autrement de l’avion de Tupolev.

En effet le concepteur du génial Tu-126 de la guerre froide se relance sur le marché des AWACS après plusieurs décennies d’absence. Mais point de quadriréacteur comme chez Beriev on va concevoir chez Tupolev cet aéronef à partir de l’avion de ligne Tu-214. Ce dernier est un dérivé du Tu-204 conçu à la toute fin de l’ère soviétique en réponse à la fois au Boeing 757 dont il est esthétiquement très proche mais aussi à l’Airbus A320 alors émergent.
Malheureusement jamais il n’eut le succès du premier et encore moins du second.

En fait le Tupolev Tu-214 est loin d’être un inconnu pour les militaires russes puisqu’ils l’utilisent déjà (en assez petit nombre) comme avion-espion en tant que Tu-214R et en poste de commandement aéroporté comme Tu-214PU, Tu-214SR, et Tu-214SUS. Sans compter évidemment les deux plus célèbres : les Tu-214ON destinés à la mission internationale Open Skies de contrôle des désarmements.
Reste à savoir sous combien d’années cet avion pourra être disponible et son type de radar embarqué : rotodôme comme l’A-50U et l’E-2 Hawkeye américain, ou bien radar à ouverture synthétique latérale à l’image du E-99 brésilien.

Quoiqu’il en soit le programme russe semble très ambitieux et dessine les contours d’une force aériennes aux ambitions renouvelées, et plus uniquement dans la vitrine d’avions de chasse ultra-performants mais finalement quasi invisibles sur les théâtre d’opérations extérieures.

Photo © OTAN.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

10 Responses

  1. Pourquoi Poutine n’utilise pas plutôt son Illiouchine IL96 pour faire un AWACS? C’est un long courrier gros porteur.

  2. Et pourquoi pas des avions occidentaux, après tout on à bien failli leur vendre des Mistral avant la crise ukrainienne.

    1. on peut pas pour des raisons diplomatique (oncle sam entre autre).
      concernant les mistrale, ils ont été vendu à l’égypte

      1. Je pense que le commentaire de Wardog1 était à prendre au second degré, c’est un fin amateur des questions aéronautiques et un de nos fidèles lecteurs et commentateurs.

        1. Quand on y pense les russe équipent entièrement leur forces armée de materiel local, il ne me semble pas avoir vu de materiel étranger dans leur inventaire, ni européen, ni américain, meme les chinois ont quelques équipement venant d’Europe ou meme des usa.

        2. En fait si les Russes achètent un peu de matériels militaires étrangers mais de manière très discrète. Il y a deux ans leur aviation a commandé 35 bimoteurs légers d’entraînement intermédiaire et avancé Diamond DA42T de facture autrichienne. Par ailleurs on sait que les forces spéciales russes ont acheté l’an dernier un lot de pickups Ford Ranger auprès d’un fournisseur occidental, le marché fait l’objet d’une enquête actuellement de la part de la justice américaine pour en connaître les origines. On remarquera au passage qu’ils n’ont pas acheté le véhicule 4×4 américain le plus performant du marché.
          Mais en effet ces achats « étrangers » demeurent très marginaux pour la Russie.

    2. On parle de la Russie quand même, pas du Portugal ou de la Nouvelle Guinée, ils ont les compétences, l’industrie et les ingénieurs pour fabriquer du matériel de pointe et surtout la volonté politique de ne pas reposer sur une autre nation pour leurs propre défense. L’armée de l’air russe possède néanmoins 3 Falcon 7X pour le transport de hautes personnalités et aussi des avions tchèques comme le L39 albatros ou le Let 410 mais je vous l’accorde ce pays appartenait au pacte de Varsovie, c’est comme si c’était fabrication maison.

  3. Je connaissais C2, C3, C4, C4ISR et jusqu’à C4ISTAR (Computerized Command, Control, Communications, Intelligence, Surveillance, Target Acquisition and Reconnaissance). Mais pas C5.
    Pour ma culture, pouvez vous m’indiquez à quoi C5 correspond ?
    Merci

    1. C5 signifie Command, Control, Communications, Computers, & Collaboration. Il existe aussi des C5I pour Command, Control, Communications, Computers, Collaboration & Intelligence.

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