L’entrée de la Suède dans l’OTAN peut t-elle booster la Flygvapnet ?

À moins d’être totalement troglodyte il ne vous aura pas échappé que les menaces de la Russie contre la démocratie poussent certains pays européens dans les bras de l’alliance Atlantique. Et la plus grande surprise est venue ces derniers jours de la Suède, jusque là neutre à tout conflit, et qui a formellement acté sa demande à rejoindre l’OTAN. Du coup on peut clairement se poser la question de l’adaptation de sa force aérienne aux normes et aux tactiques atlantistes. Et le moins qu’on puisse dire c’est que l’acclimatation devrait être très rapide.

D’abord il faut souligner, rappeler en fait, que la Flygvapnet est en 2022 une des forces aériennes parmi les plus cohérentes d’Europe. Malgré une superficie de presque 450 000km² (soit les quatre cinquièmes de la France métropolitaine) elle n’abrite que dix millions et demi d’habitants. La Suède est donc un pays largement désertique, au sens premier du terme. Avec 23 habitants par kilomètres carrés sa densité est quatre fois moindre qu’en France et neuf fois moins qu’en Allemagne. Autant donc le dire les Suédois ont de la place. En outre ils cultivent une neutralité vis-à-vis des conflits qui remonte à 1905. Leur entrée prochaine dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord a donc été pour beaucoup une surprise. Pour autant des signaux existaient déjà depuis quelques temps allant en ce sens.

D’abord la chaîne de défense aérienne suédoise, reposant en grande partie sur des stations de radars tridimensionnels, a appris à communiquer avec l’OTAN depuis la fin des années 1990. L’émergence en 2007-2009 d’une puissance russe de nouveau expansionniste a encore accru ce travail en commun. Dorénavant il n’est pas rare que la Suède prévienne ses alliés atlantistes de l’approche d’avions russes jugés hostiles, principalement en mer Baltique.
En outre la Flygvapnet est depuis 2008 membre de l’initiative SAC, pour Strategic Airlift Capability. Elle peut donc avoir recours à ses Boeing C-17A Globemaster III basés à l’année en Hongrie.
Suédois et forces atlantistes collaborent donc depuis quelques années maintenant, l’intégration n’étant qu’une question presque administrative. En outre Stockholm a signé au cours des ans des accords de défense plus ou moins poussés avec des pays otaniens comme l’Allemagne, le Danemark, ou encore la Grande Bretagne.

Sur la question très atlantiste de la cohérence la Flygvapnet est assez efficace. D’abord elle aligne des chasseurs de génération 4.5, comparables donc à ce qu’on peut retrouver en Espagne ou en France. Ses monoréacteurs SAAB JAS 39C/D Gripen de facture indigène ont cependant les pattes un peu courtes pour participer pleinement aux missions internationales de l’OTAN. Ils sont pourtant parfaitement répartis sur le territoire suédois pour en assurer la défense, à la fois contre les menaces aériennes autant que celles venant de la surface. En l’absence d’aéronavale c’est en effet à la force aérienne que revient la charge de la lutte anti-navire. Les Gripen monoplaces y sont adaptés, même si ce n’est pas leur mission de base.

Ensuite la force aérienne suédoise dispose d’une composante de renseignement aéroporté et de veille radar certes modeste mais bien réelle. Un véritable atout pour une OTAN toujours à la recherche de données sur l’adversaire… russe. Pour ne pas dire l’ennemi désormais. Ses deux SAAB S-100 Argus sont des AWACS compacts et rustiques mais largement adaptés aux besoins suédois tandis que les deux Gulfstream G.IV de reconnaissance stratégique SIGINT représentent des avions espions bons marchés et encore très efficaces malgré leurs plus de 25 ans de service actif.
Sans compter que la Flygvapnet aligne quelques drones de surveillance de facture américaine et israélienne.

En fait son parent pauvre c’est la projection. Elle n’aligne qu’une demi-douzaine de C-130H Hercules de transport tactiques dont l’un a été modifié dans les années 1990 au standard KC-130H de ravitaillement en vol. Pour le reste deux SAAB 340 assurent le transport de personnels et les évacuations sanitaires. Pas de quoi fouetter un chat, et surtout pas de quoi permettre de soutenir les actions atlantistes.
Mais l’entrée dans l’OTAN de la Suède lui ouvrira forcément des opportunités auprès d’Airbus DS et de Lockheed-Martin afin de se rapprocher des A330 MRTT et C-130J/J-30 Super Hercules. Des avions avec lesquels les aviateurs suédois vont devoir s’habituer à interopérer ! Et donc sans doute à terme à acquérir.

Car l’OTAN c’est aussi ça : un énorme marché commun de la défense ! Et l’entrisme du complexe militaro-industriel américain y est de plus en plus mis à mal par le groupe européen Airbus. Les réussites, notamment britanniques, de l’A330 MRTT sur le Boeing KC-46 Pegasus en sont une preuve évidente. Les Suédois vont pouvoir bénéficier des financements otaniens tout en ayant la possibilité que leurs productions accèdent plus aisément aux marchés «intérieurs» de l’alliance.

Vous l’aurez donc sans doute compris l’entrée de la Suède dans l’OTAN n’aura sans doute rien de révolutionnaire sur un strict plan militaire pour les forces aériennes suédoises. Diplomatiquement parlant c’est une autre question. Et par effet de ricochet la Flygvapnet va devoir s’adapter à la fin progressive de la neutralité suédoise.
Affaire donc à suivre.

Photo © ministère suédois de la défense.

NDLR : Un article similaire sur les enjeux concernant la Finlande, qui rejoint elle-aussi l’OTAN vous sera proposé dans les jours à venir.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

2 Responses

  1. Les gripen E et F ne sont pas encore entrés en service dans la Flygvapnet ?
    L’appareil ne manque pas d’atouts, une capacité notamment à se disperser et opérer sur des tronçons de route avec des équipes réduites (c’est très tendance).

  2. Pour un pays de seulement 10 millions d’habitants, la Suède possède une remarquable industrie de l’armement assez hétérogène. Elle conçoit et produit la plupart de ses équipements lourd : blindés, chasseurs, navires de guerre et sous-marin. Espérons pour eux que celà ne disparaisse pas avec son intégration à l’OTAN à cause d’équipements qu’ils se feraient imposer.

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