Mais où est passée l’aviation stratégique russe ?

De manière assez logique elle est la crainte numéro 1 des états-majors alliés, notamment de l’OTAN et du NORAD. Pourtant depuis quelques semaines les Tupolev Tu-22M Backfire, Tu-95 Bear / Tu-142 Bear-F, et autres Tu-160 Blackjack sont aux abonnés absents. Une situation encore plus palpable sur le théâtre ukrainien où ces avions russes étaient jusque là engagés afin de frapper les populations civiles à l’aide de leurs missiles de croisière. Avec une industrie aéronautique durement impactée par les sanctions économiques européennes et nord-américaines cela ne risque pas de s’arranger.

Sur le papier l’aviation stratégique russe est en pleine mutation. Les actuels Tupolev Tu-160 passent du standard Tu-160M à celui de Tu-160M2 avec en plus la réception de dix avions neufs tandis que dans une logique identique les Tu-22M3 passent au standard Tu-22M3M. Des évolutions qui doivent permettre à ces bombardiers stratégiques de conserver une véritable capacité face à leurs homologues américains. Il en va de la crédibilité internationale de la Russie. Surtout Moscou a en ligne de mire le programme PAK-DA, pour Perspektivnyi Aviatsionnyi Kompleks Dal’ney Aviatsii. Celui-ci, piloté aussi par Tupolev, devrait prendre la forme d’une simili aile volante moins pure cependant que le Northrop-Grumman B-21A Raider actuellement en développement final aux États-Unis. Le PAK-DA doit prioritairement remplacé les vieux Tu-95 Bear datés de la guerre froide et qui représentent toujours en 2023 le plus gros du volume de vol de l’aviation stratégique russe.

L’aviation stratégique russe n’aligne cependant pas que des bombardiers. Elle aligne également les Ilyushin Il-78 Midas de ravitaillement en vol ainsi qu’une partie des Ilyushin Il-20M Coot-A et des Tupolev Tu-214 Mogul d’espionnage aéroporté et de reconnaissance… stratégique. Si les premiers demeurent logiquement visible, notamment pour soutenir la chasse seuls les plus anciens des avions espions ont été repérés depuis quelques mois par les Alliés. Comme les bombardiers les Tu-214 Mogul semblent jouer à l’Arlésienne.

Au sujet des bombardiers stratégiques les Alliés, et notamment les Britanniques, pensent qu’il s’agit d’une tactique visant à maintenir leurs aéronefs loin de la portée des drones et missiles de croisière de la résistance ukrainienne. Le raid contre Engels 2 a visiblement laissé des traces dans le haut état-major russe, sans doute jusque dans les allées du Kremlin. Dans le même temps les stocks de missiles de croisière russes, hors Kh-47M2 Kinzhal dit «hypersonique», sont au niveau le plus bas. L’aviation stratégique russe doit les refaire et donc attendre qu’ils aient été produits. Les services de renseignement britannique pointent particulièrement du doigt les Kh-38M et Kh-59M Ovod.

Les abords immédiats du ciel ukrainien ne sont pas la seule zone où ces gros avions d’armes ont disparu. L’Arctique, et notamment les approches des espaces aériens souverains du Canada et des États-Unis sont également concernés. Cela fait plusieurs semaines qu’aucun Tu-95 Bear, Tu-142 Bear-F, et Tu-160 Blackjack n’a été détecté par les stations radars du NORAD. Les pilotes des Lockheed-Martin F-22A Raptor alaskéens autant que leurs collègues canadiens sur McDonnell-Douglas CF-188 Hornet risquent-ils de perdre la main ? Sûrement pas, ils sont rôdés à ce genre d’identifications et même d’interceptions. Les bombardiers russes sont leurs proies favorites.

Malgré son âge désormais avancé le Tupolev Tu-95 Bear demeure en Russie la bête de somme du bombardement stratégique. Un peu comme le Boeing B-52H Stratofortress aux États-Unis, qui d’ailleurs lui est contemporain.

Cette disparition n’a rien de rassurante. Car rappelons que le rôle premier de l’aviation stratégique russe n’est pas de bombarder des cibles civiles dans un pays voisins dérangeant le Kremlin ou bien de titiller les défenses de l’OTAN ou du NORAD. Non sa fonction première, celle pour laquelle elle existe c’est délivrer le feu nucléaire aux quatre coins du globe. Cela fut le cas du temps de l’URSS ça l’est toujours avec la Russie post-soviétique. Aussi avec des avions comme le Tu-95 Bear ou le Tu-160 Blackjack on préfère largement les voir de temps en temps que ne plus du tout les apercevoir.

Affaire à suivre.

Photos © NORAD

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

12 réponses

  1. Je me demande si nous ne sommes pas arrivés au point où la Russie est si faible que si elle se permettait de titiller, comme elle l’a si longtemps fait d’un peu trop près, les frontières des espaces aériens occidentaux, ses bombardiers se feraient simplement descendre ou poliment raccompagner à leur base. L’occident ne peut plus accepter que des espaces comme l’Atlantique nord soit parcourus par des bombardiers stratégiques russes ou leurs sous-marins. Je ne serais pas surpris qu’on puisse faire le même constat que l’auteur de l’article pour ces derniers.
    J’étais surpris d’ailleurs que la France et la GB laissent passer des sous-marins russes de retour de Mer Noire par la Manche. Pour moi c’est no go. Et si des accords internationaux l’autorisent, il est temps de les réécrire à notre avantage.

    1. Je pense que ce que vous proposez n’est pas bon.

      Modifier des traités internationaux à notre avantage créerait un dangereux précédent.

      Cela justifierait l’interdiction par la Chine du passage par le détroit de Taïwan voire de la mer de Chine méridionale qu’elle revendique. La Turquie pourrait décider de contrôler complètement le passage par le Bosphore en abrogeant la convention de Montreux.

  2. Ils auront bien produire des versions plus modernes de leurs bombardiers. Juste que leurs nombres restent réduit comme ils coûtent plus chère à produire avec les sanctions. Contrairement aux bombardiers B52 qui ont évolué avec les années sans nécessairement que Boeing en construisent des nouveaux. Ces pour cela que le B52 va pouvoir encore voler en 2050.

  3. Le Mali refuse cette propagande. Les bombardiers russes sont les plus puissants du monde. Ils apportent la liberté en Afrique. Le Président Goïta a donné son accord pour l’utilisation de Gao par les bombardiers russes.
    Halt à la propagande antirusse.

  4. Les bombardiers sont-ils encore protégés sous une couche de pneumatiques ? Pour les faire voler, il faut d’abord enlever ces pneus.Le personnel de piste a dû avoir une pensée reconnaissante pour l’auteur de cette astucieuse proposition.

  5. Les russes sont faibles militairement (pas une raison de les envahir), mais leur aviation ne pourrait survivre que par cette profondeur stratégique que leur donne leur pays et aux armes long rayon d’action. En cas de conflit ouvert s’ils sortent de leur territoire c’est des lemmings, point à la ligne.

  6. Je suis d’accord avec Sissoko dit caporal Moussa ( le grade de général au Mali correspond au grade de caporal en France ! ) d’envoyer les bombardiers russes au Mali qui sera bientôt le premier fournisseur mondial des ferrailleries russes pour les
    Républiques bananières d’ Afrique. Quoiqu’elles pourraient intéresser peut-être la Corée du Nord …

      1. Le « général » Sissoko est désormais modéré ad vitam pour avoir tenu des propos très tendancieux sur deux sujets différents. Plus la peine de s’inquiéter Florent de ses délires.

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