Existe t-il vraiment un risque que l’aviation russe emploie des armes chimiques en Ukraine ?

C’est actuellement l’une des principales craintes de la communauté internationale suite à l’agression russe contre l’Ukraine. Alors que la guerre terrestre s’enlise un peu plus de jours en jours et que Moscou dégaine désormais ses fameux «missiles hypersoniques» l’hypothèse d’un conflit tournant à la guerre chimique n’est plus du tout fantaisiste. D’autant que deux des principaux avions d’armes employés par la Russie en Ukraine ont été développé afin de notamment pouvoir employer de telles armes. Analysons un peu les faits.

Tout d’abord il faut expliquer qu’en théorie Moscou n’emploiera aucune arme de ce genre en Ukraine ! En effet elle est signataire de la convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et sur leur destruction aussi appelée Convention de Paris du 13 janvier 1993. Ça c’était donc pour la théorie. Dans la pratique il en est tout autrement ! La Russie a depuis le début de l’ère Poutine refusé l’accès de ses supposés stocks d’armes chimiques aux inspecteurs et inspectrices de l’OPCW, l’Organisation for the Prohibition of Chemical Weapons, alors même que certains de ses membres sont justement russes. L’hypothèse selon laquelle Moscou aurait conservé un vaste arsenal chimique est plus que soutenue par la communauté internationale. L’OTAN dispose d’ailleurs d’unités NRBC spécialement formées pour enrayer la menace chimique russe.

Quelles sont les armes dont disposerait la Russie ? Là c’est la super grande inconnue. On sait juste que durant l’époque soviétique (1917-1990) les armes chimiques les plus fréquemment employées par les militaires étaient des agents innervant c’est à dire charger de bloquer les influx nerveux entre le cerveau et les organes humains. Les plus célèbres dans l’arsenal soviétique étaient alors le novitchok, le sarin et son dérivé direct le cyclosarin, le tabun, le VG et le VX. Que de belles saloperies qui tuaient leurs cibles en d’atroces souffrances sans différencier militaires et civils, adultes et enfants.
L’une des dernière utilisations avérées par l’URSS fut entre 1979 et 1989 lors de la guerre d’Afghanistan contre les moudjahidines. On aurait alors pu croire que Moscou allait s’en tenir là après la signature de la Convention de Paris.
Sauf qu’il y a eu la guerre civile syrienne et plusieurs attaques contre des populations civiles avec des stocks d’armes chimiques portant les marqueurs génotypiques de l’arsenal russe. Bon OK c’est l’armée et l’aviation du dictateur local, Bachar El-Assad, qui les ont employé mais le fournisseur ne change pas.

D’autant plus que parmi l’arsenal aérien russe présent en Ukraine figurent deux modèles d’avions d’attaque assez anciens : les Sukhoi Su-24 Fencer et Su-25 Frogfoot. Dans une aviation militaire russe usant de Su-30 Flanker-C et de Su-34 Fullback de tels avions sont presque anachroniques. Mais soit, l’US Air Force employant encore des Fairchild-Republic A-10C Thunderbolt II pourquoi pas des Fencer et des Frogfoot en Russie.
Sauf que ces deux modèles sont connus pour avoir été conçu afin de permettre l’emport et le tir des bombes non guidées FAB500ShN/FAB500ShL de 500 kilogrammes chacune et FAB250ShL de 250 kilogrammes disposant d’une charge de combat chimique.

Mis bout à bout tout cela ne prouve nullement la présence d’arme chimique russe sur le théâtre d’opérations ukrainien. Mais ça amène un faisceau d’indices qui tendrait à prouver qu’il n’en faudrait pas beaucoup au dictateur russe pour franchir ce pas supplémentaire. Après tout il a déjà menacé ses adversaires du feu nucléaire. Pour le Président des États-Unis Joe Biden le recours aux armes chimiques serait un point de non-retour. C’est dire donc si cette peur est bien présente parmi les dirigeants du monde libre, qu’ils soient en Amérique du nord ou en Europe.
L’emploi de telles armes par les forces aériennes russes contre les populations civiles ukrainiennes conduirait de facto à une mise en accusation pour Crime de Guerre.

Photo © Ministère russe de la défense.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

7 réponses

  1. On monterait vraiment d’un cran dans l’horreur de la guerre et ce serait un gros aveu d’échec pour l’armée russe. Quand on monte en niveau de violence, c’est qu’on ne peut pas continuer la guerre au niveau de violence précédent, et donc qu’on éprouve de grosses difficultés sur le terrain.

  2. Malheureusement l’accusation de crime de guerre ne ferai pas reculer Poutine, un travail de désinformation à déjà commencé avec des soit disant trouvaille d’un arsenal chimique Ukrainien. Qui veut tuer son chien, l’accuse de la rage.

  3. Bonjour
    Détruire un stock d’obus à gaz coûte très très cher. Même la France rechigne devant la dépense de construire une usine pour éliminer les obus de 14-18 que les démineurs stockent par milliers.
    Alors qu’au moment ou l’URSS s’est disloquée dans une crise économique abominable, la Russie aie mis les moyens financiers pour les éliminer est douteux.

  4. Poutine est fou et ses généraux sont lâches. Donc oui le risque NRBC existe à tous les niveaux. Je voulais savoir si les Toupolev Tu-22M3 ne pouvaient pas tirer la bombe FAB-500ShN ? Il me semblait que si.

  5. Pour ma culture générale, c’est quoi le marquage génotypique sur une arme chimique?

    1. Je vais me permettre de répondre sur le génotypage des arsenaux chimiques. C’est un concept assez nouveau apparu dans les années 2015-2016 suite aux suspicions par la CPI de l’emploi d’armes chimiques par El Assad contre ses propres populations. Le bombardement au gaz chloré contre Alep a permis aux inspecteurs internationaux de récupérer un échantillon de l’arme et de sortir son génotype, c’est à dire sa carte d’identité ADNique. Initialement cette technologie avait été développé pour les armes bactériologiques plus faciles à génotyper. Chaque arme possède son propre génotype lié notamment à l’endroit où il a été produit. C’est ainsi qu’à Alep on a pu prouvé que les Syriens s’étaient fournis auprès d’une usine russe située près de Vladivostok.
      C’est un sujet très pointu et le fait qu’Arnaud en parle montre bien que les journalistes d’Avions Légendaires ne se limitent pas à leurs seules connaissances aéronautiques. C’est aussi pour cela que j’apprécie ce blog depuis des années.

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