Et si le successeur de l’ATL-2 Atlantique n’était pas le Dassault Aviation Falcon 10X ?

Ça bouge à Villepinte en Seine-Saint-Denis où se tient cette semaine le salon professionnel Euronaval 2024. Jusqu’à hier nous pensions que face au Dassault Aviation Falcon 10X encore en développement Airbus Defence allait avancer un A320Neo profondément modifié. Jusqu’à hier nous avions raison et tort à la fois car désormais le compétiteur européen est connu : il s’appelle A321MPA. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il se présente clairement comme un futur concurrent du Boeing P-8 Poseidon américain.

Cette fois la compétition destinée à remplacer les Dassault-Breguet ATL-2 Atlantique au sein de la Marine Nationale est entrée dans le dur. Et clairement Airbus Defence a sorti les couteaux et les a affûté ! L’avionneur européen ne compte pas jouer les sparring-partners pour son concurrent français. Il compte bien lui prendre le marché et faire de la France son marchepied vers d’autres pays européens.

D’abord ce futur A321MPA, que l’avionneur présente à Euronaval 2024 sous forme d’une maquette aux couleurs de la Marine Nationale, ne sort pas de n’importe où. Il est issu du surprenant et très novateur A321XLR, actuellement en service commercial grâce à Iberia. Ça c’est un argument massue vis-à-vis de son concurrent français ! En effet le prototype du Falcon 10X ne devrait pas voler avant au plus tôt le début de l’année prochaine. Et on parle ici de sa version civile dédiée au marché d’affaire très haut de gamme. Pour une hypothétique version militaire il faudra sans doute attendre 2027 ou même 2028. D’ici là les estimations donnent un vol inaugural de l’A321MPA déjà réalisé. Pour autant les deux avions de patrouille maritime sont encore des… maquettes et quelques jolies vues d’artiste.

Niveau argument en sa faveur les gens de chez Airbus Defense annonce qu’ils ont pensé leur A321MPA comme capable d’emporter le FMAN/FMC, pour Futur Missile Anti-Navire/Futur Missile de Croisière, développé par MBDA comme successeur des AM-39 Exocet et SCALP-EG. Charges de profondeurs, mines, et torpilles viendront logiquement compléter cet arsenal afin de lutter contre les menaces sous la surface. Enfin tirant les enseignements de l’emploi antiterroriste de l’ATL-2 le futur A321MPA est annoncé capable d’emporter et de tirer des munitions air-sol de précision, sans doute la toute nouvelle A2SM 1000 développée initialement pour le Dassault Aviation Rafale F4. Clairement l’avionneur européen joue la carte de l’interopérabilité avec l’avion vedette de la Marine Nationale.

Et celle ci devrait aussi se retrouver avec le futur hélicoptère multirôle embarqué français : le H160M Guépard. En effet le radar embarqué de l’A321MPA est actuellement développé par Thales à partir de l’AirMaster C conçu justement pour la version militaire de l’Airbus Helicopters H160. Pour autant la majorité des équipements et parties de l’avionique est protégée par le secret défense français. On le comprend bien.

Si Dassault Aviation développe actuellement l’Albatros à partir du Falcon 2000 d’affaires, déjà pour la Marine Nationale, Airbus Defence est loin d’être un inconnu dans le domaine de la patrouille maritime. Ses CN-235MPA et surtout C295MPA Persuader sont actuellement des avions qui se vendent très bien sur le segment de marché intermédiaire. Proches de nous l’Irlande et le Portugal peuvent en témoigner.

Il est clair que celles et ceux qui avaient peut-être donné un peu trop rapidement le Dassault Aviation Falcon 10X vainqueur de la compétition se sont sans doute fourvoyés. Airbus Defence n’est pas là pour compter les points. Et la compétition s’avère rude mais forcément passionnante. Et puis une Marine Nationale qui évoluerait comme cliente de lancement sur A321MPA aurait sacrément de la gueule. Bon après faudra lui trouver un nom qui claque à ce gros bébé de patrouille maritime.

Affaire (bien évidemment) à suivre.

Photo © Marine Nationale


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

16 Responses

  1. Bonjour Arnaud, peut-être que dans cette affaire, la DGA pourrait jouer la complémentarité et faire évoluer Falcon et Airbus sur des segments différents ? Mais probablement que, pour des raisons budgétaires, ce ne sera pas possible. Ou tout le moins, ces deux avions auront une carte à jouer à l’export. Cordialement

  2. Bonjour,

    Est ce que cette nouvelle enterre définitivement le projet franco-allemand de patrouilleur maritime ?

    Est-ce que Dassault a intérêt a poursuivre le développement de son avion, sachant qu’il risque de souffrir de la concurrence avec Airbus, et que son seul client possible risque de n’être que la France ?

  3. La question reste la disponibilité des cellules, l’A321XLR est le best-seller du moment chez Airbus avec plus de 500 exemplaires a livrer.

  4. Comme je disais dans les précédents articles sur le sujet, c’est la mission qui détermine le cahier des charges d’un avion.
    L’utilisation du P-8 n’est pas du tout la même que celle de l’ATL2, le 1er vole haut et vite, détecte et traite ses cibles de loin, le 2nd vole plus bas (d’où les turboprop comme le P-3), lance des bouées d’une manière plus précise ou utilise son MAD en autres.
    Le Falcon 10X comme tout Falcon, peut faire des sauts de puce, à savoir décoller (bien sûr) à charge max mais aussi atterrir à pratiquement la même charge, ce qui suppose une vitesse de décrochage très faible et donc qu’il puisse effectuer les mêmes profils de mission que l’ATL2 sans trop consommer.
    Pour les hautes altitudes, et c’est aussi une caractéristique des Falcon, le Falcon 10X monte très rapidement et croise à des altitudes supérieures aux liners
    Donc en résumé, tout dépend de ce que les marins veulent faire faire au successeur de l’ATL2

    1. La mission est adaptée en fonction des possibilités offertes par la machine. (Ex: Le Rafale fait la pénétration en radada parce qu’il peut difficilement faire autrement). Dans ce cas, l’Atlantique fait sa mission près des flots et lentement parce que c’est ce que la machine fait le mieux. La doctrine d’emploi est contingente (au moins en partie).

      1. Non, vous raisonnez à l’envers, dans le militaire, c’est le client (les militaires) qui en fonction de ce que peut fournir la techno du futur proche (des capteurs et armements) envisage comment traiter la cible et c’est le vecteur (l’avion) qui emporte ces capteurs et armements dans les meilleurs conditions possibles
        Le Mirage N puis le D ont été développés dans ce sens, le Rafale ne fait que perpétuer cette caractéristique, idem pour le F-15E, développé à partir du C qui peut aussi faire du rase motte mais pas d’une manière aussi évoluée que les avions français

        1. Bonjour,

          Dans ce petit débat je vais prendre la défense de la thèse de Math. Il ne faut pas confondre la mission et la solution. L’Atlantic premier du nom a volé en 1961 et est entré en service en 1965, à cet époque l’utilisation à basse altitude et le choix des turbo propulseurs était les seules solutions. Le P3 Orion américain (1963) ne chassait pas le sous-marin soviétique de façon très différente que notre Atlantic puis Atlantique 2.

          Aujourd’hui le cœur de mission reste le même mais les technologies ont changé, la question est donc de savoir si l’utilisation à basse altitude est toujours pertinente ou si la chasse à haute altitude permet d’aussi bons résultats. Sur ce point je n’ai pas de lumière à donner mais ce qui est sûr c’est que les militaires ne demande pas à avoir un avion qui chasse le sous marin à basse altitude mais un avion qui chasse le sous-marin efficacement.
          Les USA semble avoir répondu à cette question et le P8 semble répondre au besoin des marines qui l’achètent.

          Cordialement.

        2. @Montaudran
          « la question est donc de savoir si l’utilisation à basse altitude est toujours pertinente ou si la chasse à haute altitude permet d’aussi bons résultats »
          C’est la traduction de « tout dépend de ce que les marins veulent faire faire au successeur de l’ATL2 » (voir + haut)
          « ce qui est sûr c’est que les militaires ne demande pas à avoir un avion qui chasse le sous marin à basse altitude mais un avion qui chasse le sous-marin efficacement »
          Là vous répondez à la place de nos marins
          « Les USA semble avoir répondu à cette question et le P8 semble répondre au besoin des marines qui l’achètent »
          Il s’agit là des marins des autres pays, en tout cas, il n’y a pas d’autre choix pour l’instant que le P8 à acheter.
          Ne partons pas du principe que la doctrine militaire des USA est la meilleure pour nous aussi,
          Exemple:
          Les missiles de croisière type Scalp/Storm Shadow/Taurus conçus pour et utilisés par les pays européens ont une signature radar très réduite et pourtant ont une trajectoire d’attaque en basses altitudes (30m) nécessitant une cartographie des terrains survolés en plus du GPS, inertiel et IR.
          Les JASSM américains adoptent des trajectoires plus élevées (>500m) en comptant sur leur furtivité, guidage GPS, inertiel et IR
          Donc 2 doctrines différentes pour une même mission

        3. Bonjour James,

          J’ai donc écrit que « ce qui est sûr c’est que les militaires ne demande pas à avoir un avion qui chasse le sous marin à basse altitude mais un avion qui chasse le sous-marin efficacement » et vous m’avez répondu que « Là vous répondez à la place de nos marins ».

          Ce n’est absolument pas exact puisque le fait que j’affirme que nos marins veulent un avion qui chasse le sous-marin de façon efficace laisse totalement la liberté à ces derniers du « comment » de cette chasse. Mais de fait il serait absurde de penser que les marins désirent un avion qui puisse voler bas uniquement car ils étaient contraint voler bas jusqu’à aujourd’hui pendant les phases de chasse. Je dirais même que ce serait extrêmement inquiétant car cela montrerait une dépendance au sentier qui voudrait que l’on fasse toujours de l’Atlantique 2 car nous avons fait de l’Atlantique 2.

          Les américains avaient le P3 Orion et l’utilisaient à peut près comme nous avec nos Atlantique 2, puis il a été décidé de construire son successeur en tenant compte des avancées technologiques et ont opté pour un avion totalement différent et donc ont changé leur doctrine. Le P8 est le résultat de ce cheminement mais effectivement ce n’est pas nécessairement le seul possible, néanmoins cela montre que la doctrine est fonction des choix technologiques effectués, de fait les américains ont changé de doctrine d’emploi. D’ailleurs à contrario pour un même avion on peut avoir une utilisation différente puisque les indiens ont doté leurs propres P8 d’un MAD et donc devront l’utiliser au plus près des flots; du moins le temps d’utiliser le dit MAD. On le voit sur un unique choix technique (MAD ou pas MAD) l’avion sera utilisé selon deux doctrines différentes.

          Au final je remarque assez amusé que notre sympathique débat est un petit peu un sur le sexe des anges car rien n’indique que la solution d’Airbus avec un A321 et celle de Dassault avec un Falcon 10X seraient différentes au niveau de la doctrine d’emploi, c’est à mon sens un petit peu tôt pour le dire.

          Cordialement.

  5. Une grosse différence entre ces 2 appareils est la position des réacteurs, en queue pour le 10X et sous les ailes pour l’A321. Cette dernière empêche, pour des raisons de sécurité, les vol au ras des flots comme le fait l’Atlantic2. De plus la largeur des réacteurs les plus sensibles à l’ingestion d’oiseaux que ceux du 10X

  6. C’est une très bonne chose que la mise en concurrence et l’absence de monopole et la DGA ne peut que s’en féliciter. Si plusieurs options existent, ce ne sera que pour un besoin Français de quelques exemplaires et de quelques besoins export.
    Au delà du porteur, c’est surtout l’intégration du système d’armes qui fera la différence.

  7. Comme le souligne James, et pour avoir été témoin de cette qualité, l’Atlantic 2 peut se permettre des virages serrés sur l’aile à basse altitude aussi impressionnant qu’utile en cas de recherche maritime, manœuvre en 8 serré à « faible » vitesse, etc. Félicitations à l’équipage, en passant, pour son brio !
    L’argument de l’ingestion d’oiseaux dans les réacteurs est aussi pertinent. L’Atlantic ne craint pas les Fous de Bassan de l’île Rouzic.

    1. Exactement Arnaud, avec le Kawasaki P1, l’ATL2 sont les derniers en date à avoir été conçus spécifiquement pour la PatMar, le 1er étant plus proche du P8 (réacteurs), le 2nd avec voilure grand allongement, fuselage bilobe pour une grande soute d’armement

  8. Dommage que ce nouveau venu arrive trop tard pour le Canada et les autres pays contraints de choisir le P-8A Poseidon, faute d’alternative valable. Ayant déjà opté pour l’Airbus A-330 MRTT, le Canada aurait sûrement considéré le A321MPA avec grand intérêt. Mais comme les anglophones disent: « Timing is everything » !

  9. Arnaud. Entre la pat mar et la police du ciel, il n y a qu un pas. On sait également que les e3 de l armée de l air et de l espace arrivent en bout de piste. A ce jour, il n y a pas de remplaçant connu sauf peut être du côté de chez Saab. Il est exclut que la France commande chez Boeing tant les pressions seraient importantes. Est ce qu il est précisé que cette version a321mpa soit déclinee en version contrôle aérien.

    Également même avis que James, un turboprop, ça fait de la marmelade de goéland. Par contre un moteur à réaction, c est plus chiken wings grillé. Cependant les utilisateurs du p8 ne semblent pas regretter les p3. Sinon ils les auraient conservé.

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