En 9 mois de guerre l’Ukraine a accouché d’une chasse russe en état de mort cérébrale.

Au matin du jeudi 24 février 2022 l’aviation de chasse russe était une des plus craintes et des plus respectées sur la planète. Neuf mois jour pour jour après elle a démontré sa totale incapacité à obtenir même un semblant de domination du ciel ukrainien. Surtout depuis quelques semaines elle brille par son absence, remplacée en cela par les missiles de croisières et munitions rodeuses lancés par centaines contre les positions civiles ukrainiennes. En ce jeudi 24 novembre 2022 que reste t-il des Sukhoi Su-30 Flanker-C et Su-35 Flanker-E dont Moscou nous vantaient il y a encore quelques mois les qualités… supposées ?

Les nombreuses manœuvres menées par Moscou entre octobre 2021 et janvier 2022 inclus avaient mis la puce à l’oreille à la plus part des spécialistes des questions de défense. Pour autant rien ne pouvait nous préparer à la décision de Vladimir Poutine : envahir l’Ukraine par les airs et par la terre au matin du jeudi 24 février 2022. Afin de couvrir ses arrières et de flatter son opinion publique le dictateur russe nous sortit alors son idée d’une «opération spéciale» dont le but annoncé était de «dénazifier» l’Ukraine.
Dans l’heure l’OTAN retrouvait une raison d’exister, elle que l’on pensait quelques mois plus tôt totalement désuète et dépassée. L’alliance Atlantique allait organiser la défense des forces européennes, et notamment celle des pays craignant l’expansionnisme moscovite : Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, et Roumanie. L’organisation atlantiste allait même ouvrir ses portes à deux nouveaux arrivants inquiets des décisions poutiniennes : la Finlande et la Suède pourtant toutes deux connues pour leur tradition de neutralité.
Dans le même temps les Alliés allaient inventer un nouveau terme : la réassurance. Des avions de chasse de pays comme le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, ou encore le Royaume-Uni pour ne citer qu’eux allaient renforcer les défenses aériennes des pays craignant de vivre le même cauchemar que l’Ukraine.

Il faut dire qu’en ce début de mois de mars 2022 l’aviation russe impressionnait, et ce malgré de premières pertes avérées. L’OTAN la redoutait.
Les avions d’attaque au sol Sukhoi Su-24 Fencer et Su-25 Frogfoot harcelaient les troupes terrestres ukrainiennes pendant les Sukhoi Su-34 Fullback assuraient des missions de frappes plus précises contre des objectifs bien plus importants, comme les usines de l’avionneur Antonov. Dans le ciel les Sukhoi Su-27 Flanker, Su-30 Flanker-C, et Su-35 Flanker-E menaient des missions de supériorité aérienne. Un schéma tactique assez classique dans le cadre d’une guerre de haute intensité.

Sauf que rapidement la maîtrise du ciel par les chasseurs russes de défense aérienne se révéla être une vue de l’esprit. Seuls les médias propagandistes biélorusses et russes arrivaient encore à y croire, et pour cause : la chasse ukrainienne volait encore. Pire les forces terrestres russes, pourtant appuyées par le redoutable hélicoptère de combat Kamov Ka-52 Hokum-B, reculaient. Des appareils qui eux aussi allaient rapidement connaître des déboires face à l’acharnée résistance ukrainienne. Celle-ci fut largement sous-estimée par les stratèges du Kremlin.
L’autre grande erreur stratégique de Moscou fut de croire qu’après avoir annoncé qu’elle n’interviendrait pas militairement en Ukraine l’alliance Atlantique allait la laisser tomber. Pas de troupes alliées ne signifie pas aucune aide alliée. Et là Américains et Européens n’y sont pas aller avec la main morte : avions de combat, hélicoptères d’assaut, véhicules blindés, ou encore missiles sol-air furent livrés en masse. Les deux premiers types d’armement provenant principalement de pays jadis placés sous le joug soviétique.

Surtout au fur et à mesure que cette «opération spéciale» de «dénazification» progressait l’aviation russe intensifiaient les frappes aériennes contre des positions de moins en moins tactiques. Après avoir horrifié le monde en frappant une école élémentaire les Su-34 Fullback russes bombardèrent le théâtre de Marioupol où étaient réfugiés environ 300 civils innocents, majoritairement des femmes et des enfants. L’expression «crime de guerre» commença à être employée. Dans ses médias Vladimir Poutine annonçait fièrement la destruction de caches de combattants «nazis» sans voir que le monde commençait à comparer son aviation à la Luftwaffe de 39/45. Le Sukhoi Su-34 Fullback devint l’un des symboles de ce conflit ukrainien, sorte de Junkers Ju 87 Stuka des temps modernes.

Après avoir tenté un coup de bluff autour de son chasseur furtif Sukhoi Su-57 Felon la chasse russe a commencé à briller dès octobre 2022 par sa totale disparition du ciel ukrainien. Il faut dire qu’au sol les troupes reculaient, s’enfuyaient même dans certains cas devant l’avancée des armées ukrainiennes. Des militaires qui mirent la main sur des monceaux d’armes et de munitions laissées là par une armée russe en totale déroute. Noël avant l’heure. Aujourd’hui ces mêmes soldats russes sont réfugiés sur la rive gauche du fleuve Dniepr croyant ainsi pouvoir défendre une Crimée annexée par Moscou au printemps 2014 et que l’Ukraine compte bien libérer. Et toujours aucun avion de combat à l’horizon.

Pour autant la mort vient toujours du ciel dans les villes et villages ukrainiens. Elle prend aujourd’hui la forme de missiles de croisières, sol-sol ou air-sol, tirés depuis les territoires biélorusses et russes. C’est à dire à distance de sécurité, loin de la menace de l’artillerie anti-aérienne ukrainienne. Les pilotes de chasse russes continuent de tuer les Ukrainiens mais sans se mettre nullement en danger, une guerre de proximité, certains diraient de lâcheté. Et parmi les armes qui ne sont pas franchement une grande preuve de courage de la part de l’état-major russe il y a les munitions rôdeuses, à l’image de l’HESA Shahed 136 achetée par centaines (certains disent par milliers) auprès de la république islamique d’Iran. Une munition rôdeuse c’est comme un drone mais avec une charge explosive réduite dans le nez, quelques dizaines de kilos.
Missiles de croisière et munitions rôdeuses, Vladimir Poutine est entré dans une nouvelle phase de guerre aérienne en Ukraine, une phase ressemblant à du terrorisme d’état. On ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec ce que l’Angleterre a vécu entre 1944 et 1945 quand les bombardiers allemands incapables de voler au-dessus de la Manche furent remplacés par les terrifiantes V1 et les abominables V2.
Étrange quand on pense que le maître du Kremlin prétend vouloir «dénazifier» l’Ukraine.

Neuf mois jour pour jour après le début de cette guerre, car c’est bien une guerre que Moscou mène, il est parfois très difficile d’expliquer qu’on puisse se passionner pour l’aviation militaire quand on voit ce que la chasse russe a été capable de faire en Ukraine.
Pourtant il faut savoir expliquer, être pédagogue, tenter de convaincre les sceptiques, sans tomber nous aussi dans une forme de propagande qui nous serait préjudiciable. C’est difficile mais nous pouvons tous collectivement y arriver.

Photo © ministère russe de la défense.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

14 réponses

  1. Que proposez vous pour avoir la paix pour ce malheureux pays ?….
    Ce que vous écrivez est archi connu !…..

    1. Je n’ai rien à proposer, ce n’est pas mon rôle. Ici je rappelle juste qu’après 9 mois de guerre l’aviation russe a totalement disparu du paysage, au profit d’armes différentes.

    2. Il n’y a pas de mal à faire un point au bout de 9 mois de conflit.
      J’ajouterai que suite à l’invasion de la Crimée, des militaires ukrainiens ont été formés par l’occident sur les techniques de combat et surtout aux maniements des armes occidentales et aussi que les Russes pensaient que le gouvernement et le président ukrainiens allaient s’enfuir

        1. le principal défaut des russes dans l’aviation ce sont l’absence de pods de visée et de munitions modernes. Par exemple, le R-77 est obsolète et envoyer un su-34 pour larguer des bombes lisses… hum… c’est normal qu’ils tombent comme des mouches !

      1. Dans le plan idéal de l’état major russe, la première semaine Kiev était prise, la deuxième semaine c’était les principales villes ukrainiennes avec la fuite du gouvernement, la troisième c’était la dissolution totale de l’armée ukrainienne et la prise totale du pays, et à la quatrième le début de la russification de l’Ukraine avec référendum d’annexion, arrestation des opposants… On peut voir que l’armée russe s’est complètement plantée pour de multiples causes notamment les mensonges au plus haut niveau du commandement et du gouvernement russe.
        L’occident n’a pas attendu 2022 pour former les militaires ukrainiens. Ils sont formés par l’OTAN aux techniques de combat moderne et de techno guerrilla depuis 2014 sachant que cette guerre arriverais tôt ou tard. Et le résultat est là.
        Pour résumer, l’Ukraine n’est pas dans l’OTAN mais l’OTAN est dans l’Ukraine depuis 2014.

  2. En tant que Français, je ne me moque pas des déboires des forces aérospatiales russes car leur problème semble avoir été avant tout le manque de munitions guidées, ce qui entraine une utilisation aberrante de leurs appareils.
    Et nous Français, non seulement on aurait pas eu plus de ces munitions mais en plus on n’aurais pas eu de bombes lisses du tout.

    L’isolation dans laquelle c’est mis Poutine dans ses prise de décisions, ignorant les ou manquants de collaborateurs donnant des conseils informés et avisés (maladie qui touche généralement la plupart des dictateurs au long cours) n’aide pas à la prise de décision cohérente et efficace pour sortir de cette situation catastrophique.

    1. Sauf que les forces françaises auraient pu s’appuyer sur l’approvisionnement auprès des USA, notamment en munitions guidées air-sol. Et jamais la France du 21e siècle n’aurait chercher à envahir un de ses voisins !

      1. Oui et c’est bien ça le problème.
        La France ne produit aucune cartouche pour l’armée de terre, ni bombes (guidées ou non) utilisé par le RAFALE.
        Que se passerai-t-il si les USA n’approuvent pas une opex décidé souverainement par la France dans le cadre de la défense des intérêts supérieurs de la nation-république Francaise?
        On est à poil.

        1. L’A2SM, principale munition air-sol, et le MICA, unique munition air-air, pour le Rafale sont développés et produits en France.

  3. Pour rebondir sur l’article original et la réaction de James, un petit point d’étape ne fait pas de mal.
    Il est clair que sur le papier, les agresseurs russes partaient avec de bonnes chances (risques ?) de l’emporter.
    Mais, j’ai quelques difficultés à penser que Poutine va perdre cette guerre.
    Son armée éprouve des difficultés sans nom causées par des facteurs que des plus compétents que moi ont pu lister (mauvaise préparation, corruption,renseignements vérolés etc…) et je souhaite ardemment que l’Ukhraine retrouve la paix, SA paix et que POUTINE finisse dans les poubelles de l’histoire. La Russie mérite bien mieux que ça.
    Je crois que Churchill avait dit un truc dans le genre « Les britanniques perdent toutes les batailles, sauf la dernière »

  4. Toutes les fois où l’on comparaît les spécificités des avions de combat pour voir quel est le meilleur. On oubliait que les armes qu’ils mettent en œuvre sont tout aussi importantes voir plus. Car l’exemple russe est là ! Un bon avion avec des armes médiocres est un système d’armes médiocre ! Il faut arrêter de comparer les avions seulement, mais il faut prendre en compte l’ensemble de leurs armes.

  5. Merci pour cet article, et encore une fois pour votre sens de l’impartialité, même si, comme vous le dites, c’est parfois difficile d’être objectif.

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