Les « Canadair » français s’usent, et ça commence à vraiment se voir !

Chaque été ils sont les héros de la lutte contre les feux d’espaces naturels et pourtant tout porte à croire que les pouvoirs publics les ont abandonnés, et premier lieu l’Intérieur leur ministère de tutelle. Sur le papier la flotte d’avions bombardiers d’eau de la Sécurité Civile se compose de douze Bombardier CL-415 et de huit Bombardier Dash 8, auxquels il convient d’ajouter trois Beechcraft Super King Air de reconnaissance et de commandement aéroporté. Dans la pratique cela fait des mois que le taux de disponibilité des avions amphibies chute, au point que parfois seul un quart des machines soit disponible. Il est urgent que tous les acteurs de la filière se mettent d’accord pour réagir !

On a parfois l’impression d’être Don Quichotte se battant contre ses moulins à toujours rabâcher la même chose sur la flotte des «Canadair» français. Il y a presque deux ans déjà nous tirions la sonnette d’alarme. Et aujourd’hui que l’arc méditerranéen étouffe sous des chaleurs extrêmes, avec une alerte canicule sur plusieurs département français, les avions amphibies bombardiers d’eau sont en alerte maximale. Sur la Base de Sécurité Civile de Nîmes les femmes et les hommes qui les entretiennent sont obligés de se transformer en magiciens afin de maintenir le plus gros des douze CL-415 disponibles. Car ces avions vieillissent très (mais alors désormais très très) vite.

Oxydation des éléments en contact répété avec l’eau, usure des cellules et des turbopropulseurs, manque de pièces détachées les Bombardier CL-415 sont désormais des avions d’un autre âge. Au début de l’été monsieur Benoît Quennepoix, secrétaire général du Syndicat National du Personnel Navigant de l’Aviation Civile, et lui-même pilote de «Canadair» s’inquiétait de cette dégradation lente mais inexorable auprès des grands médias généralistes français. Vous savez ceux là même que nos décideurs sont censés lire le matin en arrivant au bureau. Bah visiblement leurs attachés de presse n’ont pas fait le job car on a vraiment l’impression que de Beauvau à Matignon personne ne sait rien. Et donc ne fait rien. Pourtant tout mettre sur le dos du gouvernement Attal serait intellectuellement malhonnête. Certes nos politiques portent une très grosse part de responsabilité dans l’état des choses avec leur incapacité crasse à prévoir le futur mais ils ne sont pas les seuls en tort.

Car pour acheter un remplaçant aux CL-415 actuels il faut être à deux : la France comme cliente et De Havilland Aircraft of Canada comme vendeur. Or l’avionneur canadien ne semble pas pressé de faire voler le prototype de son tout nouveau DHC-515. Et donc ensuite d’engager la phase d’essais en vol avant son industrialisation. Or le DHC-515 n’est pas un avion comme un autre : c’est un pompier du ciel ! Plus on l’attend et plus l’Europe crame. Alors bien sûr certains argueront qu’il existe en Belgique et en France des alternatives locales à l’avion canadien, et ils auront tort. Car les deux programmes en questions sont encore moins avancés que celui du DHC-515. Lui au moins on est sûr que tôt ou tard il volera, et qu’il servira en première ligne.

N’empêche qu’en attendant notre belle Europe continue de brûler et que les équipages des CL-415 de la Sécurité Civile n’ont d’autres choix que de décoller à bord d’avions de plus en plus vieux. Gageons que l’été prochain ou l’été 2026 je vous proposerais le même article, avec encore des inquiétudes XXL.

Affaire à suivre.

Photo © Sécurité Civile


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

11 Responses

  1. Peut-être aurait-il été judicieux de ne pas s’être empresser d’envoyer à la casse les Trackers certes vieux et usés eux aussi sans les remplacer vraiment et qui épaulaient très efficacement les Canadairs? Les Dash sont d’un emploi beaucoup moins souple sur les départs de feu et au dessus des reliefs accidentés. Pour rappel les pompiers californiens utilisent toujours des Trackers modernisés comme l’avaient été les nôtres. Pourquoi pas chez nous?
    En attendant bon courage à tous ceux qui dans les airs et sur terre veillent à la protection de nos fôrets.

  2. Et si Airbus rachetait DH Canada Aircraft? Ça a bien fonctionné pour le Bombardier devenu A 220. Vu le réchauffement climatique, le marché ne cesse de croître…

  3. Ayant vu l’évolution sur les 20 dernières années la diminution de financement de services publics (financer = payer mais aussi trouver l’argent) au profit d’une délégation au privé, je pense qu’il peut y avoir un calcul de la part des décideurs:
    – La flotte publique commence à ne plus être adaptée
    – Le cout d’en maintenir une est trop élevée
    – Un ou plusieurs acteurs privés vont venir proposer des services qui reviennent moins cher aux finances publiques
    – Il suffira d’engager les acteurs privés au contrat

    Pour l’instant, je ne vois pas l’étape 3 en Europe (il y a peu d’acteurs européens privés ayant les moyens et la volonté de lancer une flotte de lutte contre le feu), alors qu’aux US, Coulson & co le font déjà donc il y a déjà un risque que ces acteurs US se renforcent encore.
    De plus, avec les perspectives d’évolution du climat dans la zone euro-méditerranéenne (sécheresses plus longues), si le calcul précédent pourrait être presque justifié aujourd’hui (et encore), les coûts des contrats vont d’augmenter au fur et à mesure (offre vs demande, la fameuse « loi du marché ») comparé à une flotte publique correctement maintenue.

    1. Si on en est là c’est justement à cause de l’ultra libéralisme. Et vous voulez encore plus ouvrir les bras à ce genre de pratique qui vise à remplacer un service public, qui a un coût certes, mais qui au final revient moins cher que le privé dans la majorité des cas? On vu le résultat avec la privatisation des secteurs énergétiques, communication, eau, etc…
      On en serait pas là si on investissait dans nos moyens publics plutôt que de financer indirectement les rentiers des multinationales. Moralité, les canadiens ont le monopole et c’est eux qui mènent la danse.
      Les effets du réchauffement climatique sont inéluctables et rendent pertinent tout investissement durable pour ce secteur. Je ne suis pas certain qu’encourager la sécurité de nos forêts et nos concitoyens par l’intermédiaire de sociétés privées soit plus efficace.

    2. Mais c’est déjà le cas en Italie. Une grande partie des moyens aériens sont sous-traités au privé. Je ne suis pas par principe contre à la condition que le privé arrive en renfort et surtout que ceux qui vont négocier au nom du public soient rompus à l’exercice. C’est un rapport de force où il faut négocier chaque écrou à l’avance. Il y a des exemples où ça fonctionne bien parce que tout a été mis à plat au départ. D’autres où c’est une catastrophe parce qu’on a cru qu’un avenant était possible et sans coût supplémentaire. C’est un métier auquel les comptables publics ne sont pas formés.

  4. Je pense aux hommes et femmes de l’ombre qui font un vrai travail de pro et parfois des miracles pour maintenir ces appareils en état de vol.
    Je pense aussi et surtout aux pilotes et co-pilotes qui risquent leur peau – plus que les autres – à chaque sortie. Respect !

  5. Dans cette affaire, De Havelland est en situation de monopole et compte bien en profiter. C’est logique. De l’autre, les états et l’union européenne ne veulent pas prendre tous les risques à la place d’une entreprise privée. Côté canadien ils se disent que le temps joue en leur faveur. Et ils ont raison. Les solutions proposées par les nouveaux entrants sont séduisantes sur le papier mais ne sont pas allées au delà du projet papier. Quant au kit Airbus, la solution technique n’a convaincu personne même si elle peut dépanner. Surtout les coûts d’acquisition de de MCO d’un A400M sont sans commune mesure avec ceux d’un canadair. Seule petite ombre au tableau pour De Havelland, il semblerait que Bruxelles tente de regrouper tout le monde pour passer une commande commune en acceptant de prendre tous les risques mais à la condition que la chaîne de production soit en Europe.

  6. Bonjour,
    Pourquoi aucun journaliste ne demande aux industriels un droit de réponse aux accusations inquisitrices et du point de vue d’une seule personne. Quelqu’un s’est il inquiété des réelles raison de la non disponibilité de certains avions ?
    Les dash sont tous en état de vol et volent pas… Pourquoi parce qu’il n’y a que peu de feu (heureusement)…
    Mais ça n’empêche qu’on tire à boulets rouges dans le vide
    Peut être des ambitions pour certains.
    Bref, je m’interroge qu’il n’y ai qu’un seul son de cloche.

    1. N’étant pas journaliste je ne saurais pas vous répondre. Et puis les « industriels » ont des services com’ qui sont depuis de nombreux mois très silencieux sur la question.

  7. Avant de se lancer dans la production du DHC-515, de Havilland Canada devait disposer d’un carnet de commandes conséquent. Avec les commandes européennes récentes, c’est chose faite et la fabrication des pièces est en cours. L’assemblage se fera dans une toute nouvelle usine dans la région de Calgary. La certification du DHC-515 se fera en parallèle à sa production. Les premiers appareils de série seront livrés fin 2026/début 2027.

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