Carrier Onboard Delivery, le transport aérien embarqué américain

Ce contenu est une partie du dossier thématique : Histoire de l’aéronavale

Quiconque observe de près un porte-avions américain est forcément frappé par la puissance de feu qui s’en dégage. Des avions de combat ultramodernes comme le F/A-18E Super Hornet appuyés par des hélicoptères de lutte anti-sous-marine et/ou de recherches-sauvetages ainsi que des avions de reconnaissance E-2C Hawkeye et de guerre électronique EA-18G Growler. Mais un œil un peu plus aiguisé remarquera forcément cet étrange biturbopropulseur qu’est le C-2A Greyhound. Or c’est bien cet obscur avion, ou plutôt sa mission si particulière qui nous intéresse ici : le Carrier Onboard Delivery ou COD, la mission de transport aérien destinée à soutenir l’action à bord.

C’est durant la guerre du Pacifique que les marins américains commencèrent à réfléchir à la possibilité de disposer de véritables avions de ravitaillement en matériels et courrier afin de servir depuis et vers les ponts de leurs porte-avions. À cette époque la majorité de ces mission revient aux PBY Catalina. Cependant cette solution obligeait l’équipage des hydravions et amphibies à venir amerrir au plus près des bâtiments de guerre, et donc à sécuriser les eaux les plus proches pour éviter que le Catalina ne soit abattu voire torpiller. Le recours à un avion embarqué semblait donc une nécessité.

L’ancêtre du Carrier Onboard Delivery : le Catalina.

Malgré l’importance grandissante des missions de transport et de soutien logistique de la flotte, les crédits n’étaient à l’époque pas particulièrement affectés à ce genre de développement. Il fallut donc faire du bricolage, et c’est ainsi que naquit le premier avion de Carrier Onboard Delivery : le General Motors TBM-3R Avenger. Il s’agissait d’une version de l’avion de reconnaissance et de lutte anti-sous-marine éponyme sur laquelle la soute à armement avait été remplacée par une cabine sommaire permettant l’accueil de cinq à sept passagers ou bien d’un blessé médicalisé et de son soignant. Après de rapides modifications réalisées à bord l’avion pouvait servir au transport de fret léger ou de courrier à concurrence de 550kg maxi. Une vingtaine d’avions fut produite et servir entre octobre 1944 et la fin des hostilités, exclusivement dans le Pacifique. Pour des raisons purement pratiques ils ne pouvaient voler que de jour et uniquement dans des zones où la chasse japonaise était absente. Les TBM-3R n’avaient aucun armement défensif.

L’Avenger : plus connu comme bombardier ou torpilleur que comme ambulance ou facteur volant.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale une quinzaine de TBM-3J aux capacités tous-temps fut transformée en TBM-3RJ qui vinrent renforcer les TBM-3R encore en état de vol, jusqu’à ce qu’un remplaçant digne de ce nom ne leur soit trouvé.

En 1949, l’avionneur Martin fut le premier à se lancer dans le développement propre d’un avion de COD. Désigné JR2M Mercury celui-ci était en fait un dérivé désarmé et très profondément modifié de l’avion d’attaque au sol AM-1 Mauler. Développé pour permettre le transport rapide de trois blessés et d’un soignant ou bien d’une quantité de fret léger jusqu’à hauteur de 550kg le JR2M devait être développé sous une autre sous-version destinée elle à accueillir entre six et huit passagers dans un confort accru vis à vis du TBM-3R. Pour cela la version passager aurait reçu une roulette de queue rétractable sensée diminuer l’incidence de l’avion au sol et donc les désagréments pour les officiers prenant places à son bord. Malgré une étude avancée le Martin JR2M Mercury en demeura à l’état de prototype et l’US Navy dut se contenter de bichonner ses General Motors TBM-3R et RJ.

Il fallut en fait attendre le milieu des années 1950 pour voir enfin apparaître un véritable avion de transport embarqué : le Grumman TF-1 Trader. Dérivé lui aussi d’un avion existant déjà, le chasseur de sous-marins S2F Tracker, le nouveau bimoteur pouvait plus que doubler la capacité d’accueil des vieux Avenger. Mais surtout il allait permettre de réaliser des appontages et des décollages par mauvais temps, ce dont étaient incapables les vénérables monomoteurs.

Avec le TF-1 Trader le Carrier Onboard Delivery obtient enfin ses lettres de noblesse.

En septembre 1962, les Grumman TF-1 Trader furent renommés C-1 Trader, tandis que leurs missions ne cessaient de croître. Ils allaient connaitre leurs heures de gloire avec la guerre du Vietnam. En effet, durant ce conflit les Trader devaient être appelés à réaliser des missions d’évacuation sanitaire mais aussi de transport plus surprenant comme des infiltrations de commandos au profit des fameux Navy SEALs alors nouvellement créés.

C’est d’ailleurs au début des années 1960 que l’aéronavale américaine reçut la quinzaine d’exemplaire de la moins célèbre des versions de transport d’un avion embarqué : le Douglas UA-1E, une version de transport de courrier directement dérivé de son célèbre avion d’attaque Skyraider. Désarmés ces avions devaient assurer la poste aérienne au profit des équipages de porte-avions engagés ça et là sur les mers du globe.
Mais le C-1 Trader demeure encore la référence en la matière.

Prendre le moins de place possible, une obsession à bord des porte-avions.

En 1963, la marine américaine fit même des essais afin de valider l’emploi de Lockheed KC-130F Hercules comme avions de COD. Si un exemplaire (à peine modifié) réalisa un total de vingt-neuf touch-and-go et de vingt-et-un appontages et décollages le concept ne fut jamais validé. Jamais aucun Hercules n’aurait pu cohabiter dans les hangars avec les autres avions embarqués de l’époque tels les Douglas A-3 Skywarrior ou encore les Vought F-8 Crusader.

En fait dans ces années 1960, l’US Navy réfléchissait déjà à uniformiser sa flotte de Carrier Onboard Delivery autour d’un unique modèle d’avion. Cela allait donner naissance au plus célèbre d’entre-eux, qui un demi-siècle plus tard était appelé à toujours voler sous ses couleurs. C’est bien évidemment du Grumman C-2 Greyhound dont il est ici question. Le premier véritable avion de transport embarqué digne de ce nom, le premier aussi aux réelles capacités tous-temps et nocturnes, capable de décoller et d’apponter même par les mers les plus démontées.

Le C-2A Greyhound dans son élément naturel : au-dessus des flots.

Dans les années 1980 et 1990, la marine américaine mit en œuvre le Lockheed US-3A Viking destiné à remplacer le C-2A. Cependant ce biréacteur n’était pas aussi polyvalent que l’avion de Grumman et il fut finalement retiré du service en 1998 alors que la majorité des Greyhound volait encore. Les US-3A avaient une capacité d’accueil de quatre à six passagers et jusqu’à deux tonnes de fret léger.

Le propre d’un COD est de relier le porte-avions au plancher des vaches, comme le démontre cet US-3A Viking.

En ce début de vingt-et-unième siècle, il semble bien que l’avenir du COD se dessine autour des convertiplanes comme le futur HV-22 Osprey qui pourraient bien dans un avenir pas si lointain réécrire totalement la jeune histoire de ces opérations si mal connues. Pour autant, il ne faut pas (encore) enterrer trop vite le biturbopropulseur de Grumman qui sait faire de la résistance.

Et toujours la recherche du gain de place, même chez ce vieux guerrier.

Mission très spécifique mais absolument nécessaire au bon fonctionnement du porte-avions, le Carrier Onboard Delivery est une spécialité presque exclusivement américaine. Hormis six Fairey Gannet modifiés et utilisés par la Fleet Air Arm dans les années 1950 et le début des années 1960 aucun autre pays ne fit (ou ne fait actuellement) appel à des avions pour ravitailler le bord. Les marines britanniques, françaises, ou russes utilisent encore de nos jours exclusivement des hélicoptères de transport et d’assaut pour cette mission avec donc les restrictions connues sur de telles machines.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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