Berlin refuse d’enterrer le programme franco-allemand de patrouille maritime MAWS.

Beaucoup le pensaient fini après la décision allemande de sélectionner le Boeing P-8A Poseidon. Sauf qu’aujourd’hui le gouvernement fédéral dirigé par le chancelier Olaf Scholz ne s’annonce pas prêt à tourner le dos à la France dans l’épineux dossier du programme MAWS. Ils attendent désormais de savoir le ministère des Armées est toujours d’accord pour définir avec le Bundeswehr l’avenir de la patmar européenne. C’est sans doute aussi une manière pour Airbus Defence and Space de ne pas totalement perdre la face contre Dassault Aviation.

Dès septembre 2021 le Bundeswehr n’avait pas caché au ministère des Armées que l’acquisition des P-8 Poseidon n’était qu’une solution intérimaire. Il lui fallait en urgence un avion dernier cri capable de remplacer à échéance rapide ses vieux Lockheed P-3C Orion. Pour le gouvernement fédéral allemand l’avenir reposait alors sur le programme commun MAWS. Visiblement vu de Berlin la chose est entendue : ce sera le MAWS avec les Français ou rien. Et ce rien se traduira tôt ou tard par une commande supplémentaire de Boeing P-8A Poseidon.

Pour mémoire le programme MAWS (pour Maritime Airborne Warfare System) devait lors de son lancement en 2017 permettre de remplacer à l’horizon 2025-2030 les Dassault-Breguet ATL-2 Atlantique de la Marine Nationale et les Lockheed P-3C Orion du Marineflieger. L’état d’usure avancé de ces derniers a obligé l’Allemagne à recourir à une commande de cinq avions intérimaires, mais sans pour autant abandonner le programme.
Désormais l’Allemagne entend que l’avion qui ressortira du programme MAWS soit disponible entre 2030 et 2035. Pourquoi alors cette perte de cinq ans par rapport à la décision initiale ?

Simplement parce que les deux prétendants possibles n’existent pas encore. La France semble clairement sur la voie d’une militarisation du futur jet d’affaire très haut de gamme Dassault Aviation Falcon 10X. De son côté l’Allemagne préférerait une solution plus européenne autour de l’avion de ligne Airbus A321 Neo transformé à la manière du P-8A Poseidon. Une manière aussi pour Airbus DS de riposter à l’hégémonie grandissante du Boeing sur le marché des avions de patrouille maritime.
Il faut signaler que si l’Airbus A321 Neo est un succès commercial clair et net le Dassault Aviation Falcon 10X n’existe pas encore. En effet son prototype ne volera pas avant 2025, au plus tôt. Et encore ne sera t-il alors configuré que comme avion d’affaire, pas pour la chasse aux sous-marins chinois et russes.

La balle est donc désormais dans le camp d’Emmanuel Macron. À un tel niveau d’importance le programme se joue forcément entre la Willy-Brandt-Straße et l’Élysée. C’est donc aux Français de prendre leurs patins et d’annoncer s’ils entendent toujours donné une résonnance européenne au programme ou simplement une vision franco-française. L’option de repousser l’échéance à 2035 pourrait aussi être perçue comme un second souffle au MAWS.
La réponse française est attendue pour au plus tard en décembre de cette année.

Il se murmure à Berlin que l’une des solutions envisageables serait la mutualisation des programmes entre MAWS et SCAF afin d’apaiser les tensions. L’idée serait de confier le MAWS à Airbus DS donc à l’Allemagne tandis que Dassault Aviation obtiendrait la maîtrise d’œuvre principale du programme de chasseur de 6e génération. Chacun serait ainsi satisfait. Reste à savoir si les Français accepteront de voler sur un avion européen de patrouille maritime et non sur un avion français.
Dans le même temps l’Allemagne entend ouvrir le programme MAWS à d’autres pays européens comme l’Espagne et le Portugal.
Affaire donc à suivre.

Photo © ministère des Armées.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

10 Responses

    1. Vu comme ça oui ! Mais dans l’UE, je ne sais pas qui sait faire des avions de patrouille maritime à part Dassault ,Thalès et Leonardo. Donc ça risque d’être encore des tensions en perspective 🙁

  1. Bonjour,

    Lors d’un article sur le C295 de patrouille maritime j’avais posé la question de savoir si cette version du C295 ne pourrait elle pas satisfaire la France et l’Allemagne ?

    Quelqu’un pourrait-il m’expliquer pourquoi aucun des deux pays ne s’est intéressé à cette solution ?

    Merci

    1. Tu dois parler du Persuader. Ce que j’ai pu trouver sur le net et c’est pas évident c’est que le Persuader a été construit sur fond propre par AIRBUS sans cahier des charges européen. Il ne correspond donc pas aux besoins de la marine francaise et allemande bien qu’il est beaucoup plus d’allonge qu’un A321 ou un falcon 10x. Une nouvelle version serait trop couteuse a développer sans doute c’est pour ca que peut etre ils preferent partir d’une nouvelle base.
      Autre argument, c’est qu’aujourd’hui que ce soit en PAT MAR ou en matiere de guerre electronique, il n’y a aucun leader ship européen. Pour preuve, aucun avion n’existe dans l’arsenal européen pour du brouillage radar, alors de la lutte anti sous marine….
      Mais ce n’est que mon point de vue ^^

  2. Ce serait une bonne nouvelle, en espérant que à l’instar du programme SCAF, cela intègre aussi le développement de drones maritimes et volants.

  3. Je trouve ce revirement assez cynique… Ou pragmatique, pour arriver à ‘bouffer’ ce qu’il peuvent, Dassault s’étant révélé plus fort que les autres acteurs miliaires ou étatiques français…
    N’oublions pas que malheureusement, à ce niveau les allemands ne sont pas nos amis.
    D’ailleurs à ce niveau il n’y a pas beaucoup d’amis !

  4. Je trouve que la position allemande est de l’enfumage. Clairement il s’agit de perdre du temps.
    ‘Airbus souhaite nous refiler un A320 PATMAR sur étagère. Si les P8 donnent satisfaction alors les Allemands en commanderont d’autres et encore une fois la France sera au pied du mur.
    Il serait plus sage que la France développe dans son coin un système PATMAR basé sur le Falcon X, tout du moins l’électonique. SI le projet MAWS colle avec le planning de remplacement des appareils français alors ce sera tant mieux, sinon on aura la bonne excuse de dire : « alors ? Qui à retardé le projet durant 5 ans en commandant des P8 ? Hum ? Oui je sais cela est regrettable mais « .
    Bref Dassault développe l’avion et tient les délais correspondants au remplacement de notre flotte de PATMAR et on regarde les Allemands venir faire des courbettes devant nous. S’ils froncent les sourcils, on leur ressort le même menu qu’ils nous ont servi ces dernières années.

  5. La France a déjà volé sur un avion de PatMar européen, l’ATL-1 Atlantic qui était une coopération, financé il me semble par l’OTAN. Question,, quand on connaît la durée nécessaires aux patrouilles ASM, un appareil à réacteur a-t-il la capacité à rester autant d’heures en l’air par rapport à un turboprop ? l’ASM c’est « encore et encore…. » plus la capacité au vol basse altitude et basse vitesse ? je précise que je suis un ancien d’Airbus Defence et qu’auparavant j’ai travaillé sur ATL-1 et ATL-2 ?

    1. Commentaire plein de bon sens… Mais si l’endurance « de base » est meilleure pour un turbo prop, est-ce toujours le cas dans le cas d’avions ravitaillantes en vol… car que la solution soit basée sur l’A319/20/21 ou le Falcon 10X, Elle sera très probablement ravitaillable en vol… En outre, le programme MAWS pourrait (tout comme le SCAF) se réaliser sous la forme d’une coopération pour les systèmes… et d’une solution indépendante pour les cellules… les 2 solutions pourraient d’ailleurs être complémentaires…
      Pour terminer… et pour le coup, pour Airbus uniquement.. quand on est un industriel on DOIT prendre des risques.. et depuis le temps qu’Airbus nous parle d’un airbus 319/20/21 PATMAR, il aurait été bien d’en voir le bout d’un prototype… car même si un avion se vend bien mieux quand il est « cautionné » par l’état du constructeur… Il est toujours plus facile de vendre un avion qui existe plutôt qu’un projet au stade de la planche à dessin…

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