Bordée par les mers du Japon et des Philippines ainsi que par l’océan Pacifique l’archipel nippon avec ses quatre îles principales (Hokkaidō, Honshū, Shikoku et Kyūshū) et sa myriade d’îles et îlots est un territoire qui a toujours été particulièrement complexe à défendre. Dès la capitulation d’août 1945 le Japon a été placé sous occupation militaire des États-Unis, ratifiée officiellement sous la forme d’accords de défense. Cependant depuis juillet 1954 et la création de la Kōkū Jieitai, aussi connue comme Japan Air Self-Defense Force, les Japonais ont retrouvé une forme de souveraineté qui leur permet ainsi se défendre en partie par eux même. Ce qui a permis l’émergence d’une chasse reconnue comme une des plus efficaces de la planète dont la monture principale aura été des années 1980 aux années 2020 le Mitsubishi F-15J Eagle.
C’est en 1975 que le gouvernement japonais se mit officiellement en quête d’un nouvel intercepteur de défense aérienne. Cette fonction reposait alors sur de vieillissants Lockheed F-104J Starfighter et sur des Mitsubishi F-4EJ Phantom II un peu plus récents. Le futur appareil allait devoir immédiatement remplacer le premier et dans un deuxième temps le second. Les autorités choisirent de ne pas se cantonner aux seules machines américaines et ouvrirent la compétition aux avionneurs d’Europe occidentale. L’idée était cependant qu’une construction locale sous licence Mitsubishi ait lieu avec la possibilité de japoniser le vainqueur.
Une dizaine d’avant-projets fut proposée à la Kōkū Jieitai qui choisit d’en analyser réellement sept. Il s’agissait des avions américains General Dynamics YF-16 Fighting Falcon, Grumman F-14 Tomcat, McDonnell F-15 Eagle, et Northrop YF-17 Cobra. Concernant les avions européens on retrouvait le Dassault-Breguet Super Mirage 4000, le Panavia Tornado IDS, et le Saab J-37 Viggen. Un premier écrémage eut lieu en éliminant les monoréacteurs et les modèles inadaptés, les pilotes ayant très sérieusement indiqué leur volonté de voler sur un biréacteur avant tout destiné à la chasse. Ensuite les constructeurs refusant la production sous licence furent eux aussi rejetés pour qu’au final la compétition tourne entre Grumman, McDonnell, et Northrop.
En avril 1978 après des séries de vols d’essais réalisés aux États-Unis le F-15C/D Eagle fut officiellement déclaré vainqueur et un protocole d’accord vit le jour entre McDonnell-Douglas et Mitsubishi. Il avait été calqué sur celui qui donna naissance au F-4EJ Phantom II. Sauf que cette fois le concept de japonisation allait pouvoir être portée à son paroxysme.
Un temps McDonnell-Douglas voulut que les avions soient désignés F-15CJ et F-15DJ avant que la Kōkū Jieitai ne tranche en faveur de F-15J et F-15DJ. Ils conservèrent leur patronyme d’Eagle.
La plus part des entreprises japonaises du secteur défense purent obtenir des licences de productions autour de l’avion. Guerre électronique, motorisation, ou encore protection antimissiles tout ou presque pouvait être produit localement. Cependant le protocole d’accord initial prévoyait que sur les 203 monoplaces commandés les deux premiers, les avions de présérie, soient assemblés aux États-Unis. Pourtant c’est bien sur les biplaces en tandem de transformation opérationnelle que McDonnell-Douglas chercha le plus possible à garder la main. Initialement l’avionneur américain devait assembler quinze des vingt F-15DJ commandés, chiffre ramené en 1982 à douze exemplaires.
D’aspect extérieur rien ou presque rien ne différenciait un F-15J de la Kōkū Jieitai d’un F-15C de l’US Air Force. Cependant le système d’alerte radar et la chaîne interne de contremesures électroniques furent remplacés par des équipements de conception japonaise. Alors que les exemplaires américains évoluaient alors avec des radios exclusivement UHF la version japonaise y ajouta une capacité VHF cependant que la liaison 16 propre aux machines de l’OTAN ne fut pas montée. Niveau armement les deux versions étaient identiques avec le même canon mitrailleur interne M61 Vulcan de calibre 20 millimètres et les mêmes missiles air-air AIM-7 Sparrow à moyenne portée et AIM-9 Sidewinder à courte portée.
C’est à la date anniversaire du 7 décembre 1981, quarante ans jour pour jour après Pearl Harbor, que le Hikotai 202 fut la première unité de chasse de la Kōkū Jieitai à voler officiellement sur Mitsubishi F-15J Eagle. À cette époque cet avion damait largement le pion aux Sukhoi Su-15 Flagon et Yakovlev Yak-28 Firebar que l’URSS alignait en face. De la même manière les Shenyang J-6 Farmer-D chinois ne tenaient nullement la comparaison avec lui. En fait dans les années 1980 ce sont bien les F-15J qui dictèrent aux Chinois et aux Soviétiques quels avions ils devaient leur opposer, phénomène qui se reproduisit la décennie suivante avec les mêmes Chinois mais cette fois ci les Russes. Et forcément les équipements de l’avion japonais furent modernisés tout au long de ces deux décennies.
Les années 1980-1990 furent intenses en décollages en alerte pour les pilotes de F-15J Eagle. Le résultat fut non seulement que ces avions interceptaient fréquemment les appareils chinois et soviétiques/russes mais aussi qu’ils connurent un degré élevé d’accidents. D’octobre 1983 à novembre 1995 huit avions furent perdus en opérations, causant la mort de quatre pilotes et d’un navigateur. Les autorités japonaises n’eurent de cesse durant cette période d’augmenter la sécurité à bord et de mieux former les personnels.
L’aube du 21e siècle ne fut pas synonyme de fin de carrière pour lui, loin de là. Le Mid-Term Defense Program permit en 2004 de moderniser en profondeur le F-15J. Désormais les missiles AIM-7 et AIM-9 laissèrent la place à respectivement des AAM-4 et AAM-5 de conception et de fabrication 100% japonaise. Surtout désormais l’aviation chinoise représentait la menace numéro 1 devant son homologue russe. Les rôles avaient été inversés. Avec l’apparition en Chine d’avions de combat comme les Chengdu J-10 Firebird et Shenyang J-16 Flanker G+ il devint évident qu’il faudrait remplacer à terme les F-15J. L’urgence portait alors sur les derniers F-4EJ pour lesquels une commande fut passée auprès de Lockheed-Martin autour de quarante-deux F-35A Lightning II en mai 2012.
En juillet 2020 Américains et Japonais s’entendirent sur une nouvelle commande de cent cinq exemplaires du chasseur de 5e génération. Soixante d’entre eux devaient permettre de remplacer les plus usés des Mitsubishi F-15J Eagle tandis que les autres seraient modernisés selon le standard JSI, pour Japanese Super Interceptor. En 2024 Boeing Mitsubishi tombèrent d’accord pour moderniser ainsi une partie des avions afin qu’ils gagnent de la technologie issue du F-15EX Eagle II. De cette manière le F-15J pourra attendre 2036-2038 et son remplacement par le Gurōbaru Sentō Kōkū Puroguramu euro-japonais de 6e génération, mieux connu sous l’initiale anglophone GCAP.
Quand il quittera le service actif le Mitsubishi F-15J Eagle accusera plus d’un demi siècle de service actif. Évidemment jamais exporté il est souvent considéré comme la version de chasse la plus évoluée de l’Eagle américain. Au printemps 2025 aucun exemplaire n’était préservé dans un musée japonais.
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