Échec et mat pour le Su-75 Checkmate ?

L’avion de combat présenté de 5e génération par la Russie est-il arrivé au mauvais moment ? Il y a un moins de deux semaines nous célébrions le triste anniversaire des 500 jours du début de la guerre en Ukraine, un évènement qui a profondément mis à mal l’industrie aéronautique russe. À l’image de feu le Kamov Ka-62 l’une des victimes collatérale directe de la volonté de Vladimir Poutine d’écraser son voisin pourrait bien être le désormais assez hypothétique Sukhoi Su-75 Checkmate. Cet avion devait permettre à la Russie de reprendre la main sur le Shenyang J-35 chinois actuellement en phase finale de développement et surtout le best-seller américain Lockheed-Martin F-35A Lightning II.

L’annulation récente du salon MAKS 2023 par le Russie a jeté un froid. C’est là qu’en 2021 avait été présenté celui que l’on connaissait surtout sous le patronyme de Checkmate, son nom commercial. Un avion qui dès le départ suscita la curiosité et l’engouement, notamment en raison de son allure assez novatrice. Quelques mois plus tard il assurait le spectacle au Dubaï Air Show 2021. Dès lors le Sukhoi Su-75 fut perçu par le microcosme aéronautique comme un danger potentiel pour des avionneurs comme Dassault Aviation, Eurofighter, voire même Lockheed-Martin. L’avion supposé furtif russe visait avant tout les marchés de l’export, bien plus que celui de sa propre force aérienne. Il pouvait séduire des clients, au-delà des acheteurs habituels de la fédération de Russie.

Début 2022 tout le monde le voyait comme l’avion qui allait faire la une des médias spécialisés durant les mois et années à venir. La Russie nous offrait enfin un vrai renouveau, bien plus profond que le triste Sukhoi Su-57 Felon. À titre très personnel j’attendais beaucoup de lui, étant même séduit par son nom commercial rappelant mon jeu favori. Si l’avionneur Sukhoi ne s’est pas lui-même tiré une balle dans le pied c’est le Kremlin qui s’en est occupé le 24 février 2022.

Ce matin là en effet l’aviation et les armées russes ont violé la souveraineté ukrainienne, et déclenché une guerre que le dictateur Vladimir Poutine continue de qualifier comme «opération militaire spéciale» visant à la «dénazification» du régime ukrainien. Se croyant sans doute à l’abri de toute réponse internationale du fait de son siège au conseil permanent de sécurité de l’ONU autant que de ses milliers de têtes nucléaires le dirigeant russe a cru bon de tenter de renverser la présidence de Volodymyr Zelensky, pourtant démocratiquement élu. Poutine avait tort. Sous l’impulsion à la fois des États-Unis, de l’Union Européenne, mais aussi de l’Allemagne, de la France, et de la Grande Bretagne la plus part des nations alliées prirent des mesures de rétorsions économiques et industrielles lourdes contre la fédération de Russie. Même la Corée du Sud, le Japon, et Taïwan s’alignèrent sur les Européens et les Nord-Américains. Comme d’autres secteurs économiques russes l’aéronautique prit de plein fouet ces sanctions.

Trois mois après le début de la guerre une première communication officielle de Rostec annonçait que le programme Su-75 Checkmate allait prendre au moins deux années de retard. Début 2023 pourtant les infos distillées au goutte à goutte par Moscou pouvaient permettre encore de l’espoir pour cet avion. Quelques semaines plus tard des négociations de partenariats étaient annoncées avec l’Inde, avant que finalement un démenti soit apporté. Hindustan Aircraft Limited et les autorités indiennes semblent plutôt privilégier le développement de leur AMCA indigène, l’Advanced Medium Combat Aircraft. Aujourd’hui les potentiels partenariats industriels semblent se réduire comme peau de chagrin, seules la ruinée Argentine et l’isolée Iran pourraient encore accepter de soutenir un avion dont les prévisions de premier vol n’ont cessé de reculer. De 2025 initialement à 2027 au début de cette année on parle désormais de 2029 ou 2030. Ce qui ne permettrait pas d’envisager une entrée en service avant au plus tôt 2035 ou 2037. L’avionneur Sukhoi n’aurait alors t-il pas meilleur compte de laisser tomber son Checkmate et de repenser un avion plus polyvalent et peut-être moins dépendant de l’étranger ? Seul l’avenir nous le dira.

Photo © Keypublishing.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

11 réponses

  1. Cet avion a une entrée d’air bien trop petite. Il aurait été impossible pour lui de voler. Ils ont simplement fait une maquette au design « cool », comme les Iraniens avec leur fameux Q-313.
    Ce n’est que de la propagande.

  2. Il y a 20 ans, un hors série de science & vie expliquait que le complexe militaro industriel russe avait été tué par la fin de la guerre froide. Aujourd’hui, la Russie s’est réarme et avait relance des exportations, mais force est de constater que cela repose sur des cellules conçues dans les années 1970.
    Vos articles sur la frilosite de la Russie a engager son aviation, donnent une idee de la désuétude de leurs aéronefs….

  3. Il semblerait que l’Argentine ait pour le Tejas indien les yeux de Chimène.
    Quand aux Indiens, il ont déjà donné et abandonné, dépités, leur coopération aéronautique avec la Russie. Il semblerait un peu fort de café qu’ils s’y ré-abonnent. D’autant plus que Hal collabore avec Safran pour le futur et il semble même que Dassault puisse monter dans l’affaire.

  4. Je ne vois pas trop le rapport entre une cellule des années 70 et les ventes a l’export de matériel aéronautique russe, force est de constater que le su27 décliné sous toutes ses variantes fait son office dans son domaine de compétences et peut être sera remplacé a terme par le su57, plutôt discret, mais il est difficile en temps de guerre d’avoir des informations non filtrées par l’une ou l’autre propagande. A mon sens la Russie n’a jamais eu vocation à projeter sa puissance mais plutôt à défendre son territoire, je ne vois pas trop ce qu’un chasseur furtif dépasse technologiquement dans quelques courtes années apporterait à la flotte russe, attendons de voir les performances d’un f35 face a un missile fox 3 moderne avec senseur thermique mais j’ai bien peur que cette furtivité ne soit qu’accessoire dans une guerre moderne.

    1. C’est vrai que la Russie n’a jamais essayé de projeter sa «puissance » en abkhasie, en Syrie, en Biélorussie, en Arménie, en Asie centrale ou en Ukraine… ridicule, comme la propagande du Kremlin !

  5. Les systèmes d’armes SCAF et NGAD pointent leur nez à l’horizon 2040, que va faire la Russie contre cette menace mortelle pour ses forces aériennes ? Quelqu’un a une réponse ?

  6. Les émirats ont simplement annuler leur coopération avec la Russie sur le développement de cet avion mort née, par contre la propagande continue de vanter l’avancement du projet…Quant au SCAF je ne suis pas certain que le nain terroriste sait de quoi il s’agit, je ne suis pas surpris qu’il dira qu’avec les chars T-50 il aura la situation en main. La dernière propagande invite les touristes russes à passer leur vacances et de s’aventurer à la Crimée suite au bombardement ukrainien. Que j’aime la propagande russe avec des gags à chaque annonce.

  7. Comme Olivier, la taille mais surtout la forme de l’entrée d’air m’ont frappé. Etant gosse, je dessinais des avions et je me suis fait reprendre par un ingénieur en aéronautique au sujet de cet élément beaucoup moins simple qu’on peut le penser.

    Certes, les choses ont changé depuis, et les ingénieurs de Sukhoi sont loin d’être des incompétents. Mais ce n’est pas sans rappeler (en encore plus tarabiscoté) à l’entrée d’air du X-32, qui n’aurait pas survécu à une éventuelle mise en service. Et en tout état de cause, on peut penser que cela nuirait au rendement du moteur.

    1. je ne vois pas en quoi l’entrée d’air « en mentonnière » du X32 – à part sa laideur tout à fait exceptionnelle – aurait provoqué la perte d’un appareil, c’est une très bonne solution technique.
      Le X32 a été évincé pour sa « moins bonne » solution ADAV face au futur F35, sachant que les ventes ADAV sont archi minoritaire c’est finalement regrettable.

      Je vous rejoins plutôt sur les dimensions de l’entrée d’air, mais ici pas de vertical, et un « petit » avion, donc peut être beaucoup moins d’air à engloutir face au X32

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