Des Boeing F-15EX Eagle II bientôt sous marquages de la Pologne ?

Mais où s’arrêtera donc Varsovie dans sa quête de nouveaux avions de combat ? L’information fait le buzz auprès du microcosme aéronautique internationale : la Siły Powietrzne s’est vu offerte par l’avionneur Boeing la possibilité d’acquérir jusqu’à 32 exemplaires de son «nouvel» avion de combat. Le F-15EX Eagle II représenterait une possibilité de remplacer définitivement les derniers avions d’attaque et chasseurs de facture soviétique encore en service en Pologne. Les rêves de grandeurs de ses généraux ne semblent plus avoir de limites.

Car oui en ce mois de septembre 2023 la Pologne aligne encore des avions militaires hérités de l’époque soviétique, et donc de la guerre froide. Pour mémoire celle-ci s’est terminée en 1990 avec l’effondrement de l’URSS et la dislocation de son bloc idéologique marxiste. Les aéronefs en question ne sont donc pas de toute première jeunesse ayant tous été livrés entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980. Dans les fait il s’agit d’un peu plus de vingt Mikoyan MiG-29 Fulcrum, dont une partie a déjà traversé les frontières orientales de la Pologne pour rejoindre l’Ukraine, et d’un peu moins de vingt Sukhoi Su-22M Fitter-K. On ignore le sort final de ces redoutables avions d’attaque au sol à géométrie variable étant donné que les pilotes ukrainiens n’ont aucune expérience sur lui il y a fort peu de chances qu’ils le prennent en compte.

Or justement les décomptes de la flotte polonaise de MiG-29 et de Su-22 oscillent entre 40 et 43 avions au total. Ce qui semble parfaitement cohérent avec les annonces de Boeing autour de négociations sur l’acquisition prochaine d’un lot de 32 exemplaires de son super chasseur multirôle directement dérivé du McDonnell-Douglas F-15E Strike Eagle. L’avion américain étant parfaitement taillé pour remplacer le premier dans les missions de défense aérienne et le second dans celles de pénétration.

En quelques années la Siły Powietrzne a donc totalement rayé d’un trait de plume l’époque durant laquelle la Pologne vivait sous le joug de Moscou. Une fois les derniers MiG-29 Fulcrum et Su-22M Fitter-K abandonnés au profit du F-15EX Eagle II il ne lui restera plus de cette époque qu’une poignée d’hélicoptères Mil Mi-8 Hip et Mi-17 Hip-H. Les forces navales et terrestres alignent également encore quelques voilures tournantes d’origine soviétique, elles aussi bientôt remplacées par des modèles «occidentaux» plus modernes.

Bien sûr les Boeing F-15EX Eagle II ne sont pas les premiers avions de combat de facture américaine achetés par la Pologne. Ce pays a également fait l’acquisition de 48 exemplaires du General Dynamics F-16C/D Block 52+ Fighting Falcon qui représentent actuellement la base de sa chasse et de 32 du Lockheed-Martin F-35A Lightning II. Les premiers exemplaires de ceux ci doivent d’ailleurs entrés en service l’année prochaine. Sans compter la récente décision d’acheter en Corée du Sud un lot de 48 chasseurs légers KAI FA-50 Fighting Eagle. La volonté polonaise de voir la Siły Powietrzne devenir la première force aérienne d’Europe, devant l’Armée de l’Air et de l’Espace ou la Royal Air Force, n’a plus rien d’un secret de Polichinelle. Dans les faits elle ne le sera en fait jamais, sauf peut-être numériquement parlant ! Mais pas au niveau de la polyvalence de ses moyens qui continuent de laisser à désirer. Britanniques et Français possèdent bien plus que des chasseurs, ils alignent des moyens de projection de force, de renseignement aéroporté, de reconnaissance tactique, ou encore de frappe nucléaire. Des domaines dans lesquels l’aviation polonaise est bien souvent absente ou totalement déficiente.

En fait on sent clairement dans les choix de Varsovie une volonté double. La première est celle de privilégier les constructeurs américains, s’assurant ainsi la protection du fameux «parapluie» de Washington si souvent fantasmé par ses détracteurs. La seconde est plus insidieuse : la Pologne snobe totalement les deux principaux avions de combat conçus et construits sur le Vieux Continent et actuellement tout aussi capable, si ce n’est plus, que le Boeing F-15EX Eagle II de remplacer MiG-29 Fulcrum et Su-22M Fitter-K. Vous l’aurez compris c’est de l’Airbus DS Typhoon Tranche 4 et du Dassault Aviation Rafale F4 qu’il est ici question. Insidieuse car en faisant cela Varsovie joue totalement le jeu des États-Unis, au point sans doute parfois de tomber dans l’excès et donc dans le risque de devenir une caricature. En Pologne certains intellectuels particulièrement europhiles, européistes diront leurs adversaires, n’hésitent plus à qualifier leur pays de 51e état américain. Un travers qui fut longtemps celui que l’on colla au Royaume-Uni avant que celui-ci ne joue un peu plus la carte européenne.

Quoique l’on puisse penser de cette négociation en cours entre Boeing et Varsovie autour de ces 32 exemplaires du F-15EX Eagle II il est évident que c’est Moscou le fautif numéro 1. Il le serait tout autant si la Pologne avait choisi les constructeurs européens. Car c’est la politique expansionniste et violente menée par le Kremlin depuis 2008 qui pousse les pays jadis sous sa coupe à renforcer leurs moyens militaires. À leur corps défendant les Polonais connaissent bien la Russie.

Photo © US Air Force.