La décennie qui a vu le Dassault Aviation Rafale gagner le cœur des Français.

Nicolas Sarkozy, François Hollande, ou Emmanuel Macron : lequel des trois présidents qui ont dirigé la France a exporté le Dassault Aviation Rafale en premier ? Car c’est bien durant la décennie 2010-2019 que l’avion a connu ses trois (premiers) succès à l’export mais également quelques bides. Dix années durant lesquelles le Rafale a su marquer les Français et s’imposer auprès d’eux comme d’autres avions de combat auparavant. Mais une décennie au cours de laquelle les médias se sont bien plantés aussi dans leur traitement de cette machine.

Au 1er janvier 2010 donc Nicolas Sarkozy est Président de la République depuis deux ans et demi. Dans les couloirs de l’Élysée on s’active pour tenter de vendre le dernier né des avions de combat français. Car c’est une spécificité bien française : Dassault Aviation ne négocie jamais seul la vente de ses avions d’armes, mais toujours sous la houlette du palais. Et le sixième président de la cinquième république ne fait pas exception, lui aussi essaye de placer l’avion, comme son prédécesseur avant lui : Jacques Chirac. Et comme lui il va s’y casser les dents. Pourtant Sarkozy a failli réussir avec le Brésil… qui lui a préféré le monoréacteur suédois Saab Gripen. Pour la petite histoire les premiers Gripen brésiliens ne seront pas opérationnels avant plusieurs mois, au plus tôt en juin ou juillet 2020.

Lorsque le 15 mai 2012 François Hollande lui succède à la tête de l’état le Rafale est devenu une sorte d’épine dans le pied présidentiel. Certains diraient même qu’il était comme le sparadrap du Capitaine Haddock. Le truc invendable mais que le Président de la République se doit de vendre. Et assez étrangement le septième président de la cinquième république va s’y atteler de pied ferme. À la différence près que ne voulant pas d’une hyper-présidence comme Sarkozy, Hollande décide de copiloter le dossier Rafale avec son ministre de la défense (et ami) Jean-Yves Le Drian. Cet homme de réseaux va tisser des liens étroits avec Dassault Aviation et plusieurs pays intéressés par le Rafale. Et ça se passe moyennement bien. Le Drian travaille beaucoup avec quatre pays du monde arabo-musulman : l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, le Koweït, et le Qatar. En parallèle l’Élysée pilote le programme de vente à l’Inde, une sorte de gros imbroglios initié sous Sarkozy et annulé sous Sarkozy puis revenu sur le devant de la scène avec Hollande. Au final les Émirats Arabes Unis et le Koweït vont décliner l’avion mais en février 2015 l’Égypte devient le premier client à l’export du biréacteur français. Quelques semaines plus tard le Qatar lui emboite le pas.
Dans le cas de l’Inde les négociations vont ressembler à un grand feuilleton de l’été, le psychodrame en moins mais la diplomatie en plus. Le trio François Hollande, Jean-Yves Le Drian et Eric Trappier (le patron de Dassault Aviation) réussit finalement à enlever une commande ferme en septembre 2016.

Du coup quand Emmanuel Macron arrive rue du faubourg Saint-Honoré le 14 mai 2017 la malédiction élyséenne du Rafale n’existe plus. Tous les espoirs lui sont alors permis. Ils vont rapidement être douchés. En deux ans et demi de mandat l’actuel Président de la République n’a vendu «que» douze avions supplémentaires au Qatar. Et encore c’est la transformation d’une option datant de son prédécesseur. Comme Sarkozy et Hollande avant lui Macron a aussi son bide dans le dossier Rafale : le Canada. Le huitième président de la cinquième république ne déroge donc pas à la règle. Et comme ses deux prédécesseurs il pilote avec Dassault Aviation toutes les tentatives de vente du Rafale.

Des succès à l’export sont t-ils suffisants pour que l’avion gagne le cœur des Français ? Oui… et non. Dans l’esprit des Français, et fondamentalement ils ont raison : le Dassault Aviation Rafale est un avion de guerre. Le vendre à d’autres c’est bien, nous en servir pour faire ce pourquoi il a été conçu c’est encore mieux. Ça tombe bien durant cette décennie le Rafale est devenu l’aiguillon de la république. Et c’est sous la présidence Sarkozy qu’il a vraiment connu son baptême du feu : au-dessus de la Libye du dictateur Khadafi. Sur place l’avion s’est même payé le luxe de descendre un jet ennemi : un avion d’appui tactique rapproché Soko G-2 Galeb.

Et comme pour l’exportation c’est François Hollande qui lui a permis de multiplier ses actions de guerre, et donc d’éclat. En 2013 les Rafale français commencent à frapper la branche locale d’Al-Qaïda au Mali. Bientôt les biréacteurs français combattent le djihadisme partout dans le Sahel, protégeant ainsi l’Europe de la menace terroriste. Mais c’est surtout contre l’autoproclamé État Islamique au-dessus de l’Irak que les Rafale français vont faire des merveilles. Avec cette guerre ils deviendront même combat proven aux yeux du monde entier.
La présidence Macron signe la continuité de ces opérations notamment en Syrie.

La décennie met aussi en avant le Rafale comme arme du quotidien. Les avions prennent les alertes de défense aérienne et en 2019 ils remplacent définitivement les derniers Mirage 2000N dans la mission de dissuasion. Désormais les Rafale peuvent délivrer le feu nucléaire.
En quelques années ils sont également devenus les vedettes du traditionnel défilé aérien du 14 juillet au-dessus de Paris.

Tout cela mis bout à bout dessine un avion qui a réussi à gagner le cœur des Français comme jadis le Mirage III ou encore le Jaguar franco-anglais. Et pourtant ce n’était pas gagné.
On ne peut pas dire que les médias et les réseaux sociaux aient beaucoup aidé dans ce sens. À quelques très rares exceptions près (comme les quotidiens «Libération» et «Le Figaro» ou le journaliste de France 2 Julian Bugier) la majorité des médias et des journalistes sont complètement à côté de la plaque quand ils traitent de l’avion de combat de nouvelle génération de l’Armée de l’Air et de la Marine Nationale. On ne compte plus les articles où pour illustrer un Rafale on voit un Mirage 2000C voire carrément un Alpha Jet. La rigueur journalistique n’est plus ce qu’elle était.

Au final donc il aura fallu une décennie pour que les Français apprennent à reconnaitre à peu près un Rafale. Mais surtout en dix ans ils ont appris à l’aimer. Et ça, c’était pas gagner.

Photo © US Department of Defense.


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ARTICLE ÉDITÉ PAR
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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

10 Responses

  1. Très bon article Arnaud. C’est un formidable avion, mais l’Europe ne joue pas le jeu. La Pologne, la Belgique, les Pays Bas, le Danemark ont préféré jouer la carte U.S. Que peut-on faire fasse à cela ? Le Canada s’était foutu d’avance. Ils achèteront toujours à leurs cousins américains. Reste la Suisse, mais il y a beaucoup d’opposition à un nouvel avion de combat et même à avoir une armée tout court………….Je crois un peu plus à la Finlande. Les pays d’Amérique du Sud, sont en crise économique et les Américains feront tout pour pas que l’on aille sur leurs chasse gardée. Alors il faut espérer que l’Inde en commande beaucoup. A part ça, je ne vois pas qui aurait les moyens de s’en offrir.

  2. « Dassault Aviation ne négocie jamais seul la vente de ses avions d’armes »
    C’est la loi en France, seul le gouvernement peut vendre du matériel militaire.

    1. C’est comme ça dans tout les pays et c’est tout a fait normal. Aux États-Unis il faut l’accord du congrès pour exporter de l’armement et en Russie il faut passer par Rosoboronexport.

  3. Bravo, bel article, les pays de l’est de l’Europe me pourront pas acheter des avions autres qu’américains tant qu’il n’existera pas une défense européenne, le bouclier américain sera toujours pour eux la seule garantie…et comme il n’y a pas de projet européen de défense………

  4. Non, les français ne savent pas ce qu »est un Rafale, du moins 95 % ( soit 64 millions de la poulation quand même ) , seuls les initiés, les passionnés d’aéronautique, les salariés participant à sa construction, les aviateurs, ou les personnes au fait de l’actualité, sont à même de citer le  » Rafale » comme l’  » Avion de Chasse » par excellence de l’Armée de l’Air, et encore moins, à le reconnaître parmi 10 avions de chasse. ET pourquoi ? Tout simplement parce que le commun des français n’en a rien à faire du Rafale ou Mirage, dans son quotidien… encore moins actuellement ! Par contre, nous constatons, et c’est la moindre des règles pour un journaliste rigoureux, que dorénavant, dans la majorité des articles ou reportages évoquant cert avion, le ramage vaut le plumage… et c’est déjà un énorme progrès.. La présence de cet avion sur les différents théâtres d’opération de l’Armée de l’Air à l’étranger depuis de nombreuses années y est pour beaucoup dans la vulgarisation de de cet appareil dans le langage journalistique.. C’est un moindre mal pour un avion (démonstrateur) qui volait pour le 1ère fois il y a déjà 33 ans…
    Pas la peine de vous préciser que je suis un fan de cer avion..
    Bonne lecture..

  5. Le problème de la presse généraliste, c’est qu’il n’y a plus d’investigation, c’est des copier-coller des dépêches de l’AFP.
    Et quand ils font intervenir un de leurs experts, c’est la franche rigolade. Il n’y a pas eu de digne successeur à Michel Chevalet.

    1. Bien mieux (à mon sens) que Michel Chevalet, il y a Michel Polacco. Le fabuleux journaliste aéronautique de France Inter, qui intervient parfois encore sur certaines chaînes d’information en continue. Mais pour le reste je suis d’accord avec vous.

  6. Bon ben, moi je pense que c’est lors de l’intervention en Libye que le Rafale est passé réellement Combat proven aux yeux du monde entier. Non seulement, il a fait du AIR-AIR, du AIR-Sol avec tous types de bombes, de la Reconnaissance avec des vols de plus de 8H mais également depuis le porte-avions CDG dans les mêmes configurations d’action. Le Mali ou le moyen orient ont donné la preuve des missions très longues distances.
    Quant aux journaux dit généralistes, Le Figaro décrit correctement cet avion car il ne faut pas oublier que la famille Dassault est actionnaire du journal. Moi ma référence journalistique fut longtemps le Science & Vie Hors Serie spécial Bourget qui nous faisait part de l’évolution de ce très bel avion (même si c’est 1 avion de combat) quand je le compare au Typhoon, avion de même génération. Et malheureusement pour nous, le Typhoon actuellement s’est plus vendu à l’export que le Rafale.
    Longue Vie au Rafale!!!

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