En guise de compte à rebours vers la célébration du centenaire de l’Aviation royale canadienne (ARC) en avril prochain, je vous propose un album photo mensuel des aéronefs utilisés au fil des ans par cette force aérienne. Après ceux illustrant les avions de brousse, de formation, de patrouille maritime, les hélicoptères, les avions de transport et les bombardiers, nous clôturons cette série par les avions de chasse.
Lors de sa création en 1924, l’ARC pouvait compter sur un grand bassin d’aviateurs canadiens ayant combattu durant la Première Guerre mondiale. En 1918, le quart des pilotes des forces aériennes britanniques étaient en effet des canadiens. Aussi, plus de 13000 canadiens oeuvraient à l’entretien des avions britanniques. Ce dont l’ARC manquait cruellement à ses débuts était plutôt d’aéronefs et de financement adéquat.
La flotte d’avions de chasse de l’ARC durant la période d’Avant-guerre (1924-38) est assez famélique ne comptant initialement que quelques appareils désuets donnés par la Grande-Bretagne. Ce n’est qu’en 1926 que l’ARC recevra ses premiers chasseurs digne de ce nom, soit des Armstrong Whitworth Siskin. La Grande Dépression économique des années 1930 coupa net les ambitions de l’ARC. Si bien qu’au déclenchement du second conflit mondial, le Canada n’alignait qu’une trentaine d’avions de combat de première ligne. Constatant l’imminence de la guerre dès 1938, la Grande-Bretagne prit l’initiative d’accélérer la cadence de production de son chasseur Hurricane. Aussi, Hawker Aircraft octroie une licence de fabrication à l’entreprise Canadian Car and Foundry (CCF). Une vingtaine d’appareils Hurricane Mk.1 en provenance d’Angleterre sont aussi livrés à l’ARC juste avant le déclenchement du conflit. Sous l’impulsion de Elizabeth MacGill, plus de 1400 CCF Hurricane seront produits au Canada durant la guerre, dont plusieurs exportés vers la Grande-Bretagne et l’URSS.
Au déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale (1939-45), il devient impératif pour l’ARC d’augmenter rapidement ses moyens de défense aérienne. Les premiers exemplaires canadiens du chasseur Hurricane produits par CCF sont livrés dès février 1940. En parallèle, CCF avait déjà entrepris la production pour l’exportation du G-23 Goblin, un chasseur biplan dérivé du Grumman FF. Bien que jugé obsolète, l’ARC décida d’accepter une quinzaine de Goblin dans ses rangs en attendant mieux. Dès 1938, le Canada mettait sur pied ce qui deviendra le Home Defence de l’ARC qui à terme comptera près d’une quarantaine d’escadrons, dont le tiers dotés de chasseurs. Ne pouvant acquérir des Supermarine Spitfire affectés en priorité à la défense de la Grande-Bretagne, ce seront les CCF Hurricane ainsi que des Curtiss P-40 Kittyhawk qui combleront les besoins du Home Defence et dont certains appareils participeront à la campagne des Aléoutiennes. En plus de fournir un imposant contingent d’aviateurs canadiens pour la RAF grâce au Programme d’entraînement aérien du Commonwealth, l’ARC déploie dès juin 1940 son premier escadron de chasse outre-mer. Munis d’appareils Hurricane, l’ARC participe ainsi à son premier conflit lors de la Bataille d’Angleterre. L’ARC luttera également de nuit avec ses chasseurs lourds Bristol Beaufighter. À compter de 1942, les premiers exemplaires du légendaire chasseur-bombardier Mosquito fabriqués par De Havilland Canada sortent d’usine. Plus de 1000 exemplaires du Mosquito canadien seront livrés à l’ARC ainsi qu’à la RAF. L’ARC utilisera notamment ses Mosquito pour la chasse de nuit ainsi que pour intercepter les redoutables bombes volantes Fieseler V1. Plus tard dans le conflit, l’ARC alignera également des chasseurs Spitfire et P-51 Mustang ainsi que des chasseurs-bombardiers Hawker Typhoon. Durant la guerre, une cinquantaine d’escadrons outre-mer de l’ARC seront mis sur pied. Pour les amateurs de Warbirds, notons qu’Ailes d’époque du Canada fait voler des avions légendaires magnifiquement restaurés, soit un CCF Hurricane Mk.XII nommé The Reaper, un P-40N Kittyhawk, un Spitfire Mk.IX surnommé Roseland ainsi qu’un P-51D Mustang.
La paix revenue, l’ARC diminue drastiquement ses moyens et rationalise sa flotte de chasseurs. Ayant utilisé diverses versions du Mustang durant le conflit, l’ARC fera de cet avion légendaire son principal avion de chasse d’après-guerre. Les P-51D Mustang seront toutefois les derniers chasseurs à pistons de l’ARC et cohabiteront avec les premiers avions de chasse à réaction à arborer la cocarde unifoliée, soit des De Havilland Vampire. Rapidement la Guerre froide (1946-91) va entraîner le Canada dans une nouvelle course aux armements. Deux avionneurs canadiens seront mis à contribution. Canadair va se lancer dans la production du CL-13 Sabre (1815 exemplaires), du CF-104 Starfighter (200) et du CF-116 Freedom Fighter (240). De son côté, Avro Canada va produire près de 700 exemplaires du CF-100 Canuck et développer le CF-105 Arrow. Malgré les performances inégalées du CF-105, seulement six prototypes et appareils de présérie furent produits pour mise à l’essai par l’ARC. Bien que fort prometteur, le programme Arrow fut malheureusement mis à la poubelle, suite à un changement de gouvernement à Ottawa.. En lieu et place du CF-105, le parti conservateur nouvellement au pouvoir privilégia le moins performant, mais plus économique, McDonnell CF-101 Voodoo qui sera utilisé en combinaison avec des batteries de missiles sol-air à longue portée Bomarc pour protéger le Canada d’éventuelles incursions soviétiques. Durant cette période, le Canada va non seulement augmenter les moyens de défense aérienne sur son territoire grâce au NORAD, mais va également déployer des escadres de chasse sur de nouvelles bases aménagées en France et en Allemagne de l’Ouest sous l’égide de l’OTAN. À compter de 1982, le McDonnell-Douglas CF-188 Hornet devient le nouveau avion de combat multi-rôles de l’ARC, tant au Canada qu’en Europe.
Avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, la Période moderne (1992 à aujourd’hui) sera relativement calme pour les pilotes de chasse canadiens. Si ce n’est l’engagement des CF-188 Hornet lors de missions de combat de l’OTAN au Kosovo et lors de la traque des groupes terroristes au Moyen-Orient. Bien que ne disposant plus de bases permanentes en Europe depuis 1993, l’ARC déploie périodiquement ses CF-188 en Islande, dans les pays baltes et en Roumanie pour défendre la souveraineté de ses alliés face aux provocations russes. Après tant d’années de bons et loyaux services, les vénérables CF-188 Hornet bien que modernisés à plusieurs reprises seront prochainement remplacés par le furtif Lockheed Martin F-35 Lightning II. Cela permettra à l’ARC de mieux faire face aux ambitions belliqueuses de la Russie et de la Chine.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
10 Responses
Bon bah je crois que le premier mot qui me vient à l’esprit en lisant ton article Marcel est : « wahou !!! ». Bon en fait c’est un truc qui aurait donné : « Oh ***** de ***** de ***** d’article de ouf !!! ». Mais bon avec les astérisques ça le fait moins donc ce sera juste l’interjection. Non sans rire c’est juste énorme et en plus tu as mis en une un de mes avions canadiens favoris. J’ai toujours adoré l’Avro Canada CF-100 Canuck. Je pense que nos lecteurs et lectrices belges aussi apprécieront cette photo de couverture.
Bien content que cela te plaise. Espérons qu’il en sera de même pour nombre de nos lecteurs. Suggestion pour la prochaine photo du mercredi: un Canuck aux couleurs belges !
Voilà un joli défi que tu me lances… et que je relève.
Ce que j’aime sur votre site c’est la richesse et la diversité des articles. Vous traitez aussi bien de l’actualité aéronautique que son histoire sans oublier les fameuses photos. Et grâce à vous j’ai découvert qu’on était plus obligé d’écrire Royal Canada Air Force.
L’an dernier on a célébrer les 60 ans de l’armée de l’air populaire d’Algérie. Je me souviens pas que vous en avez fait autant pour elle que pour cette ARC. Et pourtant il y a plus d’Algériens en France que de Canadiens. Pourquoi ces différences de traitement ?
Sans vouloir vous vexer, un centenaire est plus remarquable et ça se souligne en grand ! Aussi, étant fils d’un ex-aviateur canadien, j’assume pleinement mon penchant naturel pour l’ARC. J’aime penser qu’Avions Légendaires est un site s’adressant à tous les francophones et francophiles du monde et non pas uniquement à la population de la France. D’ailleurs, une simple recherche sur notre site vous permettra de constater que de nombreux articles relatifs à l’Algérie ont été publiés au fil des ans.
Merci beaucoup pour ces articles sur le centenaire de l ARC.
Un coup de fraîcheur venant du Canada.
Et puis le CF 100.a vraiment une gueule…
Bonjour.
Merci, Marcel, pour cette très intéressante rétrospective. Quel travail impressionnant, il n’y avait rien à jeter.
Et pour le CF-105, je ne peux m’empêcher de penser que c’est un bien triste gâchis. Une superbe machine, en avance sur son temps. Il me semble avoir lu quelque part que, outre les considérations techniques mises en avant par le gouvernement fédéral canadien de l’époque pour justifier l’arrêt complet et la destruction du programme Arrow, il y avait aussi une grande animosité personnelle entre le président d’Avro Canada et le premier ministre canadien. Marcel, pouvez-vous me confirmer que cette hypothèse existe bien ?
Cordialement.
L’animosité était bien réelle. Les Américains auraient également manigancé en coulisses pour torpiller l’Arrow bien supérieur à leurs propres avions de chasse.
Merci de votre réponse, Marcel. L’animosité devait vraiment être forte, pour prendre une telle décision, ayant potentiellement un tel impact sur la défense aérienne du Canada.
Concernant l’hypothèse de pressions américaines, elle est effectivement plausible. Mais je vous remercie de l’avoir exprimée au conditionnel. Cela fait du bien de voir qu’Arnaud et vous n’hésitiez pas à prendre le recul nécessaire. On peut être passionnés ET intelligents, la preuve avec vous deux (entre autres).
Et pour le choix d’avoir commandé des F101 en lieu et place des Arrow… l’argument économique peut s’entendre. De plus, il est vrai que, à cette époque, le missile semblait être l’avenir et devoir démoder les avions pilotés. C’est un choix qui avait du sens. Mais au niveau performances et « gueule », oui, l’Arrow promettait beaucoup. Dommage (tout comme en France avec le Mirage 4000 ou au Royaume-Uni avec le TSR2), on ne saura jamais.
Cordialement.