L’industrie aéronautique russe sait t-elle encore vendre ses aéronefs ?

AgustaWestland AW.139 et Dassault Aviation Rafale ou encore Lockheed-Martin F-35A Lightning II et Sikorsky UH-60 Blackhawk démontrent qu’Américains et Européens possèdent les clés pour exporter leurs aéronefs militaires. Depuis quelques années les Russes les ont perdu, ils n’arrivent plus à vendre leurs avions et hélicoptères les plus récents comme le Kamov Ka-52 Hokum-B ou le Sukhoi Su-35 Flanker-E. Et depuis que l’on sait que Moscou a perdu sa deuxième place au palmarès des nations exportatrices d’armement cette incapacité prend désormais tout son sens. La guerre menée contre l’Ukraine n’est sans doute pas étrangère à ces échecs.

Malgré une promesse d’achat de l’Algérie pour 2028 le chasseur furtif Sukhoi Su-57 Felon n’intéresse personne. Même la Biélorussie pourtant totalement inféodée à la Russie s’est détournée de lui tout comme la Chine qui lui préfère ses avions indigènes. Il a tout d’un flop à l’export face à un Lockheed-Martin F-35 Lightning II qui se vend mieux que des bretzels sur un marché d’Alsace à l’approche de Noël. Même les forces aériennes russes semblent traîner des pieds à le mettre en service à grande échelle. Pourtant tout porte à croire que technologiquement ce Su-57 n’est pas aussi avancé que les propagandistes russes veulent bien le prétendre. En fait beaucoup d’experts internationaux sont même assez sceptiques quand à la réalité de sa furtivité. Ceci expliquant peut-êre que l’avion ne se vende en réalité quasiment pas. Heureusement que l’Algérie sauve les meubles.

Et cela n’a rien d’encourageant pour les deux autres programmes d’avions russes de 5e génération : le Mikoyan MiG-41 et le Sukhoi Su-75. En fait le premier n’est pas à proprement parler un avion dédié au marché international puisqu’il doit remplacer le MiG-31 Foxhound dont le seul client étranger, le Kazakhstan, a hérité ses vingt exemplaires de la désagrégation de l’URSS au début des années 1990. Il se dit d’ailleurs que ces avions volent peu du fait de leurs coûts d’exploitation jugés phénoménaux. Les possibilités d’exporter le MiG-41 sont hyper réduites, se limitant sans doute à un ou deux pays comme l’Inde et là encore éventuellement l’Algérie afin qu’elle puisse remplacer ses antédiluviens MiG-25 Foxbat retirés du service depuis presque deux ans. Sauf que ni l’un ni l’autre de ces pays n’a pour l’instant exprimé de souhait autour de ce futur (hypothétique ?) MiG-41. Le cas du Sukhoi Su-75 est sensiblement différent puisque lui a spécialement été conçu pour l’export et plus particulièrement à destination des pays ne pouvant pas acquérir, souvent pour des raisons politiques, le Lockheed-Martin F-35A Lightning II. Il n’est actuellement même pas assuré que le Su-75 soit véritablement un jour appelé à entrer en service en Russie. Sur cet avion Moscou vise un peu à droite et à gauche. C’est assez confus. Sauf que lorsqu’il arrivera sur le marché dans quelques années le chasseur furtif russe devra affronter une concurrence nouvelle : les KAI KF-21 Boramae et TAI TF Kaan respectivement sud-coréens et turcs. Ces avions indigènes comptent bien s’implanter également à l’international, et ainsi grignoter un peu plus les parts de marché du Su-75. Pas de bol pour lui.

Donc les Russes n’ont pas les clés pour commercialiser leurs avions furtifs. Est-ce mieux avec les avions conventionnels sur la période 2019-2023 ? Oui et non. Enfin un tout petit oui et un assez gros non. Car la Russie se repose totalement sur ses acquis, et à ce niveau là cela signifie qu’elle s’appuie exclusivement sur le Sukhoi Su-30 Flanker-C. Cet avion est depuis 25 ans son best-seller. Au point même qu’il a tué la concurrence nationale des Mikoyan MiG-35 Fulcrum-F et Sukhoi Su-35 Flanker-E. Un peu comme ce qui s’est passée avec le Lockheed-Martin F-35A Lightning II vis-à-vis du Boeing F/A-18E/F Super Hornet aux États-Unis.  C’est finalement assez darwinien sauf qu’en théorie le Su-35 est plus évolué que le Su-30. Mais pas plus adapté au marché. Même l’allié iranien peine à accepter ce «super chasseur» de génération 4.5.

En fait c’est vraiment avec les hélicoptères que la Russie a réussi à maintenir un minimum de stabilité sur les marchés extérieurs. Et encore pas avec ses plus modernes. Kamov Ka-52 Hokum-B, Mil Mi-28 Havoc et Mi-38 Hart n’ont enregistré aucune commande entre 2019 et 2023 inclus. Il faut dire que les deux premiers ont largement démontré en Ukraine… leurs limites. Ce sont donc les Mil Mi-17 Hip-H et Mi-171 Hip-K ainsi que les Mi-25 Hind-D et Mi-35 Hind-F qui ont réussi à trouver preneur durant cette période, et encore de manière assez sporadiques. Intéressant de voir qu’ils sont directement issus des hélicoptères d’ancienne génération Mil Mi-8 Hip et Mi-24 Hind. Là encore la Russie capitalise sur ses acquis sans jamais rien proposer de trop nouveau. Du rustique oui du nouveau non. C’est triste pour l’ingénierie mais rassurant pour le Kremlin.

Le fait que la Russie ait dégringolé de la deuxième à la troisième place, une première depuis 1950 et l’URSS, ne s’explique pas par le seul échec des industriels de l’aéronautique. Cela en fait juste partie. Il faut aussi voir que la diplomatie est importante dans les ratages de ces commercialisations. Moscou subit de plein fouet la loi fédérale américaine dite CAATSA, pour Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act. Reste désormais à savoir si sur l’exercice 2024-2028 qui vient de débuter la Russie saura inverser la situation. Car à la quatrième place la Chine monte et monte encore.

Affaire à suivre.

Photo © ministère russe de la défense.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

11 réponses

  1. Bonjour Arnaud, c’est triste de constater cette « stagnation » de l’industrie aéronautique Russe, mais sans doute est-ce aussi le résultat d’une politique basée en partie sur le mensonge. Jusqu’aux années 70/80 les soviétiques savaient faire et aussi persuader, mais les donnés géopolitiques ont évolué, les mentalités sans doute aussi,ce que ne semble pas prendre en compte les dirigeants Russes actuels. L’après Poutine verra peut-être renaître une industrie aéronautique digne de ce nom et surtout une politique plus adaptée à une stabilité mondiale.

    1. à mon humble avis, poutler est en train de pénaliser durablement, voire irrémediablement, toute l’industrie aéronautique russe. Après, il parait que c’est les russes qui votent pour lui…

    2. il y a des pays qui ne se remettent jamais de leurs politiques, littéralement jamais.
      je pense à l’argentine par exemple, ou la corée du nord.

      La russie est sur un entre deux déjà très négatif, et la bascule pourrait bien être définitif, parce que le monde de l’après carbone ça commence maintenant, et ce n’est pas en exportant leur bois et leurs diamants qu’on recrée spontanément une industrie aéronautique crédible.
      Il faudrait donc une sorte de miracle politique, une révolution interne suivie de décénnies de « gages » donnés au « monde stable » pout que quelqu’un veuille de produits aussi « impliquants »

  2. En fait je ne vois pas ce qui peut sauver l’aéronautique Russe. Entre l’écart technologique qui s’est creusé et qui n’est pas près de changer avec les restrictions, les mauvais retours des clients actuels, la guerre en Ukraine qui fait que tous les derniers produits technologiques russes n’ont plus aucun secret pour les occidentaux, et enfin la concurrence chinoise, coréenne et bientôt indienne, pour moi les carottes sont cuites

  3. Certes les russes ne savent plus vendre mais surtout ils ne savent plus construire. D’abord il convient de rappeler encore et encore que l’URSS n’était pas là Russie et que historiquement l’Ukraine était un acteur essentiel de l’industrie aéronautique soviétique. Ingénieurs, compétences, moyens de production. L’indépendance de l’Ukraine en 1991 et surtout la rupture totale après 2014 a été une catastrophe pour l’industrie aéronautique russe dont elle n’arrive pas pas à se remettre. Le deuxième point clé, c’est l’état mafieux poutinien. L’aéronautique russe a été restructuré afin de pouvoir détourner un maximum de fric et assurer aux amis et aux obligés du régime des milliers d’emplois fictifs. Produire des avions, créer les produits de demain, c’est secondaire. Du temps de l’URSS, lorsque Moscou décidait d’un nouveau projet, il y avait traditionnellement trois bureaux d’études qui étaient mis en concurrence, deux projets atteignaient le stade du prototype et un était choisi. Aujourd’hui rien de tout ça, c’est une giga pompe à fric où personne n’est responsable et où sortir du rang est mal vu. Emulation er innovation n’existent plus pourtant ils ont des ingénieurs compétents même si moins qu’avant. Seulement ils ont souvent du mal à trouver du boulot. Troisième problème, la MCO, quand un client achète un appareil il veut qu’il vole hors si vous devez attendre un an voire plus pour obtenir les pièces de rechange, vous allez voir ailleurs. On critique beaucoup les délais occidentaux, mais côté russe, c’est la bérézina. En fait les russes n’ont toujours pas compris qu’en aéronautique on pouvait gagner plus d’argent en accompagnant le matériel tout au long de sa vie opérationnelle plutôt qu’à la vente. La vente est faite, le client captif pour x années, pourquoi s’embêter. Sauf qu’avec des clients comme les indiens par exemple, ça ne passe plus.

  4. Cet article est totalement anti russe, dire que l’aéronautique russe est en faillite c’est faire le jeu de la politique US de menacer tout pays qui achèterait du matos russes.
    Le Rafale a mis plus de vingts an pour s’affirmé sur le marché internationale alors il ne faut pas se moquer des Sukhoi, Mig, Kamov… eux au moins ils ont prouver leur expérience sur terrain ce qui n’est pas le cas des matos occidentaux. J’aimerais bien voir des hélicos Apaches au combat en Ukraine.

    1. En Ukraine les avions et helicos russes ont démontré une chose : ils se font très bien descendre par la résistance locale.

    2. Moi aussi, j’aimerais voir des hélicoptères Apache ou des chasseurs F-16 MLU au combat en Ukraine.
      Mais je pense que cela ne plairait pas aux anciens Soviétiques.
      Si les courageux Ukrainiens abattaient les puissants Sukhois avec des missiles anti-aériens datant de la guerre froide, que pourraient-ils faire des AIM-120 AMRAAM ?
      Traduit avec Google

      1. D’autant plus Vittorio que vous autres Italiens connaissez bien les qualités réelles du F-16. Après tout l’Aéronautica Militare utilisa quelques temps ce chasseur de facture américaine.

        1. Bonjour Arnaud.
          Vous me faites pleurer… J’ai déjà écrit que l’Aeronautica Militare Italiana aurait pu avoir le GRIPEN avec un programme commun italo-suédois mais a choisi de faire cavalier seul et de produire l’AMX médiocre et très cher, pour satisfaire l’industrie italienne ( le même qui a imposé le Fiat CR 42 à la Regia Aeronautica….).
          L’histoire du F-16 dans l’Aeronautica Militare Italiana est la même.
          Devant disposer d’un gap-filler pour garantir la période entre la mise hors service du désormais obsolète F-104S ( notre  » spillone  » bien-aimé), l’Aeronautica Militare Italiana a pensé au F-16. Lockheed Martin a proposé le leasing de 90 F-16 ex-USAF à des conditions très avantageuses. modernisés de manière appropriée, y compris les missiles AMRAAM.
          Le gouvernement de l’époque (Prodi Romano) rejeta cette offre avantageuse en 1996 sous la pression de l’industrie italienne.
          Il a été préféré le leasing de 24 Tornado ADV pour 10 ans, à des coûts très élevés, et de procéder à la transformation de 49 F 104 ASA en F 104 ASA-M pour garantir le travail de l’industrie nationale. En pratique, la mise à jour du « spillone » consistait en une nouvelle peinture et un peu plus.
          Le plus ridicule était que les Tornado ADV étaient équipés de missiles Sky Flash qui étaient clairement inférieurs aux missiles italiens ASPIDE qui ne pouvaient cependant pas être utilisés par le chasseur britannique, car non compatibles avec le puissant radar AI.24B Foxhnter.
          De plus, des officiers pilotes étaient employés dans le rôle de gestionnaires de systèmes, ce qui a créé un mécontentement de la part du personnel qui s’est senti humilié.
          Ce n’est qu’en 2003 qu’il a été décidé le leasing (à un prix très élevé cette fois) de 34 F-16, qui sont restés en service jusqu’en 2012.
          Ces choix faits pour plaire à l’industrie furent un préjudice sérieux pour l’Aeronautica Militare Italiana qui fut incapable de disposer d’une excellente machine comme la Viper. Et ce n’est pas un cas isolé.
          Si vous, Français, pensez que Dassault conditionne votre gouvernement, sachez que dans l’État italien, c’est bien pire. Au moins Dassault sait comment rendre les avions de combat excellents.
          P.S. Si je me souviens bien, une timide proposition de Dassault pour une location de Mirage 2000 n’a même pas été prise en considération….
          Traduit avec Google.

  5. il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué… Bien qu’ayant des grosses lacunes dévoilés lors de ce conflit, l’armée et de surcroit, son industrie, profitera d’un retex énorme.

    On voit déjà l’utilisation de + en + de bombes guidées. Il ne leur manque qu’une production en masse de munitions guidées, du développement d’un POD de visée, de l’entrainement des pilotes russes et on aura le droit a une aviation puissante même si techniquement pas aussi moderne que les ténors occidentaux..

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